Les ménages locataires paient tous les mois 360 francs en trop pour leur loyer, selon l’ASLOCA, l’Association suisse des locataires. Elle a lancé vendredi une initiative populaire fédérale visant à maîtriser la hausse des loyers, notamment via un mécanisme de contrôle automatique et régulier.
Se loger n’est pas un choix, c’est un besoin fondamental, a lancé la conseillère nationale Jacqueline Badran (PS/ZH). Or de plus en plus de locataires ne peuvent plus se permettre de déménager. Dans les villes, mais aussi dans des agglomérations et des communes touristiques, les loyers sont trop chers, ayant perdu tout lien avec les coûts effectifs ou les rendements admissibles, critiquent les initiants.
Seulement 0,5% des nouveaux locataires osent contester leur loyer, a avancé la conseillère nationale Jessica Jaccoud (PS/VD). On ne peut pas blâmer les autres 99,5%, a-t-elle continué. Ils ont peur d’agir par crainte de représailles ou d’être mis sur liste noire, après avoir passé des années à trouver un logement et effectué des dizaines de visites d’appartements.
Des milliards de francs
Les locataires paient chaque année des milliards de francs de manière indue, a abondé le conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS/GE), président de l’ASLOCA Suisse. Or au lieu de régler «ce problème social», le Parlement a, ces dernières années, «détricoté» le droit du bail, au détriment des locataires, a-t-il poursuivi.
Et de rappeler que, depuis plus de 20 ans, les loyers ne cessent d’augmenter, alors qu’ils auraient au contraire dû baisser, selon la loi en vigueur et les taux d’intérêts hypothécaires historiquement bas. Dans le même temps, les salaires n’ont pas suivi la même évolution.
«Une situation inacceptable qui pèse sur le budget des ménages et affaiblit le pouvoir d’achat», écrit le comité dans son argumentaire. Ainsi, à la fin du mois, il reste de moins en moins d’argent dans le porte-monnaie, surtout dans celui des personnes ayant des revenus bas et moyens.
Mécanisme de contrôle
La lutte contre les loyers abusifs figure déjà dans la Constitution suisse. Mais il manque un mécanisme de contrôle efficace, estime l’ASLOCA. C’est pourquoi, avec l’initiative «Oui à la protection contre les loyers abusifs (initiative sur les loyers)», elle veut inscrire le principe des loyers fondés sur les coûts.
Le texte exige que les loyers se réfèrent aux coûts effectifs majorés d’un rendement limité. Il demande aussi un contrôle automatique et régulier des loyers, qui doit également être possible sur demande du locataire.
Il faut des règles, selon le conseiller national Michael Töngi (Vert-e-s/LU), vice-président de l’ASLOCA Suisse. Les bailleurs doivent pouvoir obtenir un rendement équitable, mais ce n’est pas une carte blanche pour pratiquer des loyers abusifs.
Un placement financier
Sans contrôle, les sociétés immobilières se remplissent les poches, fustige le comité d’initiative. L’immobilier est ainsi aujourd’hui considéré comme un placement financier.
De plus en plus de logements locatifs ne sont plus conçus pour répondre aux besoins des habitantes et des habitants, mais pour maximiser les profits, argue l’association de défense des locataires. Et de déplorer également l’envolée des prix des terrains, dans la même logique spéculative.
L’ASLOCA rappelle que plus de 60% des ménages suisses sont locataires. Elle devrait commencer à récolter les 100’000 signatures nécessaires le 3 juin, après la publication de l’initiative dans la Feuille fédérale.
Etude critiquée
Dans un communiqué vendredi, l’Association suisse des propriétaires rejette les revendications et les exigences de l’ASLOCA. «Son initiative sur les loyers ne reconnaît pas les causes réelles de la hausse des coûts du logement et menace d’exacerber davantage la pénurie de logements», écrivent les représentants des propriétaires.
Ces derniers mettent en doute l’étude de l’association des locataires. «Cette étude a longtemps été critiquée - y compris par le Conseil fédéral - comme étant méthodologiquement discutable et partiale», affirme l’association, pour laquelle le logement «est abordable pour la majorité de la population.»