Si Donald Trump promet de lancer une deuxième vague de baisse d’impôts s’il était élu, et s’il se prépare à affronter non pas Joe Biden mais Kamala Harris, il est crucial de faire le bilan de la première réforme de Donald Trump de 2027.
L’état des recherches est, selon le professeur Tyler Cowen, résumé par une étude de référence: «Lessons from the biggest tax cut in US history», par Gabriel Chodorow-Reich, Owen M. Zidar, Eric Zwick. Le document tire les principales leçons de cette réforme: Il en révèle d’abord le coût.
La réforme de 2017, appelée Tax cuts and Jobs Act, promettait de réduire les impôts de 100 à 150 milliards de dollars par an durant une décennie. Elle comprenait une baisse du plafond du taux d’imposition statutaire de 35 à 21%, sachant que le taux était resté à 35% depuis 1993. Elle autorisait l’amortissement immédiat des achats de biens d’équipement. Il en est résulté non pas seulement une hausse de l’investissement mais aussi une forte baisse des recettes fiscales de la part des entreprises (-40%).
La deuxième leçon est positive, puisque l’investissement des entreprises s’est nettement accru (+8% à +14%) et que l’économie a continué à en profiter lors de l’actuel mandat de Joe Biden. Les entreprises qui ont obtenu une plus forte baisse d’impôts ont investi davantage que les autres. Les auteurs de la recherche estiment que les gains de la réforme n’ont de loin pas compensé les coûts.
«La deuxième leçon est positive, puisque l’investissement des entreprises s’est nettement accru (+8% à +14%)»
Faible hausse des salaires
Il en ressort aussi que l’impact de la baisse d’impôts sur les salaires a été plus modeste que prévu. Au lieu des hausses de salaires de 4000 à 9000 dollars, il a fallu se contenter de 750 dollars, selon l’étude.
Les opinions varient au sein des économistes sur l’intérêt d’un exercice qui augmente l’investissement des entreprises et appauvrit l’Etat, selon Tyler Cowen, professeur à l’Université George Mason. Ce dernier confirme que la situation budgétaire de l’Etat américain est moins favorable qu’à l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Mais il ajoute sur son blog (marginal revolution) que le gain de croissance (de 0,9%) n’est pas à sous-estimer pour la première économie au monde, avec un PIB annuel de 27'000 milliards de dollars.
Compte tenu de ce bilan, et du fait que la loi de 2017 prendra fin l’année prochaine, la question consiste moins à savoir si Donald Trump, s’il était élu, prolongerait les mesures (TCJA), ce qui paraît acquis, mais plutôt s’il procéderait à une nouvelle baisse du taux d’imposition des entreprises, pour l’amener à 15%. De plus, le candidat républicain aimerait baisser les impôts des ménages et accroître certaines dépenses publiques. Pour Peter Zweifel, chef économiste auprès de Pictet Asset Management, «les implications économiques et financières de telles politiques devraient logiquement inclure une forte croissance, une augmentation de l'inflation, une détérioration fiscale, une hausse des taux d'intérêt, une appréciation de la monnaie et une hausse des marchés boursiers.» Mais Trump 2.0 comprend aussi une augmentation massive des droits de douane, lesquels sont naturellement des impôts qui freinent la consommation. Ces derniers réduiraient la croissance et augmenteraient l’inflation.
«Avec Kamala Harris, il est d’ores et déjà certain que les impôts augmenteront d’environ 5000 milliards en 2025.»
Croissance des impôts ou de l’économie?
Les économistes se répartissent clairement en deux camps opposés face au choix consistant à privilégier la croissance économique ou la santé des finances publiques. Il faut savoir que l’extension des avantages fiscaux de 2017 coûterait 4000 milliards de dollars sur une décennie, selon une étude de la Tax Foundation. Cet institut propose de maintenir les avantages prévus pour les individus et d’élargir la base fiscale pour les entreprises tout en maintenant le taux à 21% afin de ne pas pénaliser la croissance économique. En revanche, le Center on Budget and Policy Priorities estime qu’une hausse du taux d’imposition des entreprises rendrait l’impôt plus équitable sans peser sur la croissance économique.
Le débat porte rarement sur la compétitivité fiscale internationale des Etats-Unis. Or quand Donald Trump avait baissé les impôts en 2017, les Etats-Unis avaient l’un des taux d’imposition des entreprises parmi les plus élevés des pays industrialisés. Le processus de convergence est maintenant en route sous l’impulsion de l’OCDE, avec une tentative d’harmonisation comportant un plancher à 15%.
L’entrée de Kamala Harris dans la course à la Maison Blanche amène les commentateurs à évaluer les propositions fiscales de la vice-présidente. Comme Joe Biden, elle entend augmenter les impôts des plus riches et des entreprises, mais davantage que Biden puisqu’à 35%, soit niveau précédant la réforme de Trump. Elle entend aussi frapper les successions des plus riches, augmenter le salaire minimum, les crédits d’impôts pour les familles à bas revenu et les salaires des enseignants. La direction interventionniste indiquée par son programme sera donc la même qu’avec Joe Biden, d’autant qu’elle a assumé tous ses grands projets, mais avec un accent plus progressiste. Avec Kamala Harris, il est d’ores et déjà certain que les impôts augmenteront d’environ 5000 milliards en 2025, note Nicolas Lecaussin, directeur de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF). Les détails du programme de Kamala Harris sont toutefois encore inconnus.