Sur la base de la consultation lancée par le Conseil fédéral, l’Association suisse des banquiers (ASB) propose un concept adapté.
L’impôt anticipé a besoin d’être réformé: tel qu’il existe, il est désuet et freine le développement du marché suisse des capitaux. Sur la base de la consultation lancée par le Conseil fédéral, l’Association suisse des banquiers (ASB) propose un concept adapté.
C’est aujourd’hui, le 10 juillet 2020, qu’expire le délai de réponse à la consultation du Conseil fédéral sur la réforme de l’impôt anticipé. Les milieux économiques suisses plaident depuis des années pour une telle réforme. Les règles en vigueur en matière d’impôt anticipé datent pour l’essentiel des années 1960. Or depuis lors, tant les marchés financiers internationaux que les technologies mises en œuvre ont radicalement changé. Dans sa forme actuelle, l’impôt anticipé constitue en Suisse un véritable «frein à l’émission» d’obligations et, plus généralement, un obstacle au développement de notre marché des capitaux. L’ASB est donc clairement favorable à ce qu’une solution soit trouvée pour le réformer et soutient le Conseil fédéral dans cette démarche. Comme indiqué dans notre news du 17 avril 2020, la réforme devra impérativement aller de pair avec la suppression progressive des droits de timbre en Suisse.
Le Conseil fédéral souhaite remplacer l’impôt anticipé actuel sur les intérêts de source suisse par un nouvel impôt fondé sur le principe de l’agent payeur, qui serait prélevé sur les intérêts de source suisse comme étrangère. Toutefois, les propositions présentées dans le cadre de la consultation sont trop complexes et, pour certaines, leur mise en œuvre pratique par les banques est impossible ou entraînerait des coûts démesurés. S’agissant des intérêts de source suisse, nous avons donc développé un concept concret et réaliste, fondé sur le principe de l’agent payeur, que nous avons soumis aux autorités dans le cadre de la consultation.
Notre concept a été élaboré sur la base des propositions du Conseil fédéral formulées il y a déjà une dizaine d’années. Il simplifie respectivement améliore la mise en œuvre pour les clients, les banques et les autorités concernées. Ingénieux et moins complexe, il constitue une solution que les nombreuses petites et moyennes banques de Suisse pourraient appliquer sans coûts excessifs. Elles auraient en effet la possibilité, si elles le souhaitent, de déléguer les aspects techniques du décompte de l’impôt à d’autres prestataires de services financiers en Suisse. Notre nouveau concept d’impôt (anticipé) fondé sur le principe de l’agent payeur engloberait tous les intérêts de source suisse, à savoir les intérêts sur les comptes suisses, mais aussi ceux des obligations, papiers monétaires, fonds et produits structurés émis en Suisse, qui seraient tous couverts par la fonction de garantie de l’impôt anticipé. Cette solution préserve la compétitivité de la place financière suisse par rapport à ses concurrentes étrangères qui ne connaissent pas de prélèvements du type de l’impôt anticipé. Elle permettrait de renforcer notre marché des emprunts, en particulier les activités d’émission en Suisse, pour promouvoir par exemple les emprunts durables.
En revanche, nous préconisons de renoncer purement et simplement à introduire un impôt fondé sur le principe de l’agent payeur sur les intérêts de source étrangère. Ce serait en effet extrêmement compliqué et quasi-irréalisable au plan technique. De même, opter à titre d’alternative pour une déclaration partielle des intérêts de source étrangère serait trop onéreux et conduirait à un pluralisme des méthodes.
L’expérience acquise dans le cadre de projets fiscaux antérieurs, par exemple la fiscalité de l’épargne de l’Union européenne ou l’échange automatique de renseignements, permet de bien évaluer les coûts. Assujettir à la fois les intérêts de source suisse et ceux de source étrangère à un impôt fondé sur le principe de l’agent payeur représenterait pour le secteur bancaire suisse un coût initial de mise en œuvre de plus de CHF 500 millions, auquel s’ajouteraient des coûts récurrents de l’ordre de CHF 50 millions par an. Or le Conseil fédéral estime à CHF 35 millions seulement le surcroît de recettes fiscales qui en résulterait chaque année. Ce modèle présente dès lors un rapport coût/utilité extrêmement défavorable: pour chaque franc encaissé par le fisc, les banques devraient en dépenser 14.
De plus, l’impôt fondé sur le principe de l’agent payeur prélevé sur les intérêts de source étrangère serait désavantageux pour nos clients et constituerait ainsi un handicap concurrentiel pour la place financière suisse par rapport à ses homologues étrangères. La fonction de garantie de l’impôt ne serait que partiellement améliorée puisque, selon la proposition du Conseil fédéral, les dividendes étrangers ne seraient toujours pas couverts par la fonction de garantie de l’impôt anticipé – une situation insatisfaisante. Si la Confédération entend assurer la fonction de garantie de l’impôt anticipé sur les intérêts étrangers au moyen du principe de l’agent payeur ou d’une déclaration partielle, l’ASB demande la suppression complète de l’impôt anticipé sur les intérêts. C’est la seule façon de minimiser un pluralisme des méthodes dont les coûts seraient astronomiques et l’utilité tout sauf évidente. Les pertes de recettes fiscales en résultant se situeraient entre CHF 50 et 80 millions au maximum, mais le potentiel libéré serait considérable pour le marché suisse des capitaux. Cette demande est aussi à situer dans un contexte où la Suisse ne peut se soustraire à la tendance à long terme relative à l’échange de renseignements.