Royaume-Uni: une lueur d'espoir?

Bénédicte Kukla & Adrien Roure, Indosuez Wealth Management

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Malgré un contexte macroéconomique morose, il est intéressant de noter que les actions britanniques surperforment nettement leurs homologues continentales.

Si le Royaume-Uni bénéficie de son statut d'île, avec une meilleure diversification des fournisseurs d'énergie et une banque centrale libre de se concentrer sur l'inflation, il est loin d'être immunisé contre la crise énergétique et la gestion du couple croissance/inflation reste très compliquée. Il ne faut cependant pas négliger la performance des actions britanniques, largement décorrélée de l'économie domestique.   

L'économie britannique est loin d’être tirée d'affaire

Après avoir enregistré une récession parmi les plus sévères en 2020 (-9,3%) et une solide reprise en 2021 (+7,4%), l'économie britannique devrait croître de presque 4% en 2022. Les restrictions sanitaires sont désormais levées et l'indice PMI des services a atteint 62,6 en mars, un chiffre dépassant les excellentes performances de la France (57,4) et des États-Unis (58). Cette reprise sera toutefois de courte durée, car les consommateurs font les frais de la crise énergétique. Bien que le Royaume-Uni soit relativement indépendant de la Russie pour son approvisionnement en énergie (30% des importations de pétrole et 74% des importations de gaz proviennent de Norvège), une combinaison de facteurs antérieurs à la guerre – incluant l’impact des confinements liés à la COVID-19 sur les travaux de maintenance en mer du Nord – a pesé sur les coûts de gros.

Le revenu disponible devrait baisser de 2% en 2023

En outre, l'inflation britannique atteignait déjà des sommets historiques avant le conflit ukrainien et touche désormais, contrairement à la zone euro, un grand nombre de secteurs. Elle a atteint 7% en glissement annuel (GA) en mars (1% en glissement mensuel – GM), le coût du logement étant fortement impacté par la hausse des prix de l'énergie, qui devrait se poursuivre en avril avec le relèvement du plafond des prix du gaz fixé par l'autorité de régulation (OFGEM).  Combinés à un taux de chômage historiquement bas (3,8%), les effets de second tour de cette envolée des prix ont poussé les salaires à la hausse (+5,4% pour la moyenne mobile sur trois mois en février), mais les rémunérations n'ont pu absorber l'inflation et les salaires réels ont reculé de 1% sur la période. Selon Euler Hermes, l'augmentation de la facture énergétique par ménage se traduit, par rapport à la situation précédant la guerre, par une perte de revenu disponible de 2 points de pourcentage au Royaume-Uni (contre 1,5 point en Allemagne, et 1 point en France, en Italie et en Espagne). Au Royaume-Uni, on observe que l'endettement des ménages a surtout progressé parmi les bas salaires durant la pandémie. Cela explique pourquoi la consommation privée n'a pas encore retrouvé son niveau pré-pandémie.

Banque d'Angleterre: les mains libres

La Banque d'Angleterre (BoE) est moins menacée par le risque de fragmentation financière que la Banque centrale européenne (BCE), contrainte de rester attentive à l'impact d'un resserrement trop rapide sur l’énorme volume de la dette italienne. Dans ce contexte, la BoE a procédé à sa troisième hausse de taux consécutive en mars, alors que le marché anticipe des taux directeurs atteignant 2,5% en mars 2023. La banque centrale a également annoncé qu'elle amorcerait son processus de resserrement quantitatif (QT) en ne réinvestissant pas le produit des obligations d'État arrivant à échéance. Après un probable relèvement des taux à 1% le mois prochain, la BoE pourrait néanmoins faire une pause pour permettre à son Comité de politique monétaire d’évaluer l'impact de sa politique sur la croissance. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le Royaume-Uni devrait enregistrer l'inflation la plus élevée (5,3%), mais aussi la croissance du PIB la plus faible (1,3%) du G7 en 2023, en raison de la chute du revenu disponible et du resserrement des conditions financières.

Marché boursier britannique: des rendements élevés, soutenus par l'énergie et la qualité

Malgré un contexte macroéconomique morose, il est intéressant de noter que les actions britanniques surperforment nettement leurs homologues continentales. Plusieurs raisons expliquent l'attrait des investisseurs pour l'île. Alors que le Royaume-Uni semble davantage immunisé contre la crise russo-ukrainienne et offre une opportunité de diversification parmi les actifs risqués, les aspects fondamentaux de ce marché sont particulièrement favorables.

D'une part, les valorisations absolues et relatives n'ont jamais retrouvé leurs niveaux pré-Brexit et se négocient à des niveaux historiquement bas (11,8 contre une moyenne de 14,8 sur 10 ans), ce qui limite le risque d'un mouvement violent en cas de nouvelle correction des marchés actions. D'autre part, le principal indice actions – le FTSE 100 – bénéficie d’une pondération renforcée du secteur de l'énergie par rapport aux autres grands indices (12,2%, contre 5,4% pour l'Euro Stoxx 50 et 4,3% pour le MSCI World). Cela en fait une couverture intéressante contre la hausse des prix des matières premières. En outre, l'environnement inflationniste a replacé le style Qualité et la thématique du pouvoir de fixation des prix au centre du jeu. Appartenant à cette thématique et connu pour sa nature défensive, le secteur de la santé est également bien représenté au sein de l’indice FTSE 100 (11,7%). À l'inverse, les secteurs les plus touchés par l’augmentation des coûts des intrants (comme l'industrie) ou la hausse des taux d'intérêt (comme la technologie) sont sous-représentés par rapport aux principaux indices européens.

Finalement, ces biais Value (notamment via le secteur de l’énergie) et Qualité offrent de meilleures perspectives de bénéfices pour les actions britanniques en 2022 (+13,7%, les 8,9% anticipés ayant été révisés à la hausse le mois dernier) et devraient continuer à soutenir le marché, sauf déraillement de la politique monétaire ou ajustement drastique de la croissance britannique. Les entreprises offrant un rendement du dividende élevé ont généralement été favorisées en période de risque de stagflation croissant. Quant aux actions britanniques, elles sont d’autant plus attrayantes qu’elles proposent l'un des taux de rendement des flux de trésorerie disponible les plus élevés au monde, ce qui séduira les investisseurs si le risque de stagflation se concrétise à l'échelle mondiale. De ce point de vue, l'herbe peut sembler plus verte outre-Manche.

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