Un conflit à l’impact économique encore limité

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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Les investisseurs vont hésiter entre «acheter au son du canon» et rester prudents à cause des problèmes d’inflation que cette crise exacerbe.

© Keystone

A ce stade, le choc ukrainien ne représente pas une menace forte pour la croissance mondiale. Les investisseurs vont hésiter entre «acheter au son du canon» et rester prudents à cause des problèmes d’inflation que cette crise exacerbe.

Au vu des sanctions annoncées par les Etats-Unis et l’Europe, l’impact économique de la guerre entre la Russie et l’Ukraine serait limité. Ce diagnostic pourrait évoluer si la Russie et l’Occident entraient dans une escalade de sanctions aboutissant à des ruptures d’approvisionnement de matières premières en Europe et à une accélération encore plus forte de la hausse des prix du pétrole, vers 150 ou même 200 dollars. Pour l’instant cependant, les sanctions occidentales évitent soigneusement le domaine de l’énergie. Quant aux Russes, ils n’ont pas de raison de se priver de la manne financière des gazoducs et du pétrole à un moment où ils en ont particulièrement besoin. Si on en reste là, le prix du pétrole ne dépasserait pas 110-120 dollars le baril, avec un impact modeste d’environ -0,2% sur la croissance mondiale en 2022 (-0,35% en Europe et -0,15% aux Etats-Unis en moyenne des prévisions actuelles). Quant au possible choc migratoire de l’Ukraine vers la Pologne et l’Allemagne, il interviendrait dans une situation de plein emploi dans ces deux pays avec sans doute, au moins au début, un sentiment de solidarité qui contiendra les risques de crise sociale.

La confiance baisse mais la consommation rebondit

Le poids des économies russes et ukrainiennes étant négligeable, le choc ukrainien se transmettra à l’économie essentiellement par une hausse supplémentaire de l’inflation, hausse qui pénalise certaines entreprises et qui fragilise la confiance des consommateurs. Cette fragilisation était déjà à l’œuvre aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, et dans une moindre mesure en Europe. La confiance des consommateurs européens devrait continuer à baisser face à la diffusion de l’inflation, comme l’atteste la forte hausse de l’inflation en France en février, et à l’aggravation des tensions sur les prix des matières premières.

Beaucoup de pays utilisent l’arme budgétaire pour compenser l’impact des hausses de prix sur les ménages et les entreprises.

Cependant, le lien entre confiance des consommateurs et consommation réelle est souvent assez lâche. Aux Etats-Unis, la consommation a beaucoup moins ralenti ces derniers mois que ne le suggèrent les indicateurs de confiance, comme le montre le rebond des dépenses des ménages en janvier (+1,5% en volume, après deux mois de baisse). Le dynamisme du marché de l’emploi explique en partie cette divergence entre confiance et consommation réelle. De plus, les prochaines semaines devraient voir un regain de la consommation de services du fait de la forte baisse des restrictions sanitaires dans presque tous les pays. Les achats d’automobile devraient par ailleurs bénéficier de l’atténuation progressive des pénuries de composants électroniques. Enfin, beaucoup de pays utilisent l’arme budgétaire pour compenser l’impact des hausses de prix sur les ménages et les entreprises.

La normalisation monétaire pourrait être moins rapide que prévu

Pour les banques centrales, enfin, le choc ukrainien est ambigu. Les perspectives d’inflation se détériorent encore mais les perspectives de croissance sont aussi fragilisées, surtout en Europe. Et surtout, ce type de choc tend à rendre les grandes banques centrales particulièrement attentives aux conditions financières. Elles peuvent craindre que les primes de risque ne montent trop vite sur les marchés et dans le système bancaire, avec des conséquences négatives pour le financement de l’économie. Le niveau d’aversion au risque a, en effet, significativement augmenté sur les marchés financiers depuis plusieurs semaines. Le rythme de la «normalisation» des politiques monétaires pourrait donc être moins rapide que prévu ces prochaines semaines.

Les évènements récents ont donc permis une stabilisation des taux d’intérêt réels, ce qui a entraîné une inversion du mouvement de rotation hors des défensives et des valeurs chères, mouvement qui était à l’œuvre depuis décembre 2021. Il faut dire que ces valeurs avaient déjà beaucoup baissé, de plus de 20% pour le Nasdaq et 40% pour les Biotechs. Cet univers de valeurs sera peut-être à nouveau chahuté quand les taux longs grimperont de nouveau plus haut, ce qui est probable à moyen terme. Mais ces dernières sont, pour l’instant, moins vulnérables, ce qui participe à une stabilisation des indices boursiers. Enfin, les ratios cours/bénéfices des actions ont considérablement chuté, particulièrement en Europe, alors que les taux réels restent extrêmement bas, ce qui rend les actions plus attractives.

Si le choc ukrainien en reste là, la pression haussière sur les taux à long terme finira cependant par reprendre, ce qui pourrait limiter la hausse des actions. Il faut donc encore rester prudent dans ses taux d’exposition au marché.

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