Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, est la femme politique américaine la plus haut placée à avoir visité le territoire depuis plus de vingt ans, et ce, malgré les avertissements de la Chine, qui a qualifié cette visite de violation de la politique d’une seule Chine.

La Chine a immédiatement réagi en annonçant une série d’exercices militaires et de tests de missiles à proximité des frontières de Taïwan. Elle a également imposé des restrictions économiques à Taïwan, interdisant l’importation d’agrumes taïwanais, de deux espèces de poissons et d’autres produits alimentaires, et prohibant l’exportation vers Taïwan de sable utilisé dans l’industrie de la construction et dans la production de semi-conducteurs.

Les indices boursiers chinois et taïwanais, qui avaient perdu du terrain avant la visite de Nancy Pelosi, se sont stabilisés dans les jours qui ont suivi, ce qui indique que les mesures de rétorsion annoncées jusqu’à présent ont peu inquiété le marché. La réaction mesurée de la Chine s'explique peut-être par le fait que cette question ait été abordée lors du récent appel entre le président Biden et le président Xi. Si le président Biden n'a pas empêché Nancy Pelosi de se rendre à Taïwan, il n'a pas non plus approuvé ce voyage, affirmant que les conseillers américains en matière de sécurité s'y opposaient. Il reste à voir si la Chine accepte cet argument et si elle annoncera d'autres mesures de représailles.

Si la visite de Nancy Pelosi a assurément ravivé les tensions, d'autres signes de friction croissante entre les Etats-Unis et la Chine ont été observés ces dernières semaines. La question de savoir si les entreprises chinoises peuvent conserver leurs cotations en bourse aux Etats-Unis est toujours en suspens, les responsables américains et chinois n’ayant pas réussi à trouver un accord sur les audits transfrontaliers des entreprises chinoises. Le 29 juillet, Alibaba, le géant chinois de la technologie, a été la dernière entreprise ajoutée à la liste des sociétés menacées de radiation par la SEC.

La bataille pour la suprématie technologique semble également s'intensifier, selon des informations qui indiquent que le ministère américain du commerce cherche à imposer à la Chine de nouvelles restrictions à l'accès aux technologies. Le Département du commerce (DOC) aurait informé les fournisseurs américains de semi-conducteurs qu'ils devaient cesser d'envoyer des équipements en Chine pour la fabrication de puces moins avancées de inférieures à 14 nm. Cette décision intervient après que des législateurs américains aient fait pression sur le leader néerlandais des équipements technologiques ASML pour qu'il cesse de vendre des machines de lithographie DUV à la Chine. ASML s'y oppose, arguant que les machines DUV (à contrario de la technologie EUV plus avancée d'ASML, dont la vente à la Chine est actuellement interdite) sont des technologies matures utilisées principalement pour produire des puces destinées à des applications commerciales, et non des équipements militaires avancés. Par ailleurs, ces restrictions pourraient potentiellement amplifier la pénurie mondiale de puces et perturber les chaînes d'approvisionnement.

La dégradation des relations entre les Etats-Unis et la Chine signifie probablement que la réduction partielle des droits de douane envisagée ne se concrétisera pas. La persistance d'une inflation élevée aux Etats-Unis avait précédemment suscité des discussions sur la suppression d'une partie des droits de douane sur les produits chinois, afin d'atténuer la pression sur les prix. Il y a peu de chances que cela se concrétise, car cela serait perçu comme une attitude indulgente envers la Chine. Quoi qu'il en soit, avec les élections de mi-mandat aux Etats-Unis et le 20^e Congrès du Parti national chinois qui se profilent à la fin de l'année, il faut s'attendre à davantage de beaux discours dans les mois à venir, les politiciens des deux pays maintenant une position ferme devant leurs électeurs.