Alors que le législateur suisse a longtemps semblé tenir aux AG en présentiel, la pandémie a créé les conditions d’un changement forcé.
Les «règles COVID-19» permettent de tenir une assemblée par visioconférence mais une assemblée résiduelle doit néanmoins se tenir, avec le président, le secrétaire, éventuellement le notaire. L’organisateur de l’assemblée ordonne que les participants exercent leurs droits à distance (par écrit, sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un représentant indépendant désigné par l’organisateur). Cette modalité «à distance» peut être ordonnée dans la convocation, mais également par une annonce ultérieure, au moins quatre jours à l’avance. Elle s’applique aussi bien aux assemblées ordinaires qu’aux assemblées extraordinaires (et même, d’une certaine manière, aux assemblées universelles).
Ces dispositions provisoires, rendues nécessaires par la pandémie, constituent une adaptation du droit en vigueur, non une révolution: l’assemblée se tient normalement (assemblée résiduelle), avec pour seule différence que les participants, interdits de se réunir, sont tenus physiquement à l’écart et exercent leurs droits de manière médiate, par exemple à travers la visioconférence.
Ces «règles COVID-19» sont de circonstance; elles ne sauraient durer toujours, quand bien même la pandémie semble s’éterniser.
Toutefois, en juin 2020, le Parlement fédéral a adopté la révision du droit de la société anonyme qui ancrera définitivement dans la loi la possibilité de tenir des assemblées par visioconférence.
Le droit révisé de la société anonyme (également applicable à la Sàrl) permet le recours à la visioconférence dans plusieurs hypothèses:
- Lorsqu’une assemblée générale se tient en présentiel, en un endroit, le conseil d’administration peut autoriser les actionnaires qui ne sont pas présents au lieu où se tient l’assemblée générale à exercer leurs droits par voie électronique. Ainsi, dans ce cas, l’assemblée se tient normalement et certaines personnes, empêchées de s’y rendre, peuvent participer à la réunion à distance. Le conseil d’administration doit avoir autorisé cette participation à distance – ce qu’il est libre de ne pas faire.
- Une assemblée générale peut se tenir en plusieurs lieux simultanément. Dans ce cas, les interventions sont retransmises en direct par des moyens audiovisuels sur tous les sites de réunion; les différents sites sont ainsi reliés par visioconférence. L’assemblée est alors divisée en plusieurs sous-assemblées, reliées entre elles.
- Une assemblée générale peut enfin être tenue sans lieu de réunion physique, uniquement par visioconférence. Cette troisième possibilité est soumise à deux exigences: (i) qu’une telle assemblée virtuelle soit expressément prévue dans les statuts de la société et (ii) qu’un représentant indépendant soit désigné, de manière à ce que nul actionnaire ne soit contraint de participer à une visioconférence pour exercer les droits sociaux d’actionnaire dont il dispose.
Le nouveau droit cherche à garantir la sécurité juridique en posant les exigences suivantes :
- l’identité des participants doit être établie;
- les interventions à l’assemblée générale doivent être retransmises en direct;
- tout participant doit pouvoir faire des propositions et prendre part aux débats;
- le résultat du vote ne doit pas pouvoir être falsifié.
Au vu de ces exigences, le recours à la visioconférence ne sera pas forcément la solution la plus simple pour l’organisateur d’assemblée générale. On en jugera mieux lorsqu’on connaîtra les dispositions d’exécution que le Conseil fédéral aura rédigées pour répondre aux exigences susmentionnées. A notre sens, au sein de petites structures et d’associations de bénévoles, le fonctionnement avec des bulletins de vote sur papier, même s’il peut paraître désuet, offre une bonne sécurité juridique et demeure simple à mettre en place. En outre, afin de ménager l’interaction, il est possible d’organiser une visioconférence préalable (le vote intervenant par correspondance dans les jours qui suivent).
En substance, on retient donc que le recours à la visioconférence dans les assemblées générales sera perpétué au-delà de la pandémie, mais dans un cadre plus rigoureux que l’actuel. Cela doit permettre, à long terme, de tenir des assemblées générales virtuelles sans créer d’incertitude quant à la validité des décisions prises. Les exigences techniques précises ne sont pas encore connues. D’ici à l’entrée en vigueur de ce nouveau droit en 2023, il y a fort à parier que les «règles COVID-19» seront maintenues, pandémie ou non. Dans ce délai, le législateur pourrait adopter des règles applicables aux associations et assemblées de copropriétaires (PPE), comme il l’a fait pour les SA et Sàrl.