Voici venu le temps du crédit

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Le thème majeur de la deuxième partie de l’année devrait être la désinflation et le crédit offre de belles opportunités.

Le rebond des actions au premier semestre est probablement le plus inattendu en plusieurs décennies. Le consensus était très défensif en fin d’année dernière et le rebond a largement surpris la plupart des investisseurs. Il y avait de bonnes raisons à être prudent: la géopolitique, l’inflation et la hausse des taux, les attentes de récession et les faux signaux envoyés par l’inversion de la courbe des taux.

Mais le principe même des marchés financiers est l’incertitude. Et toute surprise positive par rapport aux attentes est synonyme de rebond, c’est exactement ce qui s’est produit. Dans nos recommandations d’investissement, nous avons rehaussé les actions fin 2022 (à «neutre») et de nouveau fin mai (à «surpondérer»).

Désormais, la vigueur de l’activité économique semble bien intégrée dans les prix et le potentiel haussier sur les actions semble plus limité. A court terme, la saison des résultats devrait toutefois réserver de bonnes surprises et nous restons surpondérés actions (Pourquoi il ne faut pas avoir peur des actions).

De plus en plus d'éléments indiquent que nous sommes sur le point d'assister à un relâchement significatif des pressions sur les prix.

En revanche, après la forte hausse des taux au cours des dernières semaines, le crédit nous semble particulièrement attrayant alors que le thème de la désinflation commence juste à faire parler de lui.

De plus en plus d'éléments indiquent que nous sommes sur le point d'assister à un relâchement significatif des pressions sur les prix. Aux Etats-Unis, les indicateurs avancés concernant les biens et les services, disponibles par l'intermédiaire de l'enquête ISM, s'affaiblissent à la fois dans l'industrie manufacturière et dans les services. Dans la zone euro, les prix à la production (IPP) diminuent pour la première fois depuis fin 2020 (-1,5% en glissement annuel en mai) grâce à la baisse des prix de l'énergie. L'IPP de base (excluant énergie et alimentation) se refroidit également, mais reste en territoire positif (+3,4% en mai, contre +5,1% en avril). Toutefois, les banques centrales devraient prendre leur temps avant de crier victoire en matière d'inflation. Elles étaient en retard lorsque l'inflation a augmenté, il n'y a aucune raison de penser qu'elles seront en avance à la baisse.

Le crédit Investment Grade offre des points d'entrée intéressants. Le rendement des indices de référence des obligations d'entreprises en euros s'élève à 4,2% (hors secteur financier), un record depuis près de 15 ans. Alors que les risques de crédit ont diminué (c'est-à-dire que les spreads se sont resserrés), nous pensons que le risque de taux d'intérêt est très gérable aux niveaux actuels, à la lumière des signes indiquant que la désinflation sera un thème majeur dorénavant.

Sur les segments du marché du crédit les plus risqués (CoCo, High Yield), nous conseillons toutefois d'être plus sélectif. Nous recommandons d'éviter les sociétés mal notées qui auront du mal à faire face à leur endettement dans les années à venir. Dans l'ensemble, nous estimons que les spreads des obligations à haut rendement (environ 400 pb) intègrent correctement les taux de défaillance attendus par les agences de notation dans leur scénario de base (3,6 % pour les douze prochains mois).

Au-delà de l'opposition entre Investment Grade et High Yield, il existe un large univers de possibilités. Nos analystes crédit recommandent particulièrement les obligations hybrides.

Les obligations hybrides sont des instruments de dette subordonnée émis par des sociétés non financières. Les émetteurs de titres hybrides sont notés Investment Grade au moment de l'émission mais offrent des rendements plus élevés parce qu'ils sont subordonnés (c'est-à-dire plus risqués) aux obligations de premier rang. Ils sont appelés «hybrides» parce qu'ils combinent les caractéristiques des obligations (paiement d'un coupon) et des actions (pas de date d'échéance ou une échéance très longue; l'émetteur peut décider de ne pas payer le coupon, comme cela peut être le cas pour les dividendes).

Les titres hybrides d'entreprises concurrencent favorablement les titres High Yield (hors financières). Ils présentent des paramètres similaires (rendement d'environ 7,2% et duration d'environ 3 ans), mais leur notation moyenne est supérieure de cinq crans ! Leurs spreads se négocient à des niveaux comparables à ceux du High Yield (environ 350 pb), mais avec un risque de crédit moindre. Les obligations hybrides d'entreprise ont sous-performé le crédit High Yield au premier semestre 2023, ce qui est assez cohérent avec leur profil de risque plus faible. Toutefois, le principal responsable de la sous-performance des obligations hybrides de sociétés en euros est le secteur immobilier, qui a beaucoup souffert. Si l'on exclut l'immobilier, les rendements des obligations hybrides de sociétés se situent autour de 5%.

En conclusion, alors que la résilience de l’activité a porté les actions au premier semestre, la désinflation devrait être un vent porteur pour le crédit au deuxième semestre. Si nos conseillons la sélectivité sur le crédit à haut rendement et les CoCo, le crédit Investment Grade et les obligations hybrides nous semblent offrir des rendements particulièrement intéressants avec un risque de taux très gérable aux niveaux actuels.

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