Une double crise énergétique

Bénédicte Kukla, Indosuez Wealth Management

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L’UE doit réduire drastiquement sa dépendance aux importations d’hydrocarbures russes et diminuer l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur les consommateurs.

Présenté début mars par la Commission européenne, le nouveau plan REPowerEU affiche deux objectifs essentiels: réduire des deux tiers (soit 100 milliards de mètres cubes – MMC) la dépendance de l’Europe aux importations d’énergie russe et réduire l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur les consommateurs.

RÉDUIRE LA DÉPENDANCE

L’essentiel de la réduction des importations de gaz russe passera par le recours à d’autres fournisseurs et l’augmentation de la production de biométhane. L’Union européenne projette de se tourner vers d’autres producteurs de gaz naturel liquéfié (GNL) au Qatar, en Egypte et en Afrique de l’Ouest, tout en diversifiant l’approvisionnement via des gazoducs en provenance d’Algérie ou de Norvège. Il prévoit également l’accélération des projets dans le solaire, l’éolien, l’hydrogène vert et l’accélération de l’utilisation des pompes à chaleur. Les autres mesures envisagées incluent la réduction de la demande d’énergie, via l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’évolution du comportement des consommateurs.

S’il reste à évaluer avec précision l’impact de ces mesures, nous identifions d’ores et déjà deux grandes tendances macroéconomiques.

Le plan nécessite d’importants investissements dans les infrastructures. Contrairement aux barils de pétrole, le GNL nécessite des infrastructures pour liquéfier le gaz au départ et le regazéifier à l’arrivée. Les capacités européennes sont adaptées à la demande actuelle, mais pas à une demande supplémentaire de 50 MMC. En outre, les infrastructures d’acheminement de l’Espagne (où une bonne partie du GNL pourrait être livrée) vers l’Europe de l’Est seront très probablement insuffisantes. Enfin, l’accélération de la production d’énergie renouvelable implique de mobiliser rapidement des investissements massifs dans ce secteur. Parallèlement, une hausse de 50 MMC de la demande européenne équivaut à une augmentation de 10% de la demande mondiale qui, combinée au relèvement des objectifs de capacité de stockage en Europe, provoquera immanquablement un choc de demande sur le marché du GNL.

Cette crise offre à la région l’opportunité de se diversifier avec de nouveaux producteurs.

Certes nécessaire, ce plan s’avère aussi inflationniste. Outre les pressions sur les prix induites par la demande, l’Europe sera contrainte de régler une prime pour que le gaz naturel liquéfié soit transporté via des nouveaux acheminements. De plus, la transition vers les énergies renouvelables est inflationniste à court terme, en raison de coûts de production plus élevés et d’un besoin de matières premières actuellement chères.

Soulager les consommateurs

Le deuxième volet du plan REPowerEU vise à limiter l’impact de la crise sur les populations les plus vulnérables, en permettant aux Etats membres de prolonger l’existant et d’imposer un contrôle temporaire des prix ainsi que des mécanismes de transfert (y compris des mesures fiscales ciblant les bénéfices des parcs éoliens et l’utilisation des revenus tirés du trading de quotas d’émission). Ces mesures pourraient être financées par des prélèvements sur les entreprises ayant profité de la hausse des prix de l’énergie, ce qui exigera un dosage fin si ces mêmes entreprises sont censées supporter une partie des nouveaux besoins d’investissement. Ces prélèvements sont pour l’instant limitées à la fin juin 2022.

Coup d’accélérateur à la transition vers les énergies renouvelables

Volontairement très ambitieux, le plan constitue davantage une feuille de route qu’un objectif précis. Il comporte cependant des mesures d’urgence, puisqu’il exige des Etats membres le relèvement des stocks de gaz à 90% des capacités (contre environ 30% aujourd’hui). Face à l’ampleur des enjeux, l’Europe n’a pas vraiment le choix. Néanmoins, cette crise offre à la région l’opportunité de se diversifier avec de nouveaux producteurs, tout en donnant un vigoureux coup d’accélérateur à la transition vers les énergies renouvelables et l’indépendance énergétique. Elle contribue également à resserrer les liens entre les Etats membres, car les infrastructures de demain devront être financées par les euro-obligations d’aujourd’hui.

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