Vers un retour à une sélection de titres plus fondamentale?

Philippe Ferreira, Lyxor Asset Management

2 minutes de lecture

Au premier trimestre, l'alpha a lourdement pesé sur la performance, qui a été essentiellement soutenue par le bêta.

Depuis le début de l'année, les rotations entre secteurs et facteurs ont été difficiles à séquencer. En effet, ces mouvements ont été nombreux et désynchronisés. La volatilité s'est envolée pour la plupart des facteurs quantitatifs, en particulier valeur décotée vs. croissance et titres cycliques vs. défensifs. D'autre part, les facteurs et les grands secteurs n'expliquent pas à eux seuls ces rotations. Souvent, les thèmes de marché et les sous-secteurs ont eu une incidence plus décisive. 

Retour sur les rotations complexes et ciblées qui ont eu lieu au premier trimestre avec leurs répercussions pour la stratégie L/S Equity aux Etats-Unis.

Une reprise mondiale interrompue par des prises de bénéfices 

L'année s'est amorcée avec la confirmation d'une courte majorité démocrate au Congrès américain, permettant d’espérer une relance ambitieuse, alors que débutaient les campagnes de vaccination. Les actions sensibles à la reprise de l'économie mondiale dominaient alors, au côté des petites capitalisations et des valeurs décotées. Toutefois, des prises de bénéfices à la fin du mois de janvier ont effacé les gains des valeurs décotées et des actions les plus vulnérables à la pandémie, à l'exception du secteur de l'énergie. Les gérants ont réduit leurs expositions brutes, mais ont maintenu leur exposition nette tout en renforçant leur allocation aux valeurs cycliques.

Au niveau des secteurs, le rebond a plus
particulièrement concerné la finance et l'énergie.

L'alpha a clôturé le mois en territoire légèrement négatif, principalement en raison de pertes dans les portefeuilles courts.

Dynamique de reflation et rebond des cours pétroliers 

L'adoption d'un plan de relance de 1’900 milliards de dollars a provoqué en février une nouvelle rotation en faveur des valeurs décotées, des titres cycliques et des actions les plus vulnérables à la pandémie. Les thèmes clés se sont recentrés sur la reflation de l'économie américaine, sur la hausse des taux et sur les actions appelées à se redresser le plus vite, plutôt que plus sur la reprise mondiale (en raison d'inquiétudes quant à la reprise en Europe et à l'allégement des mesures de relance en Chine). 

Au niveau des secteurs, le rebond a plus particulièrement concerné la finance et l'énergie. A l'inverse, les actions sensibles aux augmentations d'impôts se sont affaiblies. L'alpha des portefeuilles courts a par ailleurs été bousculé par l'intensification d'opérations de liquidations forcées des positions courtes à l'initiative de groupes d'investisseurs particuliers dès fin janvier. Enfin, les gérants avaient fait croître les allocations autour de plusieurs tendances séculaires (incluant énergies renouvelables, 5G et digitalisation), qui se sont brusquement corrigées en février. 

Dans l'ensemble, l'alpha a été négatif, en particulier pendant la seconde quinzaine, impacté par les expositions factorielles, le market timing et les positions courtes du portefeuille.

Rebond des dépenses d'infrastructures et volatilité des taux

Les marchés sont demeurés haussiers en mars, soutenus par la perspective de l’ambitieux plan américain d'investissements dans les infrastructures. De fortes rotations se sont néanmoins opérées au détriment des valeurs momentum, cycliques, technologiques et de petite capitalisation, délaissées au profit de segments sensibles aux taux, aux dépenses d'infrastructure et à la hausse de la consommation. 

Au sein du secteur technologique,
la rotation a privilégié les valeurs des semi-conducteurs.

Les valeurs décotées ont également surperformé, sur la base de leur sensibilité aux taux et non de leur exposition aux conséquences de la pandémie. La surperformance des secteurs des services aux collectivités, des matériaux et de l'industrie a fait écho aux attentes de fortes dépenses d'infrastructures. Au sein du secteur technologique, la rotation a privilégié les valeurs des semi-conducteurs, dopées par les pressions exercées sur les chaînes d'approvisionnement, aux dépens des actions trop chères ou affichant une croissance des revenues trop faible.

La contribution de l'alpha a été nettement négative. Ces rotations ciblées ont amené les gérants à neutraliser certains de leurs biais en faveur des valeurs décotées et cycliques, en faveur d'une exposition au marché élevé, mais plus équilibrée.

Une moindre confiance aux arbitrages factoriels ou sectoriels

Au premier trimestre, sous l'effet de rotations complexes en dents de scie, peu de secteurs ont permis de générer un alpha durable, à moins d'avoir préféré une position long terme sur les titres de la finance, de l'énergie, de l'industrie, ou pure valeur décotée. Par conséquent, la dispersion entre les différents fonds s'est accrue.

Dans l'ensemble, les gérants se montrent optimistes à l'égard des marchés et présentent un biais en faveur des valeurs cycliques et décotées, mais de manière désormais plus prudentes et plus équilibrées. La conviction des gérants semble s'être érodée, dans la crainte que d'autres rotations puissent encore avoir lieu selon les évolutions changeantes sur le front du virus et des vaccins, d'autres accès de volatilité des taux et d'incertitudes entourant les futures dépenses d'infrastructures et le régime fiscal. 

A lire aussi...