Une certaine confusion ne devrait pas nuire à l’ESG

Laurent Brossy, BCGE

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La confusion conceptuelle sur la finance durable est amenée à se réduire. Gare aux tentations de rendre les placements ESG plus verts qu’ils ne le sont…

Au cours des cinq dernières années, un large consensus scientifique s’est établi autour de la question du dérèglement climatique. Il gagne progressivement la conscience de la population. Si les projections sont encore incertaines, la trajectoire semble quant à elle assez claire. Outre des enjeux sociétaux majeurs, les membres du GIEC et autres expert s scientifiques ont mis à jour l’existence d’une défaillance intergénérationnelle du marché: les risques environnementaux.

La réaction du secteur financier suisse ne s’est pas faite attendre. Sous l’impulsion d’une demande accrue sur cette thématique, d’un suivi vigilant des autorités régulatrices et des recommandations des associations faîtières, les banques ont été incitées à développer leur offre en matière de placements ESG. Ces actions ont été entreprises, en ligne avec leur mission respective. Elles l’ont toutefois été dans un contexte de confusion assez large. Les données relatives à l’empreinte carbone des activités économiques souffrent à la fois d’un manque de fiabilité lié à leur complétude et à l’absence d’audit indépendant. Ajoutée à cela, l’absence de standards de notation et de mesures réglementaires coercitives claires, à l’échelle nationale et internationale, rend difficile pour l’instant les analyses comparatives entre les offres ESG existantes sur le marché.

La posture à privilégier est celle du pragmatisme et d’une certaine humilité.

Cette instantanéité des concepts et des définitions introduit un biais inévitable largement accentué par l’exigence de rentabilité à court terme. Les acteurs financiers déploient une offre de produits labellisés «ESG» par leurs propres services, mais l’absence de convergence entre les évaluations opérées par les agences de notation ESG les exonère de contrôle extérieur crédible. Les conditions sont alors réunies pour exagérer la «saveur verte» des produits proposés à défaut de se soucier de leur impact écologique effectif.

Les pouvoirs publics et leurs organes de régulation travaillent à la mise en place d’un cadre incitatif contraignant l’ensemble des acteurs économiques à, non seulement communiquer l’état des lieux de l’impact de leurs activités respectives, mais également à rendre compte des mesures prises pour en réduire les effets à moyen et long terme. Selon la Finma, à l’ère de la transparence, les acteurs qui ne prennent pas sérieusement en considération ces questions s’exposent au même risque juridique et réputationnel que ceux qui exagèrent l’écart entre ce qu’ils prétendent promouvoir et leurs propositions effectives.

La posture à privilégier est celle du pragmatisme et d’une certaine humilité. La prévention, la gestion et le contrôle des risques environnementaux est nécessaire car, désormais, les risques physiques et les risques de transition qui lui sont liés, sont à prendre en compte. En attendant de bénéficier de l’exhaustivité des données et du cadre contraignant optimal permettant d’améliorer l’impact réel de l’offre ESG existante sur le marché, il revient aux banques d’en souligner ses limites actuelles toute en reconnaissant son caractère incontournable. La finance dite «durable» est un mouvement inexorable en quête de maturité.

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