Quand le soufflé retombe

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Le retour au calme à Washington va-t-il permettre de reprendre notre souffle, ou faudra-t-il encore le retenir?

Le soufflé est retombé aux Etats-Unis. Les premières mesures prises par le Président Biden sont dans la droite ligne de ses promesses concernant tant les Etats-Unis que l’étranger. Mais ce sentiment d’apaisement, renforcé par la conviction qu’une direction claire anime l’équipe au pouvoir, suffira-t-il à inverser rapidement les tendances récentes?

Avec la promesse présidentielle de distribuer 100 millions de doses de vaccin au cours des 100 premiers jours de la mandature, les Etats-Unis sont entrés de plain-pied dans lutte contre la Covid-19. D’ici là, le nombre de décès devrait sensiblement continuer d’augmenter, tandis que les ménages américains affichent un moral en berne, en net contraste avec les indicateurs les plus récents de confiance dans l’industrie. L’autre défi du Président sera la mise en œuvre rapide de son nouveau plan de secours de 1900 milliards de dollars.

L’unité affichée lors de l’investiture n’aura pas fait long feu. Les Républicains du Sénat renâclent à accorder au Président les chèques qu’il demande en faveur des Etats et des ménages. Les qualités de négociateur chevronné de l’ancien Sénateur Biden seront mises à l’épreuve dès cette semaine, tandis que le pays pourrait s’offusquer de revoir les joutes institutionnelles agiter les Congrès («Filibuster» contre «Budget Reconciliation» - votes à majorité simple ou des deux tiers) et un parti Démocrate divisé. De plus, le lancement du procès de l’ancien Président Trump, qui pourrait commencer début février, risque de détourner l’attention des médias.

Le programme défendu par Janet Yellen aligne les ambitions domestiques
et internationales d’une Amérique qui se veut à la reconquête de son leadership.

Sur le plan international, lors de son audition devant le Senat, Janet Yellen a donné le ton. Si ce dernier est plus engageant pour l’Europe, il est nettement plus sévère à l’égard de la Chine ou encore de la Russie et de l’Iran. La nouvelle Administration entend bien renouer avec le cadre multilatéral de négociations commerciales, et ne rejette pas l’idée d’une taxe minimale commune sur les entreprises au sein de l’OCDE. Alignée avec sa propre politique fiscale, qui pourrait se traduire par le relèvement du taux d’imposition sur les sociétés américaines de 21% à 28%, Janet Yellen veut mettre un terme «à la course au moins-disant fiscal» qui, selon elle, ruine les Etats. Quant à la Chine, elle restera dans la ligne de mire des Etats-Unis. La future patronne du Trésor et cheffe de la diplomatie économique du pays n’a pas manqué d’écorner la faiblesse de la phase I de l’accord commercial de 2020, comme les méthodes de la précédente Administration pour y parvenir. Mais surtout, elle a dénoncé les «pratiques commerciales abusives», ainsi que «les épouvantables atteintes aux droits humains», comme autant de points de frictions, qui vont de pair avec la défense des emplois nationaux, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement «vitales» et la promotion d’un environnement concurrentiel équitable. Ainsi la rivalité des grandes puissances se déplacera également en direction des pays tiers, auprès desquels la nouvelle Secrétaire au Trésor entend contrer les initiatives de la «Route de la Soie», par une politique de coopération plus fructueuse à l’égard des bénéficiaires.  

Le programme défendu par Janet Yellen aligne les ambitions domestiques et internationales d’une Amérique qui se veut à la reconquête de son leadership. Sa mise en œuvre s’avèrera évidemment plus délicate. Les alliés traditionnels de l’Amérique ne sont pas encore tout à fait acquis à la nouvelle cause, d’autant que l’arrêt de la construction de l’oléoduc Keystone a pris le Canada par surprise et qu’elle n’a pas pris position sur les sanctions commerciales à l’encontre des pays ayant déjà mis en œuvre des «taxes GAFA». La pièce maitresse du dispositif reste la capacité du Président à remettre le pays sur les rails de la reprise économique, alors même que le début de l’année s’annonce en demi-teinte et que montent les craintes de tensions inflationnistes qui pourraient faire dérailler les taux d’intérêt. Une étude conjointe de la Banque Mondiale, du FMI et de Mc Kinsey estime que le poids économique de la Chine atteindra dès cette année les 15% du PIB mondial, soit 1% au-dessus de sa trajectoire précédemment estimée.

«Welcome back Mr. President», vous aurez fort à faire et nous retiendrons encore notre souffle.

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