Un frein aux prêts bancaires

Thomas Hempell, Generali Investments

2 minutes de lecture

Il est probable que le resserrement des normes de prêt se substitue aux hausses de taux.

L'apaisement des inquiétudes liées à l'énergie et la réouverture de la Chine permettent à l'économie mondiale de rebondir au début du printemps. Le faible taux de chômage, la forte croissance des salaires et l'excès d'épargne maintiennent la résistance de l'économie. La réouverture de la Chine soutient l'industrie manufacturière et le commerce mondiaux en difficulté. Il ne faut toutefois pas se laisser griser par des indicateurs robustes, car le soulagement en Europe est dû en grande partie à la baisse des prix de l'énergie.

Les conséquences du resserrement monétaire

Toutefois, les économies occidentales ne ressentent pas encore pleinement les effets du resserrement monétaire, les taux américains ayant augmenté de près de 500 points de base en un an seulement, et les taux de la Banque Centrale Européenne (BCE) de 350 points de base. Les effets décalés qui en résultent provoqueront des vents contraires substantiels jusqu'à la deuxième moitié de l'année 2023. Le resserrement rapide a également mis à nu les fissures de la plomberie financière, avec la faillite de deux banques de taille moyenne aux États-Unis (SVB, Signature). Comme l'a montré l'effondrement en chaîne de Credit Suisse en Europe, le secteur bancaire dans son ensemble souffre de l'intensification de la surveillance du marché, de la hausse des coûts de financement et de la fuite des dépôts, en particulier des institutions les plus faibles. Cette situation freinera considérablement les prêts bancaires au cours des prochains trimestres. Cela complète la lutte des banques centrales contre l'inflation et remplace les nouvelles hausses de taux que nous avions prévues avant la récente crise. Pourtant, cette forme de resserrement est beaucoup plus risquée et moins prévisible, les banques centrales étant confrontées à un délicat exercice d'équilibre entre la lutte contre l'inflation et la préservation de la stabilité financière.

Les effets décalés d'une année de resserrement décisif de la politique monétaire laisseront des traces. Une grande incertitude concerne l'effet des derniers problèmes bancaires.

Heureusement, les faillites bancaires sont jusqu'à présent principalement dues à des problèmes idiosyncrasiques. Les banques sont beaucoup mieux capitalisées et peuvent recourir à des réserves de liquidités plus importantes qu'en 2008, notamment en Europe. En outre, le stress bancaire lié à la hausse des rendements s'auto-corrige en partie grâce aux flux de valeurs refuges et à l'inversion des perspectives de taux d'intérêt. Cela dit, il n'y a pas lieu de se reposer sur ses lauriers, car les taux élevés pourraient faire d'autres victimes, les banques américaines de taille moyenne moins réglementées et le secteur de l'immobilier commercial étant particulièrement exposés. Et si les banques centrales, les gouvernements et les régulateurs se tiennent prêts à fournir un soutien rapide et massif en matière de liquidités, les outils généraux des banques centrales sont fortement limités par la lutte contre l'inflation.

La zone euro souffrira des problèmes bancaires

L'économie de la zone euro a très bien commencé l'année. Les principaux indicateurs de sentiment, tels que les indices PMI, annoncent clairement une expansion de l'activité au premier trimestre, après une stagnation au trimestre précédent. Avec un taux de chômage qui se maintient au niveau le plus bas de 6,7% et une épargne excédentaire encore abondante, les ingrédients clés d'une reprise durable sont en place.

Toutefois, à plus long terme, les effets décalés d'une année de resserrement décisif de la politique monétaire laisseront des traces. Une grande incertitude concerne l'effet des derniers problèmes bancaires. En effet, les banques devront en fin de compte resserrer leurs normes de prêt. Par conséquent, une décélération de l'activité au second semestre est à prévoir, tandis que les facteurs de soutien protégeront probablement la zone euro d'une récession. Dans l'ensemble, les prévisions de croissance ont été réduite, mais la production devrait augmenter de 0,7% en 2023, principalement en raison d'un solide premier trimestre.

Les difficultés du secteur bancaire compliquent encore la vie de la BCE. Bien que l'inflation globale soit retombée du pic de 10,6 % en glissement annuel en octobre à 6,9% en glissement annuel (estimation rapide) en mars, elle reste largement supérieure à l'objectif et généralisée. L'inflation sous-jacente n'a encore montré aucun signe de modération et, compte tenu de la forte croissance des salaires, elle ne reculera que lentement. Les membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont clairement indiqué que la lutte contre l'inflation n'était pas encore terminée et qu'ils la considéraient comme «trop élevée depuis trop longtemps». Les retombées sur le secteur bancaire suscitent une grande incertitude. La BCE a donc adopté une approche politique véritablement dépendante des données. Il est probable que le resserrement des normes de prêt se substitue aux hausses de taux. Après une augmentation des taux de 50 points de base à 3,0% (taux de dépôt) en mars, d'autres hausses ne devraient pas advenir. Cependant, dans un contexte d'incertitudes élevées, les risques penchent en faveur d'un nouveau resserrement.

A lire aussi...