Une histoire de la dévaluation du dollar

Thomas Planell, DNCA Invest

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L’abandon de la cible de 2% d’inflation est-elle à l’égard de l’orthodoxie monétaire ce que le New Deal fut à l’endroit de l’étalon-or?

© Keystone

Au printemps 1933, comme presque chaque matin, le secrétaire du Trésor américain Morgenthau retrouve le Président. L'amitié des deux hommes est telle que les réunions se tiennent parfois dans la chambre présidentielle

Il est question de la montée au pouvoir d'Hitler et de la politique économique de lutte contre la dépression de 1929, le «New Deal», qui passe par la dévaluation organisée du dollar par rapport à l'or. Une entreprise terrifiante que le directeur du budget, Lewis Douglas, considère à l'époque comme «la fin de la civilisation».

Un jour, encore alité, «Roosevelt m'a regardé et a suggéré une hausse de 21 centimes» du prix de l'or, confie Morgenthau. «C'est un chiffre porte bonheur. Trois fois sept» continue le Président. Jusqu'en 1934, le duo laisse le dollar glisser de 69% face à la relique barbare, au point de choquer jusqu'à Keynes, pourtant grand adversaire du concept trop rigide selon lui d’étalon-or! La même année, le fixing de 35 dollars est définitivement figé et vaudra pour les 34 prochaines années jusqu’à la retentissante mise en bière des accords de Bretton Wood en 1971.

Le dollar est la devise des devises mais l’or est la devise du dollar. 

Un nouveau «New-Deal»?

Aujourd’hui, l’or enregistre un record à près de 2200 dollars l’once. Il entraine l'argent et les précieux périphériques comme le platine et le palladium, ce dernier s’adjugeant jusqu’13% en séance le 6 mars. Les métaux industriels (cuivre, aluminium, étain, zinc, plomb et dans une moindre mesure le nickel) participent également, mais plus modestement au rebond.

Chère, la relique barbare? Pas en comparaison du S&P500: en moyenne de 1920 à nos jours, une once permettait d’acquérir 1,4 fois l’indice. Aujourd’hui, le ratio Or sur S&P500 tombe à 0,4, un plus bas historique.

Cela dit, dans leur ascension commune, actifs réels et actifs financiers nous racontent une histoire intéressante. Même si le billet vert reste fort par rapport aux autres devises (Le dollar index baisse néanmoins 2,3% depuis les plus hauts de l’année), il cède de plus en plus de terrain lorsqu’on le convertit en actifs réels. Chaque jour qui passe requiert plus de dollars pour acheter des métaux précieux, industriels, du pétrole ou des actions.

Le dollar est la devise des devises mais l’or est la devise du dollar. En 1933, le Président sortant, Herbet Hoover lance à Roosevelt: «nous avons de l’or car nous ne pouvons avoir totalement confiance en nos gouvernements». Et si, inquiétés par les contradictions entre déficits budgétaires records et ralentissement de la réduction du bilan de la FED, entre baisse des taux directeurs imminente et inflation persistante, les marchés étaient tout simplement en train de faire le travail de Roosevelt en équilibrant par la baisse du dollar en termes réels l’équation économique de notre époque? L’abandon de la cible de 2% d’inflation est-elle à l’égard de l’orthodoxie monétaire ce que le New-Deal fut à l’endroit de l’étalon-or?

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