Après un premier semestre difficile pour les caisses de pension, Nicolas Marmagne, de XO Investments analyse les tendances de fond.
Les caisses de pension souffrent cette année. Au premier semestre, le rendement s’élève à -9,9% pour le XO PFR, -9,5% pour l’indice Credit Suisse et -8,9% pour l’indice UBS.
Les différences de méthodologies expliquent une partie des écarts de rendement. On notera qu’UBS pondère les rendements en fonction de la taille des institutions alors que Credit Suisse et XO Investments équipondèrent les caisses de pension. Le XO Pension Fund Ranking (XO PFR), développé par XO Investments, avance l’atout de l’indépendance par rapport aux indices d’UBS, Credit Suisse, Swisscanto et aux statistiques des autorités par une analyse, avance Nicolas Marmagne, associé et directeur général de XO Investments, à Neuchâtel. Les grandes banques s’appuient sur les institutions qui sont présentes dans leurs dépôts (custody) alors que le XO PFR n’a pas ce type de biais. L’échantillon de XO est représentatif puisqu’il couvre plus de la moitié de la fortune du marché avec des institutions allant de 100 millions de francs à 40 milliards de francs. La conclusion est la même: le premier semestre a effacé les gains de l’an dernier (+8,4% selon l’indice XO).
L’intérêt du XO PFR se situe ailleurs: «Nous avions créé notre indice pour obtenir une plus grande granularité: nous pouvons ainsi mieux analyser la dispersion des performances et des allocations, par exemple en tenant compte des caractéristiques des caisses (collectives ou autonomes, publiques ou privées, …)», indique Nicolas Marmagne. Il est ainsi possible de constater cette année un écart considérable de 400 points de base entre le meilleur du classement (performance de -3,7%) et le second. XO Investments ne communique pas les noms des institutions, mais les trois premiers du classement sont des fondations collectives et le 4e est une caisse publique.
Nicolas Marmagne n’observe pas de persistance des performances au sein des meilleurs ou des moins bonnes caisses de pension. Cela dépend beaucoup de l’allocation aux actifs illiquides tels que l’immobilier en direct, ajoute-t-il. Certaines institutions n’utilisent que des fonds de placement et d’autres uniquement l’immobilier en direct. L’indice CS comprend par exemple une grande part de caisses de pension ayant de l’immobilier en direct. Ce dernier est valorisé différemment et les performances en deviennent plus stables, ce qui est un atout en 2022 après avoir été un frein ces dernières années.
Cette année, les performances de toutes les classes d’actifs sont négatives si bien que les différences d’allocation jouent un rôle modeste dans le rendement, selon XO. Mais la part des obligations, tant en francs qu’en monnaies étrangères, est en baisse dans le cadre d’une tendance qui peut être observée depuis plusieurs années. A l’inverse, la part des actions est en augmentation, comme celles de l’immobilier et des investissements alternatifs.
La part des obligations en francs est passée de 17,7% en 2021 à 16,9% à fin juin, celle en monnaies étrangères de 12,2% à 12,1%. Au premier semestre, XO Investments indique que la contribution à la performance a été de -1,8% pour les premières et de -1,2% pour les secondes. Près du tiers des pertes du premier semestre est donc à mettre au compte des obligations.
Une forme de persistance existe au sein des caisses de pension, mais moins sur la performance que sur le niveau du risque. Les institutions les plus risquées ont tendance à le demeurer dans la durée, selon XO. En 2022, il n’y a pas de modification significative à ce sujet. Mais le risque s’est accru dans les portefeuilles du fait de la volatilité accrue au premier semestre, et non d’éventuelles modifications de l’allocation.
Durant les huit premiers mois, les caisses de pension sont restées «sereines. Elles sortent de très bonnes années et disposent de réserves confortables», juge Nicolas Marmagne. Elles n’ont pas beaucoup ajusté les classes d’actifs ni le contenu de celles-ci pour le moment.
Il est possible que des changements interviennent en fin d’année car les institutions ont profité de cette phase de changement pour mener plusieurs réflexions. Celles-ci portent sur le rôle des obligations compte tenu de la hausse des taux d’intérêt à long terme, la complexité du portefeuille et sur la diversification.
L’introduction des infrastructures comme classe d’actifs à part entière au sein de l’OPP2 suscite aussi de nombreux débats dans la branche. La difficulté tient à la mise à disposition des outils nécessaires, c’est-à-dire des fonds de placement. La balle est donc dans le camp des prestataires de services, selon Nicolas Marmagne.
L’inflation n’a toutefois pas provoqué un chamboulement des allocations et n’a pas conduit à l’établissement de protections spécifiques, révèle Nicolas Marmagne. Peu d’institutions détenaient des matières premières et l’allocation aux prêts à taux variables est généralement faible. Ce genre de discussion pourrait émerger au début de 2023 avec des demandes accrues des retraités pour une augmentation des rentes à l’inflation. Ces réflexions pourraient se traduire par des changements d’allocation stratégique.
Les caisses de pension suisses ont toutefois l’avantage d’investir sur un marché soumis à un plus bas niveau d’inflation que d’autres pays européens.
Pour l’instant, XO Investments s’attend à court terme à un rééquilibrage des portefeuilles après la baisse des marchés, avec une tendance à l’augmentation de la part des infrastructures, au bénéfice d’engagements à 30 ou 40 ans avec des rendements stables.
La problématique d’un changement de régime de taux d’intérêt se pose surtout en début de cycle, note XO Investments. L’impact du passage de taux négatifs à un rendement de 1% est violent sur la performance. Mais dans une deuxième étape, la hausse des taux offre une opportunité, notamment sur le segment des obligations d’entreprises.
Il importe aussi de considérer cet impact sur le passif des caisses de pension. En effet, il en résulte une baisse de valeur des engagements à travers une hausse du taux technique, surtout pour les institutions qui emploient les normes comptables IFRS. Le solde de cet impact sur l’actif et le passif devrait être négatif, à travers une réduction du taux de couverture.