Pourquoi la Chine applique-t-elle une politique de «zéro Covid»?

Daryl Liew, Reyl Singapore

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Selon certaines estimations, la Chine pourrait être touchée par plus d'un million de décès si elle laisse le variant Omicron se propager dans la communauté.

Une grande partie du monde se prépare désormais à vivre avec la pandémie et ouvre à nouveau progressivement les frontières. La Chine reste cependant une exception notable et s'en tient résolument à sa politique de «zéro Covid». Les dirigeants chinois ont réaffirmé leur position lors de la réunion du Politburo en avril, déclarant qu'ils continueraient à donner la priorité à la neutralisation du virus par le biais d'une stratégie d'élimination dynamique reposant sur des politiques strictes pour stopper les transmissions.

La politique chinoise en matière de Covid est probablement fortement influencée par l'expérience de Hong Kong face à la vague Omicron, qui a fait son apparition sur le territoire en janvier 2022 avant d’atteindre un pic début mars. Cette vague d'infections a entraîné près de 8000 décès avec un taux de mortalité de 37,7 par million d'habitants, l'un des taux les plus élevés enregistrés dans le monde durant la pandémie. Ce taux de mortalité élevé semble toutefois surprenant, compte tenu du niveau relativement important des services de santé à Hong Kong. Une étude détaillée publiée dans le Morbidity and Mortality Weekly Report a révélé que l’écrasante majorité des décès concernait des personnes âgées de plus de 60 ans, dont la plupart n'étaient pas vaccinées.

 Plus de 600 entreprises de Shanghai ont été autorisées à redémarrer leurs activités en circuit fermé afin d'atténuer les perturbations de la chaîne d'approvisionnement.

Un autre facteur souvent évoqué est l'efficacité discutable des vaccins fabriqués en Chine. Un récent document de recherche de l'Université de Hong Kong a conclu que trois doses de vaccins nationaux (Sinovac) sont nécessaires pour obtenir un niveau de protection similaire à celui de deux doses de vaccins MRNA occidentaux (BionTech/Pfizer). Le problème pour la Chine est que, selon les rapports, seuls 20% des Chinois âgés de 80 ans et plus ont reçu trois doses du vaccin, ce qui rend la Chine plus vulnérable face à un accroissement des décès dus à Omicron. Selon certaines estimations, la Chine pourrait être touchée par plus d'un million de décès si elle laisse le variant Omicron, hautement transmissible, se propager dans la communauté. Cela explique donc pourquoi la Chine s'en tient à sa politique stricte en matière de Covid, qui vise à gagner du temps pour permettre aux personnes les plus vulnérables d’être correctement vaccinées.  

Le gouvernement reconnaît toutefois l'impact important de cette politique de «zéro Covid» sur l'économie. En effet, les données PMI – Purchasing Manager Index – d'avril n'ont pas répondu aux attentes, tombant à leur plus bas niveau depuis février 2020, soit au début de la pandémie – le PMI manufacturier officiel s'est établi à 47,4, le PMI non manufacturier officiel à 41,9, tandis que le PMI manufacturier Caixin est tombé à 46, tous en territoire de contraction. Les indices de mobilité dans les villes fermées, telles que Shanghai, ont montré une amélioration progressive avec la baisse des taux d'infection. Plus de 600 entreprises de Shanghai ont également été autorisées à redémarrer leurs activités en circuit fermé afin d'atténuer les perturbations de la chaîne d'approvisionnement.

Si Omicron s'est avéré beaucoup plus difficile à maîtriser, tout porte à croire que la vague passera avec le temps et que les mesures restrictives pourront finalement être allégées, ce qui devrait entraîner une amélioration de l'activité commerciale. La détérioration de la croissance économique chinoise au deuxième trimestre devrait toutefois être importante, ce qui rend d'autant moins probable la réalisation de l'objectif de croissance du PIB de 5,5% pour 2022. Le Politburo n'a cependant pas perdu espoir et a appelé les fonctionnaires à poursuivre leurs efforts afin d’atteindre cet objectif. Il faut donc s'attendre à davantage de mesures de soutien, tant fiscales que monétaires, une fois que la vague actuelle d'infections sera passée, le second trimestre devant correspondre au creux de la vague de ralentissement en Chine.

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