Une lame de fond en Corée du Sud?

Gautier Venerati, Indosuez Wealth Management

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Depuis fin 2023, le gouvernement demande aux grandes entreprises du pays de prendre des mesures pour améliorer le rendement des actionnaires.

Au cours de l'année écoulée, de nombreux médias se sont fait l’écho de l’actuelle réforme de la gouvernance d'entreprise au Japon. Ce mouvement d’ampleur a été lancé par la Bourse de Tokyo en utilisant la tactique dite du «name & shame» (nommer et faire honte). L'idée était de «faire honte» à certaines grandes entreprises japonaises pour qu'elles réforment leur gouvernance d'entreprise en faveur de tous les actionnaires (les petits investisseurs minoritaires en particulier). Selon ce processus, l'amélioration progressive du rendement pour les actionnaires (par le biais de rachats d’actions, de dividendes, de cessions d'actifs non essentiels...) améliorerait à son tour le rendement des actions au fil du temps grâce au renforcement de la confiance des investisseurs et à la réduction des décotes par rapport à l'évaluation fondamentale des actions. Cet élan réformateur a joué un rôle déterminant dans l'obtention d'un rendement positif élevé pour les actions japonaises en 20231.

Depuis la fin de l'année dernière, le gouvernement coréen demande aux grandes entreprises du pays de prendre des mesures pour améliorer le rendement des actionnaires. Le président coréen a fait des annonces à ce sujet et d'autres communications sont attendues au cours de l'année 2024. Cette initiative de réforme de la gouvernance d'entreprise a été baptisée «Value-up». En substance, la Commission coréenne des services financiers (CSF) a commencé à utiliser une sorte de «name & shame» à la japonaise pour essayer de changer la façon dont les grands conglomérats coréens traitent les actionnaires minoritaires. Plus précisément, la CSF a fait pression sur les conglomérats dits «deep value» (ceux qui cotent en bourse en dessous de leur valeur comptable) pour qu'ils prennent des mesures actives afin d'améliorer le rendement des actionnaires minoritaires. Comme au Japon, ces mesures comprennent, entre autres, le rachat d'actions, l'augmentation des ratios de distribution de dividendes, la cession d'actifs non essentiels ou l'annulation d'actions propres.

Des réformes politiques concernant les taux d'imposition sur les successions et les dividendes seront nécessaires pour que le thème actuel de la «revalorisation» soit couronné de succès.

Les investisseurs en actions connaissent depuis longtemps la fameuse «décote coréenne». Il est de notoriété publique que la plupart des grandes entreprises coréennes sont sous-évaluées, voire profondément pour certaines. Cela est en partie dû à la structure des grandes entreprises coréennes familiales et aux taux (très) élevés de l'impôt sur les successions et les dividendes en Corée. Ces facteurs expliquent principalement pourquoi les actionnaires minoritaires n'ont pas été au centre des préoccupations des dirigeants d’entreprises.

En ce qui concerne la réforme actuelle, il en a déjà été question dans le passé. Certains investisseurs pourraient donc être moins enclins à la voir se concrétiser. Cependant, aujourd’hui, un facteur très important entre en jeu. Les petits investisseurs en actions représentent à présent 30% des électeurs, alors qu'ils n'étaient que 10% il y a dix ans2. C'est donc devenu une question politique sérieuse dans le pays. Le système national de retraite pourrait connaître de graves problèmes si les grandes entreprises coréennes restent sous-évaluées et que les actionnaires minoritaires ne bénéficient que de faibles retours sur investissement. Les élections générales qui se tiendront en avril 2024 pourraient également donner un coup de pouce à la réforme. En tout état de cause, des réformes politiques concernant les taux d'imposition sur les successions et les dividendes seront également nécessaires pour que le thème actuel de la «revalorisation» soit couronné de succès.

L'avenir nous dira si l'impulsion donnée à la gouvernance d'entreprise est effective. Si elle est acceptée et mise en œuvre par les grands groupes industriels coréens, elle pourrait conduire à une revalorisation importante des actions coréennes à terme. Quoi qu'il en soit, ce mouvement de réforme «value-up» a commencé à remettre les actions sud-coréennes sur le devant de la scène à un moment où la plupart des gros titres asiatiques se concentrent sur la Chine.

 


1 MSCI Japan index: +20% vs. +11% for MSCI AC Asia Pacific index in 2023, in USD. Source: Bloomberg.
2 Source: CLSA.

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