Sri Lanka: aurait-on pu déceler les signes avant-coureurs de la crise?

Daryl Liew, Reyl Singapore

2 minutes de lecture

La mauvaise gestion du gouvernement est en partie responsable des problèmes du pays.

Le durcissement des conditions monétaires mondiales, le regain du dollar et la montée des pressions inflationnistes accrues par la guerre en Ukraine ont eu un impact beaucoup plus important sur les pays en développement que sur les économies développées. Être obligé de payer des matières premières plus chères en USD a encore accentué la pression sur les bilans de ces pays moins développés, déjà mis à rude épreuve par les mesures de relance budgétaire liées au Covid-19. Ces pressions ont amené au récent défaut de paiement de la dette extérieure du Sri Lanka, qui n'a pas été en mesure d'honorer ses obligations sur les 50 milliards de dollars américains qu'il doit aux créanciers étrangers.

Les difficultés du Sri Lanka s'expliquent en partie par le fait que le pays souffre d'un déséquilibre commercial, car il importe plus qu'il n'exporte chaque année. Cela signifie qu'il épuise ses réserves de liquidité pour payer les matières premières essentielles tels que la nourriture et l'énergie, qui sont généralement libellés en dollars américains. Le tourisme était auparavant un rouage important de l'économie du Sri Lanka, apportant des devises étrangères indispensables. Cependant, les attentats de Pâques en 2019 et la pandémie de Covid-19 ont décimé le secteur du tourisme et fait disparaître cette source génératrice de revenus importants.  

Le gouvernement sri-lankais cherche maintenant à obtenir l'aide du Fonds monétaire international et d'autres pays pour tenter de surmonter la crise.

La forte hausse des prix des matières premières essentielles a accentué par ailleurs les problèmes du Sri Lanka. Le pays a tout simplement épuisé les réserves de liquidité nécessaires lui permettant de payer ces produits. Cela a notamment entraîné de graves pénuries et de longues files d'attente dans les stations-service. La flambée des prix des denrées alimentaires et le manque de matériel médical contribuent également à l'agitation de la population locale, dont la vie quotidienne est perturbée.

En effet, l'inflation est un énorme défi pour le Sri Lanka – l'IPC pour le mois de mai a bondi à 39,1% en glissement annuel, contre 29,8% en avril, principalement en raison de l'alimentation (+57,4%). La mauvaise nouvelle est que l'inflation n'a probablement pas encore atteint son pic et qu'elle devrait continuer à augmenter. Il n'est donc pas surprenant que la roupie sri-lankaise soit la monnaie la moins performante au monde cette année, avec une baisse de plus de 40% après une forte dévaluation en mars.

La mauvaise gestion du gouvernement est en partie responsable des problèmes du pays. Les administrations précédentes avaient emprunté massivement afin de construire des projets d'infrastructure gigantesques qui sont devenus superflus. Le paiement de ces dettes a englouti une partie des précieuses réserves de liquidité du pays. Le président sortant Gotabaya Rajapaksa a également mis en place des réductions importantes d'impôts en 2019 dès son arrivée au pouvoir, ce qui a fortement réduit les recettes publiques. Le gouvernement a depuis dû rétablir ces taxes pour tenter de consolider les finances. Les autorités ont également interdit l'importation d'engrais chimiques étrangers au début de l'année 2021, obligeant les agriculteurs à se tourner vers des engrais organiques d'origine locale. Cette politique, qui visait à économiser des devises étrangères, s'est retournée contre le pays, car elle a eu un impact considérable sur le rendement des cultures et l'a contraint à augmenter ses importations de produits alimentaires, aggravant ainsi le problème de balance des paiements.

Le gouvernement sri-lankais cherche maintenant à obtenir l'aide du Fonds monétaire international et d'autres pays pour tenter de surmonter la crise. Toutefois, les prêts accordés seront probablement assortis de conditions strictes et le pays devra passer par une période d'austérité et de rigueur. Le Sri Lanka a été le premier pays en développement à être frappé par la crise. Il faut espérer que le récent pic et le recul du dollar, ainsi qu'un éventuel relâchement des pressions inflationnistes, apporteront un certain soulagement aux économies émergentes assiégées et empêcheront d'autres pays de tomber.

A lire aussi...