Croissance et inflation ne garantissent pas la hausse des taux obligataires. En attendant le tapering, les investisseurs étrangers reviennent sur les Treasuries.
La semaine financière a été marquée par le retournement baissier abrupt des taux américains à contrecourant des indicateurs conjoncturels. Le T-note efface ainsi les tensions de la seconde moitié du mois de mars. La perspective du tapering évoquée par Jerome Powell semble largement intégrée par les intervenants de marché. Le positionnement des acteurs spéculatifs et les flux ont pris le dessus cette semaine sur les déterminants macro-économiques. Les indices s’échangent sur des niveaux record aux Etats-Unis. L’ajustement des taux longs profitent logiquement aux valeurs de croissance. Parallèlement, la réduction des positions vendeuses sur le dollar s’atténue. L’euro s’approche du seuil de 1,20 dollar. Les nombreuses syndications de dettes souveraines anticipant les remboursements d’avril pèsent sur les taux à long terme en zone euro. Le rendement du Bund se situe légèrement au-delà de -0,30%. Les spreads de crédit sont restés sans tendance.
Le rendement du T-note a diminué de 9 pb cette semaine. La tendance s’est accentuée en séance de jeudi avec un plongeon de 12 pb dans la journée vers un point bas à 1,52%. Cette chute intervient alors que les indicateurs conjoncturels sont au beau fixe. Les ventes au détail ont bondi de 9,8% en mars, la consommation privée répondant immédiatement aux transferts mis en œuvre en milieu de mois. La consommation de biens est 17% au-dessus des niveaux de janvier 2020. La nette diminution des nouvelles inscriptions au chômage témoigne de la poursuite de l’embellie sur l’emploi. Les premières enquêtes d’avril (PhilFed, Empire, NAHB…) dépeignent également une croissance soutenue malgré les difficultés d’approvisionnement et de recrutement et les pressions significatives sur les prix des intrants.
en couvrant le risque de change des titres en dollars à un an.
Le marché de taux ignore le risque inflationniste des politiques publiques. En outre, James Bullard, puis Jerome Powell, ont évoqué le tapering. Le premier, membre du FOMC non-votant cette année, entrevoit une annonce lorsque 75% de la population adulte sera vaccinée. Au rythme actuel de la vaccination, cela coïnciderait avec le symposium de Jackson Hole à la fin du mois d’août. Jerome Powell a précisé que la réduction des interventions mensuelles interviendrait avant les hausses de taux. Ce scénario est conforme à la séquence entre l’annonce de tapering de décembre 2013 à la première hausse des taux en 2015. Cette communication n’aura eu aucun effet à la hausse sur les taux. L’explication est ailleurs.
Le retour des investisseurs privés étrangers sur le marché des Treasuries se confirme. L’inflexion est palpable depuis la mi-mars dans les données hebdomadaires du MOF japonais. Les investisseurs nippons dégagent une prime de l’ordre de 105 pb en couvrant le risque de change des titres en dollars à un an. Le positionnement des comptes spéculatifs est aussi redevenu acheteur sur le contrat T- note. On observe également des rachats de positions vendeuses de calls sur le 5 ans pour des tailles conséquentes. Ces rachats prennent la suite de la réduction des positions vendeuses sur le dollar. Le premier trimestre avait été marqué par un rebond du dollar de 2,8% (indice large). La rechute d’avril nous rappelle qu’une variable doit toujours s’ajuster. En d’autres termes, le consensus baissier sur les Treasuries est en train de migrer vers le dollar. Dans ce contexte, les points morts d’inflation échappent ainsi à la pression nominale d’autant que le prix du baril (67 dollars) intègre les prévisions de demande plus optimistes de l’AIE. Le swap d’inflation à 10 ans (2,45%) gagne 2pb sur une semaine.
autour de -0,30% depuis plusieurs semaines.
En zone euro, la BCE achète davantage ces dernières semaines. Les montants levés au titre du PEPP avoisinent 20 milliards d’euros par semaine contre 14 milliards avant la décision de Christine Lagarde. L’action de la BCE a maintenu le Bund à 10 ans autour de -0,30% depuis plusieurs semaines. Les nouvelles émissions ont toutefois pesé sur le marché des emprunts d’Etat. Le calendrier de remboursement a incité les trésors européens à anticiper leurs financements. L’Espagne (15 ans) et l’Irlande (20 ans) se sont insérées dans le calendrier qui comptait déjà des émissions longues en Autriche (50 ans), en Allemagne et aux Pays-Bas (17 ans). Cette accélération des programmes réagit aux annonces du programme NextGen EU qui débutera au début du second semestre. L’UE empruntera un total de 800 milliards d’euros à terme. Les spreads italiens se situent au-delà de 100pb. La situation budgétaire ne s’améliorera pas cette année (déficit de 11,8% de PIB), Mario Draghi ayant prorogé les dispositifs de soutien aux entreprises. La dette italienne ressortira au-dessus de 160% en 2021.
Les marchés d’actions affichent des performances à deux chiffres en 2021. L’accalmie sur les taux fait de nouveau la part belle à la thématique de croissance. La saison des résultats s’ouvre avec les publications stellaires des banques d’investissement américaines. En Europe, la hausse ininterrompue depuis plusieurs semaines dans des volumes étriqués interroge d’autant que la faiblesse de la volatilité implicite laisse planer un air de complaisance. Les premières indications laissent transparaitre des publications très solides. Le marché du crédit est stable avec un léger resserrement sur la semaine. Les secteurs liés à la réouverture sont recherchés. Les carnets d’ordre militent pour davantage de resserrement sur le secondaire, d’autant que les émissions s’amenuisent. Le marché du high yield semble soutenu par de nouveaux intervenants qui compensent les flux finaux médiocres. Le primaire, fourni depuis le début de l’année, trouve facilement preneurs. La hausse des actions milite ici pour une réduction des positions sur certaines AT1 et autres titres subordonnés.