Personne n’est seul détenteur de la solution parfaite

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Nous avons peu de temps pour changer de paradigme mais le besoin de regard et d’expertise croisés exige des processus lents. Entretien avec Sandrine Salerno de SFG.

© A. Colliard

Depuis janvier, Sandrine Salerno dirige l’association Sustainable Finance Geneva (SFG), qui, malgré sa taille modeste, est l’un des fleurons de la place pour avoir été pionnière dans un domaine aujourd’hui revendiqué par tous. A ce titre, au Geneva Forum for Sustainable Investment (GFSI), elle animera une table ronde intitulée «La finance durable suisse, portée par les valeurs ou dictée par la réglementation?» à laquelle prendront part Patrick Odier, Associé-gérant Senior de Lombard Odier et Président de Swiss Sustainable Finance, Gerhard Andrey, Conseiller national dans le Canton de Fribourg et Jean-Sébastien Lassonde, Partner chez PwC. Mais quelles sont les priorités de Sandrine Salerno?

Depuis votre arrivée en janvier, avez-vous reposé le cadre de Sustainable Finance Geneva (SFG)?

Il ne m’a pas paru utile de reposer un nouveau cadre. Par contre, la COVID ayant ralenti une partie de nos projets car nous travaillions encore en partie à distance, les premiers mois de 2021 ont été employés à faire revivre l’association sur des supports non ordinaires. Parmi les actions entreprises, nous avons relancé la newsletter mensuelle, et réinitié des partenariats par le biais de webinaires. Sur la deuxième partie de l’année, nous recommençons à participer à des évènements en personne. Comme ce fut le cas à la conférence Alternatiba à l’Université de Genève au début du mois. Comme c’est le cas cette semaine au GFSI. Comme ce le sera à la fin de l’année à la Chambre de commerce et d’industrie. Et comme nous le ferons dorénavant régulièrement avec Positive Impact dans le cadre des «Meet & Connect». Des moments conviviaux, de type afterwork, entre acteurs de la finance durable. Sans oublier l’événement phare, Building Bridges (BB), en fin d’année.

«Patrick Odier, président de Swiss Sustainable Finance et de Building Bridges, nous racontera la perception du rôle qu’a aujourd’hui la place financière.»
Y-a-t-il une vraie appétence à se retrouver en personne?

Sans le moindre doute. En même temps, l’année Covid a sensiblement modifié notre façon de travailler et de collaborer et la relation en mode virtuel est là pour rester. Je note même encore une certaine appréhension à retourner dans des espaces clos où la densité est importante. Les gens gardent leurs distances.

Le GFSI existe depuis bien longtemps. Quel rôle y jouerez-vous cette année?

Effectivement, cette longévité est à saluer. J’animerai une table ronde avec trois personnalités très complémentaires dans l’univers de la finance durable. Jean-Sébastien Lassonde de PwC apportera un regard éclairé sur les avancées législatives et réglementaires, reflets de la vision normative, notamment dans l’Union européenne. Gerhard Andrey, conseiller national des Verts, évoquera la perception politique et l’évolution de la sensibilité au niveau fédéral. Il nous fera découvrir comment on discute le sujet à Berne après l’échec de la loi CO2 et quelles sont les perspectives de la législature pour développer une capacité d’être suivi par le peuple. Enfin, Patrick Odier, président de Swiss Sustainable Finance et de Building Bridges, nous racontera la perception du rôle qu’a aujourd’hui la place financière. Réellement trois regards très complémentaires pour décoder les enjeux de la place suisse et les prochaines étapes.

SFG est-il traditionnellement présent au GFSI?

Oui, il est présent depuis longtemps et y organise régulièrement un débat. Longtemps sous la houlette d’Angela de Wolff. Cela permet d’exposer aux participants comment fonctionne le monde de la finance durable à Genève et en en Suisse. Notre newsletter mensuelle peut apporter beaucoup aux asset owners car il y a encore du travail à faire pour aligner leurs investissements sur la finance durable. Pour les caisses de pension, même publiques, il existe parfois des conflits entre obligations légales et intérêt pour une finance plus soutenable. On demande de plus en plus aux acteurs financiers: produire du rendement mais aussi éviter les externalités. On leur demande aussi que les investissements qu’ils proposent aient un impact positif. Il y a une vraie prise de conscience sur la pertinence des produits durables pour les établissements de prévoyance qui sont souvent encore installés dans des habitudes d’un autre temps.

«Les discussions entre pairs et avec les organisations onusiennes ont fait apparaitre les difficultés liées à la construction de produits financiers adaptés.»
Vos objectifs en quelques mots?

Comme évoqué plus haut: faire revivre l’association et contribuer à la construction et au succès de la deuxième édition de Building Bridges. Nous portons également une troisième initiative sur Genre et Finance avec le GLIS (Gender Lens Initiative Switzerland) lancée début mars. Plusieurs webinaires et conférences ainsi qu’une publication lui seront consacrés. Finalement, nous souhaitons voir aboutir fin 2021/début 2022 le projet de bourse sociale Swisox que nous incubons depuis plusieurs années.

Quelles sont vos relations avec Swiss Sustainable Finance?

Nous avons de beaux projets en commun mais aussi des champs d’activités complémentaires.

On a beaucoup parlé de greenwashing mais le greenwishing n’est-il pas tout aussi critique?

Oui, les discussions entre pairs et avec les organisations onusiennes ont fait apparaitre les difficultés liées à la construction de produits financiers adaptés, et à la mesure de leur effet. Les acteurs de la finance doivent s’assurer qu’ils vendent bien ce qu’ils ont promis. Nous évoluons encore dans cet univers par tâtonnements et il y a forcément des ratés. Vous le savez, il existe encore de grandes incertitudes en matière de méthodologies, d’indicateurs, de processus de vérification et de certification. Tout cela prend du temps et la réussite n’est pas au premier rendez-vous. Une grande partie des acteurs financiers ont à cœur de faire des propositions qui font sens mais ce n’est pas si simple dans un univers où les référentiels ne sont pas stabilisés et les objectifs mouvants. Pour la lutte contre l’émission de CO2, les indicateurs sont validés et les objectifs relativement clairs. Mais en matière de biodiversité, quel chemin prendre? Le paradoxe est que nous avons peu de temps pour changer de paradigme mais que le besoin de regard et d’expertise croisés exige des processus lents. Car personne n’est, seul, détenteur de la solution parfaite.

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