Vision en 3D: décarbonation, défense et démondialisation

Natasha Ebtehadj, Columbia Threadneedle Investments

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«La guerre en Ukraine pourrait bien être pour la transition énergétique ce que le coronavirus a été pour l’informatique dématérialisée», estime Natasha Ebtehadj.

Lors de sa récente réunion de printemps, le Fonds Monétaire International a annoncé qu'il ne s'attendait plus qu'à une croissance économique mondiale de 3,6 pour cent cette année, au lieu de 4,4 pour cent. Outre la pandémie, la guerre en Ukraine pèse lourdement sur l'économie mondiale.  

Selon la société de gestion Columbia Threadneedle Investments, les sanctions économiques récemment prises à l’encontre de la Russie ont un impact direct relativement limité sur les marchés. Mais les effets secondaires sont nombreux. «Outre le pétrole, le gaz naturel et le blé, le monde est également dépendant de la Russie pour d'autres matières, notamment le palladium et le néon, qui sont essentiels à la production des voitures et des semi-conducteurs, ainsi que le titane, qui est utilisé dans l’industrie aéronautique», explique la gérante de fonds Natasha Ebtehadj de Columbia Threadneedle Investments. Alors que les marchés intègrent déjà l'impact de la hausse de l'inflation et des coûts des matières premières sur les bénéfices des entreprises, les trois thèmes supplémentaires suivants deviennent particulièrement importants pour les investisseurs: la décarbonisation, la défense et la démondialisation.

«La guerre en Ukraine pourrait bien être pour la transition énergétique ce que le coronavirus a été pour l’informatique dématérialisée. La nécessité est la mère de l’invention et l’on peut s’attendre à ce que la course à la décarbonation s’accélère, notamment en Europe, un continent très dépendant des importations énergétiques en provenance de Russie», déclare Ebtehadj. La Commission européenne a récemment publié le plan REPowerEU en réponse au problème de la sécurité énergétique. Celui-ci montre l'ampleur des ambitions de la communauté internationale: la dépendance du gaz russe doit être réduite de deux tiers d'ici la fin de l'année. L'accélération du développement des énergies renouvelables comme l'éolien, le solaire et l'hydrogène vert y contribuera largement, selon Ebtehadj.

La défense devrait également connaître des changements. Les dépenses de défense devraient aussi aller crescendo dans les années à venir, et pas seulement celles des gouvernements: les entreprises devraient également accroître leurs dépenses de cybersécurité. Il n’est pas inconcevable que les entreprises privées soient de plus en plus visées compte tenu de la manière dont elles se sont retrouvées impliquées dans le conflit par le biais des appels au boycott de la Russie. «Le renforcement de la protection des actifs numériques des entreprises sera probablement une autre tendance accélérée par la guerre et les prestataires de services de cybersécurité joueront un rôle clé».

Le dernier thème, la démondialisation, aurait déjà commencé avec la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, déclenchée par l'ancien président américain Donald Trump en 2018. Cette tendance a été amplifiée par la pandémie et probablement cimentée par la guerre en Ukraine. «A court terme, les difficultés d’approvisionnement persistantes amèneront probablement les entreprises à diversifier encore leurs fournisseurs et les sites de production et à rapprocher ces derniers des lieux de consommation. A plus long terme, les sanctions économiques à l’encontre de la Russie, et notamment l’utilisation du dollar comme une arme de guerre économique contre un Etat membre du G20 (une première dans l’histoire) avec le gel des 630 milliards de dollars de réserves de change de la Russie, auront probablement des répercussions sur l’économie mondiale», explique Ebtehadj. En conséquence, la Chine, qui dispose actuellement de 3,2 trillions de dollars de réserves de change, devrait s'efforcer de limiter son exposition au dollar américain. Combiné à l'inflation, le coût nominal du capital pourrait ainsi continuer à augmenter.

Mais comme les marchés s'efforcent d'intégrer les changements, des opportunités d'investissement continueront de se présenter. Les investisseurs actifs avec un horizon de placement à long terme seraient avantagés. «Les avantages de la gestion active nous permettent de nous tourner vers les titres dont la valorisation reflète à nos yeux une surestimation du risque. Nous restons focalisés sur ces opportunités en recherchant les entreprises les mieux armées pour s’adapter à cette nouvelle donne».

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