Se positionner dans l’optique d’une baisse de taux

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

3 minutes de lecture

Il y a dix jours, les chiffres de l’emploi meilleurs que prévu en septembre ont entraîné un regain d’optimisme sur les marchés.

© Keystone

 

Cela tranche avec l’aversion au risque qui l’avait emporté précédemment en raison de l’offensive terrestre d’Israël au Liban contre le Hezbollah, à laquelle l’Iran a riposté en lançant des missiles contre l’Etat hébreu.

En route vers une récession?

Tout d’abord, il faut rappeler que la crainte d’une flambée du taux de chômage a atteint son paroxysme à la suite de la publication des chiffres de l’emploi salarié de juillet, qui ont montré que le taux de chômage avait atteint 4,3%, contre 4,1% en juin. Un an auparavant, seulement 3,5% des Américains étaient au chômage.

De quoi alimenter les conversations anxieuses sur la règle de Sahm, qui veut que les Etats-Unis se dirigent vers une récession lorsque la moyenne du taux de chômage au cours des trois derniers mois dépasse de 0,5 point de pourcentage son plus bas niveau des douze derniers mois.

Toutefois, le rapport sur l’emploi de septembre a dissipé cette inquiétude pour le moment. Le taux de chômage est tombé à 4,1%, contre 4,2% en août alors que le consensus s’attendait à une stabilité.

La résilience des ménages

Le même rapport a fait état de 254'000 créations nettes d’emplois aux Etats-Unis, soit nettement plus que les 150 000 postes prévus par le consensus. Il s’agit d’ailleurs de la plus forte augmentation mensuelle depuis janvier. Les créations d’emplois lors des deux mois précédents ont été revues à la hausse (+72'000 au total). Le salaire horaire moyen a augmenté de 0,4% en glissement mensuel alors que le consensus s’attendait à une hausse de 0,3%. En glissement annuel, il est en hausse de 4%, contre 3,8% le mois précédent.

Dans l’ensemble, la poursuite des créations d’emplois et la progression substantielle des salaires devraient renforcer la confiance quant à l’évolution des dépenses de consommation. La résilience des ménages a permis à l’économie américaine d’éviter la récession. Cette résilience est soutenue par les créations d’emplois et par les hausses de salaires, qui se sont avérées plus élevées que prévu en septembre.

Toutefois, si l’amélioration des chiffres de l’emploi aux Etats-Unis (conjuguée au redressement de l’indice ISM des services) conforte sans doute le scénario d’un atterrissage en douceur, les données économiques américaines ne sont pas bonnes au point d’empêcher la Réserve fédérale américaine (Fed) de continuer à apporter sa pierre au cycle mondial de réduction des taux directeurs.

Ralentissement de l’inflation

Les chiffres de l’inflation n’empêchent probablement guère la Fed de procéder à de nouvelles baisses de taux pour stimuler la croissance de l’économie américaine. Le dernier indice des dépenses de consommation personnelles (le baromètre de l’inflation préféré de la Fed) a mis en évidence un ralentissement de l’inflation annuelle à 2,2% en août, au plus bas depuis février 2021.

L’indice des prix à la consommation (IPC) pour le même mois était moins rassurant. Il faut dire qu’il tient davantage compte de l’équivalent loyer des propriétaires immobiliers, qui reste plus élevé que prévu malgré des signes tangibles de modération de la hausse des loyers.

Se préparer à des remous sur les marchés

Ainsi, compte tenu des tensions géopolitiques persistantes et d’une probable accentuation de la volatilité à l’approche de la présidentielle américaine, qui s’annonce très serrée, les investisseurs devraient se préparer à des remous sur les marchés et à la baisse des taux d’intérêt, les banques centrales ajustant leur politique monétaire à un environnement de croissance et d’inflation plus faibles.

En raison du ralentissement de l’inflation aux Etats-Unis, la Recherche d’UBS prévoit une baisse cumulée de 50 points de base (pb) des taux de la Fed lors de ses deux dernières réunions de l’année 2024, puis un assouplissement supplémentaire de 100 pb en 2025.

Le rythme de cet assouplissement peut changer si la décrue de l’inflation est enrayée ou si le marché de l’emploi reste dynamique. Mais ce n’est pas le scénario privilégié.

Du côté des obligations…

Par conséquent, les investisseurs seraient bien avisés de se positionner dans l’optique d’une baisse des taux d’intérêt. Avec la poursuite de la baisse des taux directeurs à travers le monde, le rendement des liquidités, des fonds monétaires et des dépôts à terme arrivant à échéance est appelé à diminuer.

Les portefeuilles d’obligations à échéances échelonnées, les obligations investment grade à moyen terme, les stratégies obligataires diversifiées et les stratégies sur actions axées sur les valeurs de rendement peuvent contribuer à maintenir le niveau de revenu d’un portefeuille en dépit de la baisse des taux directeurs. On privilégiera les obligations avec une échéance comprise entre un et dix ans, ainsi qu’avec une duration moyenne de cinq ans à l’échelle du portefeuille.

… et de celui des actions

S’agissant des actions, la saison des résultats du troisième trimestre n’est plus très loin. Le scénario de base de la Recherche d’UBS est que l’atterrissage en douceur de l’économie américaine, conjugué à la baisse des taux de la Fed, aidera l’indice S&P 500 à atteindre environ 5900 points d’ici la fin de l’année et 6200 points d’ici le milieu de l’année prochaine.

Dans ce contexte, les investisseurs devraient continuer à saisir les opportunités dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA). Les difficultés sur le front de la croissance et les tensions géopolitiques peuvent alimenter la volatilité des valeurs technologiques. Mais cela ne devrait pas empêcher l’IA de jouer un rôle déterminant dans la performance des marchés dans les années à venir.

Les investisseurs désireux d’accroître leur exposition à l’IA peuvent se servir de la volatilité pour réaliser des achats à bon compte, par exemple au moyen de stratégies sur produits structurés. Dans le secteur technologique, on privilégiera les fabricants de semi-conducteurs destinés à l’IA, les géants américains et certains leaders chinois de l’Internet. Les stratégies de préservation du capital peuvent couvrir les positions existantes contre les fluctuations du marché.

On appréciera également les valeurs de croissance de qualité alors que la fin de l’année s’annonce plus agitée. Alors que les risques macroéconomiques et géopolitiques sont plus que jamais présents, on préférera les entreprises de qualité, c’est-à-dire celles qui présentent un bilan sain et qui disposent de marques uniques, ainsi que d’un avantage concurrentiel durable pouvant alimenter une croissance régulière des bénéfices tout au long du cycle.

Depuis 1992, ces actions (indice MSCI ACWI Quality) ont surperformé les actions mondiales de 9% en rythme annualisé lors des récessions. La Recherche d’UBS a identifié de telles valeurs dans les secteurs de la technologie, de la consommation et de la santé, dans le domaine de la transition énergétique et au Japon.

Dépréciation du dollar en vue

Enfin, les investisseurs auraient tort de considérer que la récente vigueur du dollar américain est appelée à durer. Le dollar devrait se déprécier en raison de la baisse des taux, du ralentissement de la croissance et de l’aggravation du déficit budgétaire. Les investisseurs feraient bien de réduire encore leur exposition au dollar, y compris au moyen d’actifs servant de couverture, de se diversifier à l’échelle internationale ou de recourir à des options (tout en étant conscients des risques spécifiques qu’elles comportent).

On table sur une appréciation du franc suisse car la Banque nationale suisse achèvera probablement son cycle d’assouplissement monétaire avant les autres grandes banques centrales. Les investisseurs qui ont emprunté en francs peuvent envisager de se couvrir contre l’appréciation de cette monnaie. L’or devrait encore grimper en raison de la demande accrue des banques centrales et des investisseurs, de la baisse des taux d’intérêt et d’une rechute du dollar.

A lire aussi...