Pas de taper tantrum et de reflation dans l’immédiat

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Le sell-off joue l’Arlésienne

Les Cassandre n’ont peut-être pas perdu la guerre mais la première bataille n’a pas tourné en leur faveur. Certes, les taux longs US se retrouvent 40 points de base plus haut qu’à la fin du troisième trimestre 2020 (1,08% comparé à 0,68% fin septembre pour le 10 ans et 1,83% contre 1,45% pour le 30 ans) mais les niveaux-clés de passage en bear market n’ont toujours pas été atteints. Les rares intervenants qui croient encore à la bonne tenue des taux longs et qui – comme nous – espéraient acheter un peu de 10 ans à 1,20% voire du 30 ans à 2% en ont été pour leurs frais. La reflation tant attendue a du plomb dans l’aile pour plusieurs raisons même si elle risque sans doute de revenir sur le devant de la scène une fois Janet Yellen installée. En premier lieu, les marchés s’inquiètent des effets combinés de la lenteur des campagnes de vaccinations et de la vitesse de propagation du virus. 

Le beige book n’a pas permis aux plus optimistes
de faire remonter les taux longs d’un palier supplémentaire.

Ensuite, l’économie US est encore en convalescence et peut tout à fait rebasculer dans le mauvais sens en cas d’aggravation de la crise sanitaire. Le beige book n’a pas permis aux plus optimistes de faire remonter les taux longs d’un palier supplémentaire et le steepening a connu un coup d’arrêt. Enfin, le patron de la Fed a dû faire machine arrière après des propos ambigus qui auraient pu faire croire à un ralentissement des programmes d’achats d’actifs de la banque centrale américaine. Il a confirmé que l’état actuel de l’économie ne permettait pas un changement de politique monétaire à court terme en précisant que «ce n’est pas le moment» d’évoquer ce sujet. Au cours de la semaine, les montants de buybacks ont été confirmés et Richard Clarida (vice-président de la Fed) a précisé que la Fed remontera ses taux lorsque le PCE s’établira à un niveau supérieur ou égal à 2% sur une période de 12 mois. Dans ces conditions, le sell-off, même s’il ne faut jamais écarter cette éventualité, ne semble pas pour demain.

Des opportunités d’investissement

Dans ce contexte, alors que nous ne détenions plus du tout d’emprunts du Trésor US longs à taux nominaux, nous avons remis un peu de 30 ans à 1,86% pour prendre date. Dans le même temps, nous avons (temporairement?) stoppé nos achats de crédits et attendons de voir dans quel sens le vent va tourner dans les prochains jours. L’année 2021 n’a que trois semaines d’existence et nous sommes déjà beaucoup moins enclins à poursuivre une politique risk-on agressive. La prudence fait son retour dans nos portefeuilles tout en sachant que nous sommes à contre-courant de l’opinion dominante (donc prêts à nous remettre en question et à recharger nos portefeuilles en spreads de crédits et/ou émergents si besoin). Concernant les TIPS, nous les avons conservés et nous avons bien fait! Depuis fin septembre, alors que les taux longs nominaux se sont tendus d’une quarantaine de points de base (voir plus haut), les taux réels à 30 ans sont passés sur la même période de -0,33% à -0,28%. Il va falloir désormais gérer une éventuelle décrue des breakevens d’inflation et potentiellement alléger nos TIPS 30 ans au profit de Treasuries 30 ans à taux nominaux. 

Nous faisons confiance à Christine Lagarde pour maintenir
les spreads italiens à un niveau acceptable «whatever it takes».

Sur le marché en euros, deux thèmes retiennent notre attention. Tout d’abord l’Italie et son éternelle instabilité politique. Cette fois-ci, le risque d’implosion est moins élevé que par le passé et concernant nos investissements, nous faisons confiance à Christine Lagarde pour maintenir les spreads italiens à un niveau acceptable «whatever it takes». Nous sommes convaincus qu’il y aura un peu de volatilité mais que le risque italien restera modéré, en tout cas pas plus élevé que fin 2020. Ensuite, le marché primaire en zone euro devrait sortir petit à petit de sa torpeur et des opportunités devraient voir le jour. Si dans nos portefeuilles diversifiés nous avons suspendu nos achats de crédits en attendant d’y voir plus clair, dans notre gestion pure «corporate bonds» nous avons participé hier à la nouvelle émission de Total hybride en prenant la souche la plus longue (call 12 ans alors qu’une seconde tranche sortait avec un call 7 ans). Sur les marchés émergents nous montons d’un cran notre méfiance vis-à-vis de certains émetteurs chinois potentiellement concernés par les sanctions américaines. Des listes de sociétés sous sanctions US ont été déjà publiées mais nous ne sommes pas concernés car tous ces émetteurs figuraient déjà sur notre blacklist ESG! Nous en reparlerons sans doute car la guerre commerciale US-Chine va redémarrer de plus belle une fois Joe Biden installé à la Maison Blanche. Nul doute que (presque) tous les coups seront permis!

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