«Nous nous concentrons sur le segment de la logistique»

Salima Barragan

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Paul Stewart et Jorge Duarte, de Barings Investissements Alternatifs, répondent aux cinq questions de Allnews sur l’immobilier européen.

Où nous situons-nous sur le cycle - ou les cycles - de l’immobilier européen?

Paul Stewart: Si l'on considère les enquêtes de conjoncture sérieuses, qui précèdent généralement la croissance économique de 6 à 9 mois, la croissance européenne semble prometteuse dans le court terme.

Jorge Duarte: Je pense qu'à moyen terme, le chômage va continuer de reculer. Cela implique une augmentation de l'activité économique et une nouvelle baisse du chômage et ainsi de suite. C’est un cercle vertueux qui s’avèrera tout à fait positif pour le marché de la location. 

Quels sont les marchés les plus dynamiques?

PS: En plus d'une économie en croissance, le secteur de l'immobilier commercial bénéficie également de plusieurs moteurs structurels à l'heure actuelle. Cela explique probablement pourquoi  la croissance annuelle des loyers est de 5% dans la logistique et les bureaux, bien au-dessus du rythme auquel on pourrait s'attendre au rythme actuel de croissance du PIB. 

«Dans le segment des bureaux, il y a une pénurie chronique
d'espace moderne à travers l'Europe.»

Premièrement, dans le segment des bureaux, il y a une pénurie chronique d'espace moderne à travers l'Europe. Ce segment haut de gamme a le taux de vacance le plus faible. Le deuxième moteur structurel vient de la vague du e-commerce à l'origine d'une augmentation de la demande dans le secteur logistique, principalement des entrepôts commerciaux. Le revers de la médaille concerne ici le marché des surfaces commerciales. Toutefois, la pénétration des ventes par internet n’est pas identique dans chaque pays, pas plus que l'offre de surfaces commerciales par habitant. Par exemple, le marché du e-commerce est plus mature au Royaume-Uni qu’en Italie ou en Espagne, mais l'offre de surfaces n'est pas la même non plus, de sorte que les impacts sur les réseaux de magasins seront donc très variables.

JD: Nous nous intéressons aux villes dont la croissance démographique est des plus fortes et avons donc un biais sur les marchés comme la Scandinavie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les villes allemandes importantes en forte croissance comme Hanovre et Hambourg ou les grandes métropoles. Nous aimons aussi Madrid, moins pour des raisons démographiques, mais parce que les loyers ont encore un potentiel de récupération. Nous nous intéressons aux villes très peuplées où les contraintes de construction sont importantes, ce qui crée des pressions sur les prix face à une population croissante. 

Quel sera l’impact des futures hausses de taux d’intérêts?

PS: Des hausses de taux d’intérêts provoquent une surchauffe des prix immobiliers car ce sont les principaux moteurs des prix. L’Europe est en retard sur le Royaume-Uni ou les États-Unis en termes de taux. Nous n’attendons aucune hausse avant l’été prochain et pensons que l’impact sur les marchés restera modeste. Parce que nous sommes dans un contexte de croissance, il y a un spread suffisant entre les rendements des biens immobiliers et les taux d’intérêts. Nous nous attendons à ce que le taux directeur de la Banque centrale européenne n'augmente que de 2% au cours des cinq prochaines années. 

JD: Il faut garder à l’esprit que les taux augmentent parce que l’économie se porte bien. D’ailleurs, une sélection rigoureuse des marchés où la croissance des prix est la plus forte peut permettre de neutraliser en partie les hausses de taux.

Sur quels marchés et comment investissez-vous?

JD: Nous investissons dans toutes les catégories d'actifs et dans toute l'Europe. En ce qui concerne le cœur de nos stratégies, présentant un profil de risque plus faible, nous avons une stratégie diversifiée dans toutes les catégories d'actifs et nous privilégions les marchés qui seront probablement les principaux bénéficiaires des tendances structurelles à long terme que Paul a décrites précédemment. En ce qui concerne les stratégies à valeur ajoutée, présentant un profil de risque plus élevé, les tendances structurelles sont également très importantes, mais nous nous concentrons sur les actifs qui nous permettent d'améliorer la valeur à court terme.  

PS: Dans le processus d’investissement, il est important de bien différencier les forces structurelles à long terme de paramètres cycliques à court terme. Les «core» stratégies prennent en compte les forces structurelles comme la croissance de la population et la productivité. Ces stratégies prennent également en compte les forces cycliques comme le taux de chômage et les taux de vacance.  Nous devons nous assurer que nous avons investi de la meilleure façon possible à long terme, mais aussi à un moment opportun du cycle. Pour ce faire, nous pouvons compter sur nos équipes de terrain en Europe qui connaissent très bien leurs marchés locaux.

«La prochaine grande opportunité au cours des cinq à dix
prochaines années sera sur les logements étudiants.»
Comment voyez-vous le marché immobilier évoluer pour ces prochaines années?

PS: Bien que les rendements extrêmement faibles de l'immobilier de prestige puissent susciter une certaine inquiétude chez les investisseurs et que les taux d'intérêt soient appelés à augmenter légèrement, des perspectives de croissance positives pour l'économie de la zone euro (ce qui implique une hausse de la demande locative) et une baisse du taux de vacance (en particulier pour les locaux modernes), ainsi qu'une marge de sécurité encore importante entre les rendements de l’immobiliers de base et les taux sans risque offrent une perspective plus positive. Dans l'ensemble, compte tenu de la corrélation inverse très stable entre les rendements immobiliers et la croissance des loyers, les rendements et les prix de l'immobilier de base devraient se maintenir tandis que les marchés locatifs vont continuer à s'améliorer.

JD: Les prix sont élevés et les rendements sont bas pour les meilleurs actifs, mais vous en avez pour votre argent en termes de durée et de qualité du revenu. Nous privilégions la gestion des actifs plutôt que les actifs de base, c'est-à-dire ne pas faire de compromis sur les emplacements, mais choisir des propriétés qui nécessitent une «réparation» - que ce soit la structure physique, la solvabilité de l'occupant ou la durée du bail.  

Certains évoquent l'existence d'une bulle immobilière, car les prix sont élevés. Mais les marchés commerciaux ont aujourd'hui des niveaux d'endettement plus faibles que lors du dernier cycle. En règle générale, l'effet de levier est l'amplificateur qui transforme les ralentissements cycliques de l'économie en effondrements du marché immobilier. Ce n'est tout simplement pas le cas aujourd'hui.

Je crois que la prochaine grande opportunité au cours des cinq à dix prochaines années sera sur les logements étudiants qui tireront profit de la croissance rapide d'une nouvelle classe moyenne au niveau international. 

 

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