Selon le directeur d’UBS hier au Salon Finanz’23, la reprise de Credit Suisse, qui doit être finalisée d’ici début juin, est un projet complexe mais qui offre aussi des opportunités.
C’est devant une salle comble que Sergio Ermotti, qui avait été initialement invité en tant que président du conseil d’administration de Swiss Re, s’est exprimé mercredi dans le cadre de Finanz’23, un salon dédié au secteur de la finance qui se tient jusqu’à jeudi à Zurich. C’était du reste la première fois que le nouveau directeur d’UBS s’exprimait lors d’une telle conférence depuis qu’il a repris les rênes de la première banque helvétique, n’a pas manqué de souligner Dirk Schütz, rédacteur en chef du magazine Bilanz qui animait l’entretien. L’ancien et nouveau directeur d’UBS en a profité pour revenir sur les conditions du rachat de Credit Suisse en mars et pour présenter sa vision pour la place financière helvétique.
Pour Sergio Ermotti, il apparaissait clairement, même avant l’accélération des événements qui ont conduit au rachat de la deuxième banque helvétique en mars, que Credit Suisse ne parviendrait pas à redevenir profitable sur la durée. «En dépit d’une solide base en capital, il était clair que les choses allaient devenir très difficiles pour Credit Suisse. Sans la confiance des clients et sans rentabilité, la situation devient dangereuse pour une banque», a-t-il rappelé.
Hormis une reprise de Credit Suisse par UBS, les autres solutions évoquées présentaient toutes d’importants inconvénients, a-t-il poursuivi. Un démantèlement de Credit Suisse, effectué d’après les règles s’appliquant aux banques trop grandes pour faire faillite aurait entraîné une longue phase d’incertitude. Une nationalisation de la banque aurait, elle, impliqué des risques trop importants pour les contribuables. C’est pourquoi, la solution privée, soit celle qui a été retenue en l’occurrence, a été préférable à une solution étatique, a-t-il estimé.
Quand le rachat de Credit Suisse par UBS sera-t-il effectif? A ce sujet, Sergio Ermotti a indiqué que la reprise de Credit Suisse devrait être finalisée d’ici «fin mai ou début juin», sous réserve de l’approbation des différentes autorités de surveillance, notamment aux Etats-Unis et en Europe. S’agissant spécifiquement des activités suisses de Credit Suisse, le directeur d’UBS est restée assez évasif à ce sujet, se limitant à préciser que toutes les options sont évaluées. Questionné au sujet du degré de difficulté de la transaction, Sergio Ermotti a estimé qu’il s’agit certes d’une «fusion complexe» mais qu’elle offre aussi des opportunités.
Quant aux conséquences que cette fusion aura sur l’emploi, Sergio Ermotti s’est voulu rassurant: «Nous avons plutôt besoin de davantage de personnel que de moins de personnel». L’occasion de préciser que l’évolution démographique se traduira par le départ à la retraite de nombreuses personnes actives au cours des prochaines années – y compris lui-même, n’a-t-il pas manqué de souligner avec un brin d’ironie. Quant au nombre de postes qui seront supprimés, le directeur d’UBS a refusé de commenter les chiffres qui ont été parfois avancés au cours des dernières semaines. Il a aussi relativisé le nombre de licenciements qui devraient être prononcés, compte tenu des fluctuations naturelles au sein de la banque. D’autre part, les licenciements seront accompagnés par un «bon plan social», a-t-il assuré.
En dehors des aspects purement opérationnels liés à la reprise de Credit Suisse, Sergio Ermotti s’est efforcé de relativiser la place qu’occupera la nouvelle UBS sur le marché suisse. Selon lui, «la concurrence reste forte dans le secteur bancaire en Suisse», lequel compte toujours environ 250 établissements, a-t-il rappelé. Il cite à titre le fait que les banques cantonales devancent les grandes banques sur le marché hypothécaire. De même, le groupe Raiffeisen compte à lui seul deux fois plus de filiales à travers le pays que les deux grandes banques réunies.
Au sujet des mesures qui sont réclamées par différents intervenants en Suisse pour mieux encadrer les activités des grandes banques à l’avenir, Sergio Ermotti a plaidé en faveur de débats objectifs. «La discussion doit être basée sur les faits, non pas sur les émotions, ni sur la nostalgie, un sentiment qui peut être dangereux», a-t-il estimé.
Il n’est pas non plus convaincu de la nécessité de renforcer encore davantage les exigences de fonds propres des banques en Suisse. «Avoir davantage de fonds propres ou de liquidités n’aurait pas aidé dans une situation telle que celle de Credit Suisse », a-t-il argumenté.
L’importance grandissant des réseaux sociaux et leur influence sur les marchés financiers sont-ils des facteurs de risque à prendre au sérieux à l’avenir? C’est une évolution à laquelle il faut être attentive, juge-t-il. Auparavant, en cas de «run bancaire», seules quelques personnes avaient la possibilité de réagir immédiatement. «Maintenant, au moindre doute, les gens pressent «Enter», «Go» et «Transfer», puis c’est seulement ensuite qu’ils commencent à écouter», a-t-il mis en perspective.