Plan de relance en Chine: quels sont les effets?

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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La croissance économique ralentit ces derniers temps en Chine, où la pression déflationniste s’accentue. Décryptage.

© Keystone

 

Le marché immobilier du pays reste englué dans la spirale baissière amorcée en 2021. Les mesures prises jusqu’ici par le gouvernement n’ont pas suffi à briser le cercle vicieux car elles étaient trop timorées et leur mise en œuvre s’est heurtée à des difficultés.

Et si la donne était sur le point de changer? 

Récemment, les dirigeants chinois ont promis d’augmenter les «dépenses budgétaires nécessaires» pour atteindre leur objectif de croissance économique de 5%. Il s’agit du signal le plus clair à ce jour d’un «vigoureux» effort de relance économique. 

Le compte-rendu de la réunion du Politburo (Bureau politique du Comité central du parti communiste soviétique) publié par les organes de presse d’Etat mentionne «de nouvelles situations et de nouveaux problèmes» qui nécessitent une réponse immédiate. Les membres du Politburo ont également réaffirmé leur détermination à stabiliser le marché de l’immobilier. 

Avant cela, la banque centrale chinoise avait annoncé des mesures de relance monétaire plus importantes que prévu, notamment une baisse de ses taux d’intérêt et du coefficient de réserves obligatoires des banques, ainsi qu’un certain assouplissement des règles relatives aux prêts hypothécaires.

La vive réaction des marchés à ces nouvelles souligne l’importance du changement d’ambiance. Il y a dix jours, l’indice CSI 300 (représentatif des actions de Chine continentale) a bondi de 15,7%, tandis que le Hang Seng (l’indice phare des sociétés cotées à Hong Kong) a grimpé de 13%, sa meilleure performance hebdomadaire depuis 1998. Par la suite, le CSI 300 s’est encore adjugé 7,2% et le Hang Seng 3,5%.

Il y a des raisons d’être optimiste. Reste à savoir si cela changera la donne pour la Chine. Cela dépendra, sans doute, de l’ampleur du nouveau plan de relance budgétaire et de sa bonne mise en œuvre. Explication en trois points.

  1. Les responsables politiques s’enhardissent…

Les baisses de taux d’intérêt annoncées ont été plus marquées que ne le prévoyait le consensus. Le dernier assouplissement d’une telle ampleur remonte d’ailleurs à 2012. L’annonce de la relance monétaire a été suivie par la promesse d’une politique plus favorable à la croissance. 

Au cours de la réunion du Politburo de septembre, les dirigeants chinois ont souligné la nécessité d’«enrayer le déclin du marché immobilier». Le détail des nouvelles mesures en faveur du marché immobilier reste à préciser mais le message du Politburo laisse entrevoir une intervention plus résolue. 

La banque centrale chinoise a déclaré qu’elle réduirait d’ici au 31 octobre les taux de crédit hypothécaire pour les prêts immobiliers existants. Outre le soutien à l’économie, le gouvernement vient également au chevet des marchés de capitaux. Il a annoncé une facilité de swap de 500 milliards de yuan (CNY) qui permettra aux maisons de courtage, aux fonds et aux compagnies d’assurance d’obtenir des liquidités pour acheter des actions.

  1. ...mais il en faudra probablement plus pour entretenir le rebond des actions 

Les investisseurs qui envisagent de s’exposer à la Chine doivent également avoir conscience du fait que la portée, l’importance et la mise en œuvre des mesures de relance restent incertaines et qu’un redressement fondamental de la croissance nécessitera probablement un nouveau coup de pouce au marché immobilier. 

Les rebonds antérieurs des actions chinoises, comme celui intervenu en mai dernier, se sont étiolés lorsqu’il est apparu que les mesures de relance ou les changements de politique n’étaient pas à la hauteur des promesses initiales. 

Cette fois-ci, l’optimisme tient en partie aux nouvelles mesures budgétaires et monétaires significatives anticipées, notamment une baisse de 50 à 100 points de base (pb) du coefficient de réserves obligatoires des banques et une baisse de 20 à 50 pb des taux directeurs d’ici la fin du premier semestre 2025. 

La Recherche d’UBS prévoit également plusieurs salves de mesures de relance budgétaire pour un montant total de 2000 à 5000 milliards de CNY, axées sur le logement abordable et sur la protection sociale. Un effort de relance suffisant pourrait permettre à Pékin de tenir son objectif de croissance du PIB de 5% cette année et dans les années à venir.

  1. La peur de passer à côté de quelque chose n’est pas une stratégie d’investissement 

Le rebond éclair des actions chinoises a attiré l’attention du monde entier et pousse de nombreux investisseurs à revoir leurs sombres prévisions pour la Chine. Ce train de mesures de relance est susceptible de changer la donne. 

Dans le même temps, la rapidité et l’ampleur du rebond initial suggèrent un événement significatif de «rachats de shorts» à l’échelle mondiale sur ce qui est, en définitive, une composante relativement modeste du marché mondial des actions. En outre, les marchés émergents sous-performent les marchés développés en termes de rendement total depuis le début de l’année (données arrêtées au vendredi 27 septembre). L’écart est d’ailleurs significatif sur ces dernières années. 

En lançant son plan de relance maintenant, il se peut que la Chine cherche à prévenir les risques liés à la présidentielle américaine. Toutefois, son économie reste confrontée à la menace bien réelle de droits de douane très conséquents sur ses exportations en cas de retour de Donald Trump à la Maison Blanche ou d’un durcissement par Kamala Harris des restrictions à l’exportation de technologies au nom de la sécurité nationale adoptées par l’administration Biden.

La détermination des dirigeants chinois

Dans l’ensemble, la Recherche d’UBS est plus optimiste qu’il y a dix jours eu égard à la meilleure coordination des politiques et à la détermination affichée par les dirigeants chinois. Néanmoins, la trajectoire à venir dépendra probablement du niveau relatif de soutien budgétaire, de la mise en œuvre des politiques et du volume de transactions sur le marché des capitaux. 

Au quatrième trimestre, les actions chinoises pourraient grappiller encore quelques points de pourcentage et se montrer volatiles à la veille de la présidentielle américaine. Par la suite, sous réserve de la politique commerciale de la nouvelle administration américaine, on envisage une hausse légèrement inférieure à 10% en 2025.

Privilégier la croissance

On recommandera aux investisseurs qui s’intéressent aux actions chinoises de privilégier l’exposition à la croissance par le biais des grands noms de l’Internet et de la consommation. Les dernières publications de résultats ont mis en évidence une nette amélioration des marges des plateformes phares de l’Internet, qui ne devrait pas s’arrêter là. Si la consommation commence à se redresser grâce au plan de relance, cela devrait également se traduire par une hausse du chiffre d’affaires pour les grands noms de ce secteur. 

Pour tenir compte des risques persistants, notamment ceux d’ordre géopolitique, la Recherche d’UBS maintient également une certaine exposition aux valeurs défensives à haut rendement dans les secteurs des télécommunications, de l’énergie, des services aux collectivités et des services financiers, en mettant l’accent sur les entreprises aux mains de l’Etat. 

En dehors de la Chine

En dehors des actions chinoises, certains segments d’actions de qualité sensibles à la croissance et à la consommation en Chine devraient également profiter des mesures de relance et de facteurs porteurs spécifiques. Il s’agit, entre autres, des compagnies minières diversifiées et des valeurs de la consommation australiennes, des géants technologiques d’Asie du Nord et des valeurs européennes du luxe. 

Dans les portefeuilles obligataires asiatiques, on recommandera aux investisseurs de délaisser les emprunts d’Etat chinois au profit d’autres obligations asiatiques de qualité libellées en monnaie locale et de couvrir également l’exposition au yuan chinois à l’approche de la présidentielle américaine. 

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