La comparaison ne convainc guère. Parce que les Roaring 20s ne sont pas le fait de la grippe espagnole mais de la première guerre mondiale.
Plus d’un an après l’émergence de la Covid-19 et face à une progression des actions, que tout le monde est loin d’avoir anticipée, il est normal de s’interroger sur la capacité des bourses à poursuivre leur ascension.
L’interrogation est d’autant plus justifiée que les évaluations atteignent des niveaux onéreux et que les mouvements erratiques des marchés au cours du premier semestre 2021 ont suscité «quelques» craintes sur la pérennité du bull market en cours; la faute à ces satanés taux d’intérêt, dont la tension rapide en a surpris plus d’un. Au regard d’un sentiment qui affiche, à certains égards, une nette tendance à l’euphorie et qui continue à alimenter une mentalité «d’achat sur faiblesse», les opérateurs de marché semblent néanmoins en mesure de trouver de nouvelles raisons pour accumuler des actions.
Nous connaissons tous les «suspects habituels» : une liquidité qui restera abondante à horizon douze mois, des indicateurs économiques qui pointent très largement vers une nette accélération de la conjoncture mondiale, un retournement important de la croissance bénéficiaire que la saison des rapports en cours devrait confirmer ou encore des soutiens budgétaires qui ne se démentiront pas à moyen terme, à l’image du plan d’infrastructures que Joe Biden entend faire voter au cours des prochains mois.
que la progression des cours est loin d’être arrivée à son terme.
Comme si tout cela n’était pas suffisant pour justifier une poursuite du rallye boursier, on entend désormais de plus en plus l’argument du retour des années folles (The roaring 20s) pour convaincre les agents économiques que la progression des cours est loin d’être arrivée à son terme.
Au cœur de l’argumentation, il y a la comparaison entre l’influence de la grippe espagnole de 1918-1921 et celle que ne manquera pas de provoquer la « fin espérée » de la crise sanitaire de la Covid-19. Il est vrai que les célèbres années folles ont de quoi faire rêver avec leur opulence économique, une magnifique créativité artistique ou encore un élargissement «débridé» des libertés individuelles. Le retour de l`ère de Gatsby Le Magnifique pointerait donc à l’horizon, à cause – pour ne pas dire grâce – à la frustration que la crise de la Covid-19 a générée, puisque nous avons été confinés, contrôlés etc…
Je peux entendre l’argument mais il n’empêche qu’il ne me convainc que très modérément. D’abord et surtout parce que les Roaring 20s ne sont pas le fait de la grippe espagnole mais avant tout la conséquence de la première guerre mondiale et de son impact sur la génération sacrifiée dans les tranchées de ce conflit de position, qui a tué, mutilé et impacté psychologiquement des millions d’hommes. Que le conflit mondial ait, de manière indirecte semble-t-il, introduit la grippe dite espagnole sur le vieux continent me semble secondaire par rapport aux conséquences psychologiques induites par le premier conflit mondial.
On peut contester ce dernier argument. Soit, mais il faut alors remettre les choses en perspectives lorsque l’on compare la grippe espagnole et la crise de la Ccovid-19. Certes, cette dernière a tué plus de 3 millions de personnes depuis 15 mois, mais ce chiffre est sans commune mesure avec les 100 millions de victimes que certains historiens avancent en ce qui concerne la première. De même, le ratio des décès rapportés au cas avérés de Covid-19 est sans commune mesure avec les 20% atteints dans le cas de la grippe espagnole.
des actions dans une optique à moyen terme n’est pas simple.
Nous vivons une expérience à bien des égards «unique» en raison de la pandémie que nous traversons et il faut bien avouer que la lassitude et la frustration face à cette situation sont importantes. Faut-il pour autant s’en saisir pour nourrir un argumentaire «raisonné» sur les perspectives boursières? Je suis très dubitatif même si tenter de déchiffrer les mécanismes de la psychologie collective est au-delà de mes compétences.
Tenter de déterminer la bonne attitude à avoir à l’égard des actions dans une optique à moyen terme n’est pas simple. Que l’on passe en revue les questions relatives à la vigueur (durable ou non?) de la croissance économique, celles concernant la nature de la progression à venir des bénéfices (ce qui signifie de réfléchir à l’impact de la hausse des impôts qui pointe à l’horizon) ou encore celles relatives à la sortie des politiques macroéconomiques mise en œuvre depuis 12 mois est déjà suffisamment complexes.
On pourra aussi y ajouter un climat géopolitique qui est loin de se détendre, des incertitudes politiques importantes ou encore la potentielle «révolution de l’environnement» qui pourrait marquer la décennie en cours. Ces facteurs, loin d’être exhaustifs, rendent suffisamment complexe la réflexion sur le potentiel d’extension du rallye boursier, il n’y a pas besoin d’y ajouter des arguments de comparaison avec les années 1920. Au demeurant, il ne faut pas non plus oublier que si celles-ci ont généré Joséphine Baker, le jazz et l’effervescence culturelle dans divers domaines, elles se sont achevées sur des développements politiques et financiers beaucoup moins positifs.