Technologie US: les bonnes et les mauvaises idées

Arthur Jurus & Giacomo Bozzola, ODDO BHF

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La majorité des segments conservent un fort potentiel. Nvidia, par exemple, reste un acteur central de l’intelligence artificielle. Microsoft aussi reste très positif sur l’IA.

En 2024, le marché boursier américain a été largement dominé par les actions des «Magnificent Seven», un groupe de grandes entreprises technologiques comprenant Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet, Nvidia, Meta et Tesla. Entre 2013 et 2025, leur capitalisation boursière cumulée a été multipliée par plus de sept, dépassant les 15’000 milliards de dollars. A la fin de l'année 2024, ces sept géants représentaient environ 34% de la capitalisation totale du S&P 500, un poids qui illustre leur influence importante sur l'indice et met en évidence l'écart de performance avec le reste du marché.

Cependant, en 2025, ce leadership est remis en question. Le contexte macroéconomique et politique aux Etats-Unis a fortement évolué. Bien que les marchés aient rebondi à partir de la mi-avril, notamment grâce à l’annonce d’un moratoire de 90 jours sur les droits de douane entre les Etats-Unis et la Chine, cette pause reste provisoire. Les tensions commerciales persistent, l’incertitude à Washington grandit et le fantôme d’une récession pèse sur les perspectives. Une suppression complète des droits de douane semble peu probable dans les mois à venir: ils représentent encore une source importante de financement pour les baisses d’impôts et le refinancement de la dette publique annoncés par Donald Trump.

Parallèlement, un changement plus structurel est en cours: la montée en puissance de la technologie chinoise. En janvier 2025, la start up chinoise DeepSeek a lancé son modèle d’intelligence artificielle R1, marquant un tournant qui a en quelque sorte «réveillé» les marchés et les investisseurs. Ce modèle rivalise avec les meilleurs modèles américains, comme ChatGPT et Gemini, tout en affichant des coûts et une consommation énergétique jusqu’à 50% inférieurs, selon plusieurs études. Suite à cette annonce en janvier, le marché a réagi immédiatement. L’action Nvidia a perdu 17% en une journée, effaçant près de 600 milliards de dollars de capitalisation. D’autres grands noms de la tech ont également reculé, avec Alphabet (Google) en perte de près de 12%, dans un contexte de révision à la baisse des prévisions de croissance. Plus largement, l’indice Nasdaq 100 affiche un recul de 7% depuis le début de l’année, une situation inédite depuis cinq ans.

Cela ne signifie pas que le secteur est à fuir. La majorité des segments conservent un fort potentiel. Nvidia, par exemple, reste un acteur central de l’intelligence artificielle. Son PDG Jensen Huang a récemment souligné que l’entreprise domine encore le marché des cartes graphiques haut de gamme et des infrastructures pour centres de données. Au quatrième trimestre 2024, le chiffre d’affaires de Nvidia a bondi de 78% en un an, atteignant 39,3 milliards de dollars — une progression soutenue par la demande des entreprises et des gouvernements.

Microsoft aussi reste très positif sur l’IA: à l’occasion de la présentation de ses résultats du premier trimestre, l’entreprise a annoncé de nouveaux investissements allant jusqu’à 80 milliards de dollars dans les prochains mois, bénéficiant également à d’autres secteurs comme les data centers, où l’entreprise fondée par Bill Gates reste un acteur majeur.

Les politiques protectionnistes de Donald Trump représentent à la fois une menace et une opportunité pour le secteur: d’un côté, les tarifs douaniers sur la Chine vont impacter les bénéfices des entreprises américaines du secteur; de l’autre, ces mesures devraient stimuler les investissements aux Etats-Unis. TSMC, société taïwanaise leader mondial de la production de puces, a récemment annoncé des investissements de 100 milliards de dollars pour développer sa production sur le sol américain.

Dans ce contexte, la diversification sectorielle et géographique prend tout son sens. L’Europe, longtemps sous-estimée, retrouve un certain attrait. Le plan de relance allemand de 100 milliards d’euros, destiné à l’investissement public, et la politique plus accommodante de la BCE créent un environnement favorable aux actions européennes. En parallèle, des secteurs plus défensifs comme la santé, la défense ou les services aux collectivités pourraient bénéficier des usages pratiques de l’IA, tout en offrant une meilleure lisibilité sur les résultats.

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