Vers la dépolarisation

Alexander Roose, Degroof Petercam AM

3 minutes de lecture

L’année 2021 devrait être positive pour les actions et offrir des opportunités pour les perdants du Covid, les petites capitalisations et l’Asie.

Alors que la pandémie s’apprête à franchir le cap d’un an, à quoi pouvons-nous nous attendre après ce début de décennie difficile ? Commençons par examiner les conséquences de cette crise sur les investissements. L’expansion considérable des bilans des banques centrales cette année a rendu plus incertaine la distinction entre politiques monétaires et budgétaires. La course aux vaccins a ouvert les portes à une nouvelle classe de médicaments (ARNm), très prometteurs, notamment pour le traitement du cancer. La pandémie a par ailleurs mis en évidence la capacité de la Chine, de Taiwan et de la Corée du Sud à faire face rapidement aux événements extrêmes.

Mais nous avons surtout assisté à une accélération sensible de tendances préexistantes ainsi qu’ à l’émergence de nouvelles tendances. La pandémie et le confinement planétaire qui en a résulté ont en effet servi de puissants catalyseurs pour certains secteurs. Elle a par exemple conduit à une réévaluation générale de la résilience de nos systèmes de santé. Les entreprises à forte densité de main-d’œuvre devront de plus en plus recourir à l’automatisation. En outre, le thème du télétravail et notre dépendance toujours plus grande à l’égard des applications de l’informatique en nuage ont donné le coup d’envoi d’une véritable révolution technologique, tant au niveau du secteur privé que des gouvernements. L’accélération de ces tendances a tracé une ligne de démarcation claire entre les entreprises/secteurs disruptifs, d’une part, et les entreprises/industries stagnantes et qui subissent la disruption, d’autre part.

Désir de changement

La pandémie a été une aubaine pour les valeurs technologiques. A mesure que le NASDAQ atteignait des sommets, l’opinion publique a rapidement fait des parallèles avec la bulle internet . Néanmoins, il est important de garder à l’esprit qu’en dépit de la tendance à la polarisation entre valeurs de croissance et valeurs de substance, il y a cette fois-ci une véritable substance sous-jacente : la dynamique de génération de free cash-flow du secteur informatique a été à peu près en ligne avec la croissance de sa pondération au sein de l’indice.

Les perspectives d’une vaccination massive
ont complètement changé la donne.

Comme la crise financière mondiale de 2008-2009, la crise Covid a eu des implications économiques et sociétales de grande envergure. Toutefois, il existe une nette différence entre les deux. Pendant la crise financière, les individus ont été traumatisés par la perte de leur emploi et de leur logement, alors qu’aujourd’hui, les populations et les gouvernements font preuve d’un plus grand désir de changement et d’une plus grande conscience des défis sociétaux. Cela a contribué, en partie, à la réalisation de mégaprojets tels que le «Green Deal» de l’UE ou les objectifs ambitieux de la Chine en matière de changement climatique, par exemple.

Même si l’année a été difficile pour les valeurs cycliques et les petites capitalisations, les perspectives d’une vaccination massive ont complètement changé la donne. Cela a permis à des segments en difficulté de rattraper leur retard et a conduit à une fin d’année remarquable, avec une rotation exceptionnellement importante et une réduction de l’écart de performance entre les meilleurs secteurs européens de l’année et les plus mauvais.  

Miser sur la substance

A quoi s’attendre pour la suite ? En prenant en compte de l’évolution des tendances structurelles, nous devrions passer du pic de polarisation actuel à une normalisation, sans exclure la possibilité d’un changement plus profond, c’est-à-dire une grande rotation. Dans ce contexte, l’investissement «value» reste plus pertinent que jamais.

Toutefois, il est essentiel de définir correctement cet investissement «value» et d’examiner les bons paramètres. Il s’agit avant tout de comprendre comment une entreprise gagne de l’argent et déterminer si ses investissements lui permettent d’accroître son cash-flow et d’obtenir ainsi un retour sur investissement supérieur au coût du capital. Or, si les actifs de courte durée, qui sont souvent plus lourds en investissement et plus «tangibles», ont des profils de flux de trésorerie plus courts dans le temps, ils ne parviennent souvent pas à dégager un rendement supérieur au coût du capital. Cela détruit la valeur pour les actionnaires. Nous encourageons plutôt les investisseurs à investir dans des sociétés à capital mixte, c’est-à-dire des entreprises qui augmentent leur flux de trésorerie disponible au fil du temps, en investissant notamment dans des actifs incorporels.

Il existe une fenêtre d’opportunité pour les valeurs dites «perdantes
du Covid» et les petites capitalisations aux valorisations attractives.
Des opportunités

Examinons enfin comment l’inflation pourrait affecter les marchés boursiers. Même s’il est possible que le taux d’inflation atteigne 2 à 3% en raison de l’augmentation substantielle de la masse monétaire, rien ne laisse à penser que les actions en pâtiront fortement. Elles offrent non seulement une couverture contre l’inflation (en raison de l’écart de rendement confortable avec les obligations d’État), mais leurs multiples boursiers ne devraient pas être profondément affectés tant que l’inflation reste contenue. Il existe en outre plusieurs éléments désinflationnistes (l’adoption croissante des technologies, la pyramide démographique, l’écart de production, etc.) qui devraient faire obstacle à un scénario inflationniste «incontrôlable» dans un avenir proche.

En conclusion, nous sommes généralement optimistes, bien que prudents. Les cinq points clés à retenir pour 2021 sont les suivants. Les marchés boursiers devraient enregistrer une performance positive, mais modérée, avec une participation sectorielle élargie. Il existe une fenêtre d’opportunité pour les valeurs dites «perdantes du Covid» et les petites capitalisations aux valorisations attractives. Il importe de se concentrer sur des thèmes structurels clés pour investir à long terme dans des entreprises de qualité en mettant fortement l’accent sur les facteurs ESG. L’Asie continuera à gagner en importance à l’avenir. Enfin, les portefeuilles devront tenir compte de la valeur des couvertures contre l’inflation.

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