
Les terres rares portent décidément bien leur nom! En effet, des discussions «fructueuses», selon le terme du Secrétaire du commerce américain Howard Lutnick pourraient aboutir à un compromis sur les livraisons de terres rares en provenance de Chine. Trump lui-même a affirmé «ne recevoir que de bons rapports» sur le sujet. Ce ton plus conciliant est-il un énième TACO ou quelque chose de plus structurant? La question mérite d’être posée au regard du caractère systémique de la relation entre les deux superpuissances.
Des négociations à hauts risques
La première phase genevoise de négociation a eu une issue prévisible (90 jours de trêve) compte tenu des niveaux extrêmes de droits de douanes instaurés par les deux parties: ceux-ci équivalaient de facto à un embargo commercial qui aurait provoqué des faillites en Chine et des pénuries de l’autre côté du Pacifique. Mais les headlines de la deuxième phase londonienne de négociation sont plus déconcertants tant ils touchent au cœur de l’hégémonie américaine: la technologie. Un haut responsable de la Maison Blanche a ainsi déclaré que Trump pourrait assouplir les restrictions sur la vente de puces à la Chine si Pékin acceptait d’accélérer la reprise d’exportations de terres rares.
Il est vrai qu’on a déjà vu des fissures avec l’émergence de Deepseek et les critiques du patron de Nvidia, qualifiant la politique américaine de limitation de l’accès à ses produits d’«échec». Il y a quatre ans, la part de marché du groupe dirigé par Jensen Huang sur le marché chinois était de 95% et se retrouve aujourd’hui à 50%, avec l’émergence de concurrents comme Huawei.
Mais à bien y regarder, plutôt que le minerai lui-même, ce sont les capacités de raffinage qui sont rares et quasi exclusivement localisées en Chine en raison d’une politique environnementale accommodante. Et l’impact de la décision chinoise de restreindre les exportations de sept minéraux rares ne s’est pas fait attendre: Ford et Suzuki ont annoncé des suspensions de production en raison du manque d’aimants. Pour la même raison, l’ex Bro Elon Musk a dû acter le retard pris dans le développement de son robot humanoïde Optimus.
Rien d’étonnant dans ces conditions de constater une énième reculade de l’administration américaine et la mise en place d’un TACO trade par les investisseurs. Théorisé par Robert Armstrong, ce concept s’appuie sur une dynamique psychologique: le Président menace, la confiance chute, puis le retrait des menaces rassure électeurs et investisseurs. Mais attention, l’arme tarifaire brandie par l’administration américaine n’est pas sans risque: les droits de douane sont historiquement élevés et pourraient finir par peser réellement sur l’économie, comme en témoigne la chute du cours de la société agroalimentaire J.M. Smucker, qui a invoqué les droits de douane et la hausse des coûts pour expliquer les résultats inférieurs aux attentes (-15,6% le jour de la publication).
Dans l’attente d’une clarification de l’«accord cadre» entre les deux grandes puissances mondiales, La Fed s’est réunie la semaine dernière: celle-ci attend moins de croissance économique et plus d’inflation. Ne sachant hiérarchiser les risques entre ces deux paramètres, Jay Powell rechigne à s’engager sur le calendrier de baisse de taux et considère que la politique monétaire est «bien placée pour attendre». Mais en même temps, il ne s’interdit pas de baisser les taux sooner than later si l’inflation évolue favorablement.
Entre repli américain et confiance fragile
C’est dans ce contexte que le consensus est redevenu résolument bullish: selon le dernier sondage de Bank Of America, seulement 13% des investisseurs anticipent désormais une récession (contre 49% au lendemain du jour de la libération) et le niveau de liquidité moyen au sein des portefeuilles flirte avec la barre des 4%. Mais avec les soubresauts géopolitiques au Moyen Orient et le risque d’une énième volte-face du Président américain, les marchés actions devraient désormais reprendre leur souffle après avoir retrouvé leurs niveaux de février. Réduire la voilure est dans ces conditions un réflexe qui a du sens.