Les Etats-Unis perdent leur notation AAA

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Récemment, l’agence de notation Moody’s a dégradé d’un cran la notation de crédit souverain des Etats-Unis, à Aa1. Décryptage.

© Keystone

 

En effet, elle a invoqué la hausse persistante de la dette publique et l’augmentation des coûts du service de la dette sur fond de taux d’intérêt toujours élevés.

Avec cette décision, le gouvernement américain perd son dernier « triple A » attribué par une grande agence. S&P avait dégradé la notation des Etats-Unis en 2011 et Fitch avait suivi en 2023.

Cette dégradation n’a rien de surprenant

Le gouvernement fédéral accuse un déficit budgétaire de plus de 2000 milliards de dollars par an, même après une période de forte croissance économique et de chômage faible. En outre, les charges d’intérêts nets absorbent désormais 18% des recettes fiscales.

Mais si la dérive de la dette américaine s’est aggravée et explique la dégradation de la notation par Moody’s, les investisseurs en sont déjà bien conscients.

Une vente substantielle de bons du Trésor américain semble peu probable

Si les rendements peuvent augmenter de 10 à 15 points de base à court terme, comme cela a été le cas après l’abaissement de la notation de Fitch en 2023, la décision de Moody’s ne devrait pas déclencher de ventes massives ou de changements dans les décotes des couvertures. La plupart des mandats d’investissement n’exigent pas de notation AAA pour les bons du Trésor américain et les banques centrales considèrent toujours le marché des bons du Trésor comme un marché exceptionnellement liquide.

Selon la Recherche d’UBS, la qualité du crédit des Etats-Unis est très haute et, hormis les liquidités, les bons du Trésor américain restent l’actif en dollars américains le moins risqué et le moins rémunérateur. La vigueur des marchés des capitaux américains, le statut de monnaie de réserve du dollar et la richesse détenue par les ménages américains font que la capacité des Etats- Unis à rembourser leur dette de devrait pas être remise en question.

Des études universitaires montrent également que, pour les pays qui jouissent d’une souveraineté monétaire, les changements de notation ont peu d’impact durable sur les rendements obligataires à court terme.

Sur le plan politique : des dégradations de notations moins coûteuses

Le premier abaissement de la notation des Etats-Unis en 2011 était inattendu et a suscité une profonde consternation générale. Mais en fin de compte, elle n’a eu que peu de répercussions financières ou politiques durables. Les décideurs politiques ont globalement fait peu de cas de la dégradation par Fitch en 2023.

Si l’abaissement de la notation de Moody’s en 2025 pourrait être utilisé comme outil politique dans les négociations budgétaires à court terme, il est peu probable qu’il modifie la trajectoire globale de la politique fiscale américaine.

L’attention des investisseurs en actions se focalise ailleurs

Moody’s étant la troisième agence de notation à dégrader la notation des Etats-Unis, l’effet de choc pour les investisseurs devrait probablement s’être estompé et la Recherche d’UBS anticipe une réaction plus modérée des marchés des actions.

Ces dernières semaines, les investisseurs mondiaux se sont davantage intéressés aux droits de douane effectifs des Etats-Unis, qui devraient s’établir aux alentours de 15%, ce qui pèsera sur la croissance mais ne suffira pas à provoquer une récession.

Tandis que les négociations budgétaires et leurs conséquences sur le déficit pourraient commencer à avoir un impact croissant sur les marchés dans les semaines à venir, l’abaissement de la notation de crédit ne devrait pas en soi être une préoccupation majeure pour les marchés des actions.

Comment investir?

Dans l’ensemble, cette dernière décision en matière de crédit apparaît davantage comme un risque global plutôt que comme un changement fondamental pour les marchés. La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait également intervenir en cas de hausse incontrôlée ou insoutenable des rendements obligataires.

C’est pourquoi, bien que cela puisse aller à l’encontre de la récente dynamique de « bonnes nouvelles », cela ne devrait pas avoir un impact direct majeur sur les marchés financiers.

Dans ce contexte, on peut formuler plusieurs recommandations d’investissement.

  1. Rechercher des revenus durables

Bien que les rendements obligataires risquent d’augmenter encore dans les jours et les semaines à venir en réaction à la dégradation de la notation et en prévision d’une augmentation des déficits fiscaux américains, les niveaux de rendement actuels (ou plus élevés) devraient offrir aux investisseurs l’opportunité de s’assurer des revenus durables dans leurs portefeuilles.

La Recherche d’UBS maintient sa préférence pour les obligations à moyen terme en dollars américains, d’une durée d’environ cinq ans. Mais en fonction de la réaction du marché aux rendements à plus long terme, d’autres opportunités de placement pourraient se présenter dans les jours à venir.

On prévoit une baisse des rendements des bons du Trésor en fin d’année et on pense que les obligations d’Etat de haute qualité et les titres Investment Grade restent attractifs en termes de diversification et de revenus.

  1. Acheter progressivement des actions

La Recherche d’UBS a récemment ramené sa notation « Attractive » sur les actions américaines à « Neutre » suite au vigoureux rebond de ces derniers temps. Toutefois, cette décision ne doit pas être interprétée comme une opinion baissière et on recommande toujours une allocation stratégique complète.

La saison des résultats du premier trimestre a démontré la solidité des tendances bénéficiaires structurelles du secteur de l’intelligence artificielle (IA). Dès lors, la Recherche d’UBS prévoit une hausse des actions américaines au cours des douze prochains mois. En outre, elle maintient ses notations sectorielles « Attractive » pour les services de communication, pour la technologie de l’information, pour la santé et pour les services aux collectivités.

Elle reste également fermement convaincue du potentiel à long terme de ses thèmes d’opportunité d’innovation transformationnelle, notamment l’IA, l’énergie et les ressources, ainsi que la longévité.

  1. Vendre les rebonds du dollar

Le dollar s’est consolidé ces dernières semaines, après un épisode douloureux au lendemain du « Jour de la libération ». Cela devrait offrir aux investisseurs qui détiennent un excès de liquidités en dollars américains, ou aux investisseurs internationaux dont l’exposition aux actifs américains n’est pas couverte, l’occasion de réduire leur exposition au dollar.

A plus long terme, la tendance à la diversification internationale pourrait à nouveau affaiblir le billet vert, en particulier si la Fed commence à jouer un rôle plus actif en intervenant sur les marchés obligataires face à des déficits fiscaux élevés.

  1. Composer avec les risques politiques

L’or a réaffirmé tout son intérêt en tant qu’instrument de couverture au cours de l’année écoulée et la Recherche d’UBS reste convaincue de sa pertinence pour couvrir un portefeuille à long terme contre des scénarios baissiers.

A long terme, l’affaiblissement du dollar américain, la persistance de pressions géopolitiques et la baisse des taux d’intérêt réels sont autant de facteurs qui devraient soutenir les cours du métal jaune. Une allocation à l’or de 5% au sein d’un portefeuille bien diversifié devrait constituer un bon choix pour les investisseurs qui cherchent à gérer les risques politiques.

Les Hedge Funds apparaissent également comme de précieux instruments de diversification (que ce soit par le biais du trading macroéconomique mondial, de stratégies de neutralité actions par rapport au marché ou de plateformes multi-stratégies agiles) capables de limiter les pertes en cas d’inadaptation des expositions traditionnelles. Dans un contexte d’incertitude géopolitique, de pressions budgétaires accrues et de régimes monétaires en mutation, ils peuvent ajuster leurs positions de façon dynamique, déployer judicieusement l’effet de levier et couvrir les principaux risques.

Bien que la sélection des gestionnaires, les conditions de liquidité et la cohérence des incitations doivent faire l’objet d’une attention particulière, une allocation modeste à des Hedge Funds sélectionnés peut renforcer la résistance d’un portefeuille et lisser les résultats globaux.

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