Inflation américaine réalisée et attendue dans un même produit

Salima Barragan

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Les techniques auparavant restreintes aux professionnels du Fixed Income sont dorénavant accessibles via un ETF. Avec Michael John Lytle, CEO de Tabula.

La menace de l’inflation a fait son retour à grand fracas. Le rendement du bon du trésor américain à 10 ans qui a flirté avec les 1,64% pourrait bien aller tester sa zone de résistance à 1,91%. Concrètement, comment protéger son portefeuille? A côté des obligations indexées à l’inflation qui s’exposent à l’inflation réalisée, les professionnels du Fixed Income utilisent des stratégies obligataires Breakeven qui permettent de cibler les anticipations d’inflation en immunisant la composante du taux d’intérêt. Depuis 6 mois, tous les investisseurs peuvent profiter des deux approches au sein d’un même ETF qui combine des TIPS et des produits dérivés pour s’exposer aux breakevens. Le point avec Michael John Lytle, CEO de Tabula.

LE DEUXIEME EFFET DE LA PANDEMIE

Pendant 15 ans, l’inflation n’était pas perçue comme un problème. D’ailleurs, les craintes étaient plutôt du côté de la déflation ou de la «japonisation». Mais depuis l’été dernier, l’inflation revient échauffer les esprits après un bref épisode déflationniste en début de pandémie. «La demande en berne a créé un choc technique déflationniste sur les matières premières dont les prix s’étaient effondrés. Les futurs sur le pétrole étaient tombés en-dessous de zéro» rappelle Michael John Lytle. Puis, la dynamique économique s’est graduellement normalisée.

Une inflation durablement trop faible peut présenter
des risques sérieux pour l'économie.

Fin août, la Fed a modifié son objectif d’inflation en vue de la reprise économique: elle la laissera temporairement courir au-dessus de 2%. Alors que nombreux observateurs estimaient ce revirement contre-intuitif, Jerome Powell avait justifié sa position en argumentant «qu’une inflation durablement trop faible pouvait présenter des risques sérieux pour l'économie».

Sept mois plus tard, la campagne de vaccination battant son plein, l’optimisme d’une reprise est bien présent. «Grace à des facteurs supportant l’économie comme les politiques monétaires et fiscales, seulement une année et demie sera nécessaire afin de récupérer de la pandémie sur une perspective de production, car nous n’avons pas affaire à un choc structurel mais exogène, dont la résolution n’est pas un problème», estime Michael John Lytle.

L’ASCENSION DU RENDEMENT DU 10 ANS AMERICAIN

Reflétant donc de meilleures fondamentaux économiques mais également les craintes croissantes d’un emballement des prix, le rendement du 10 ans américain a touché 1,63% sans pour autant inquiéter la Fed. De l’avis des experts, le rendement pourrait bien franchir la barre des 2%. «Son niveau de résistance est à 1,9%. Il va y avoir des pics à 2%, mais la question est de savoir s’ils seront de courte durée ou si le rendement restera durablement sur ce territoire», note Michael John Lyle. Des taux hauts persistants signifieraient que selon marché, la Fed a tort. Et que l’inflation est réellement de retour.

La hausse de l'inflation coïncide souvent
avec une hausse des taux.

Dans un contexte de reflation, tout un chacun peut acquérir des obligations du trésor indexées à l’inflation (TIPS) afin de s’y exposer du moins partiellement. Car ces derniers souffrent de leur duration longue ainsi que de leur réévaluation trimestrielle les exposant uniquement à l’inflation passée et non anticipée. Elles ont donc une faible sensibilité à l'évolution des prévisions d'inflation et une exposition problématique au risque de taux d'intérêt, car la hausse de l'inflation coïncide souvent avec une hausse des taux. «Avec une duration de 10 ans, vous perdrez quand même 5% de votre investissement pour une hausse de 0,50%», calcule Michael John Lytle à propos de ce type d’instrument.

Les professionnels du Fixed Income, qui ciblent également les anticipations d’inflation dans une approche plus globale, utilisent des stratégies obligataires Breakeven où la composante du taux d’intérêt est couverte. «Ce système est bien plus utile car plus sensible aux anticipations qui mènent réellement le marché, et qui ont récemment bondi de 60 à 120 points de base», explique Michael John Lytle.

Jusqu’il à y peu, reflétant les deux choix disponibles, les ETF ciblaient soit l’un, soit l’autre. Pour pallier ce manque et offrir une exposition plus équilibrée  généralement restreinte aux professionnels du Fixed Income, Tabula a sorti en octobre un ETF qui combine les expositions à l'inflation américaine réalisée et attendue: «Il s’agit d’un instrument à long terme à détenir dans votre portefeuille pour vous couvrir contre le risque d’inflation, basé sur le nouvel indice Bloomberg Barclays US Enhanced Inflation Index que nous avons créé, qui est exposé aux titres du Trésor américain protégés contre l'inflation (TIPS) sur un large panel de maturités mais aussi sur les Breakevens US 7 - 10 ans», détaille Michael John Lytle. L’ETF est exposé à un portefeuille physique de TIPS et aux US Breakevens 7 - 10 ans via des positions dérivés (une exposition acheteuse aux TIPS 7 - 10 ans couverte en risque de taux via une position vendeuse sur des titres du Trésor américain 7 - 10 ans); ce qui lui permet d’être sensible aux attentes d'inflation à moyen terme en plus de l’inflation réalisée. La performance du véhicule sur ses premier six mois d’existence est de 5%. L’indice lui est calculé quotidiennement et rééquilibré mensuellement.

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