Quelles seraient les conséquences économiques d’un shutdown aux Etats-Unis?

Eric Dor, IESEG School of Management

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La paralysie de l’Etat fédéral déprimerait la confiance des consommateurs, des gestionnaires d’entreprises et des investisseurs. Mais elle aurait aussi des retombées internationales.

Le gouvernement des Etats-Unis est à nouveau sous pression. En l'absence du vote de 12 lois de crédit ou d'une nouvelle résolution de continuité d'ici ce vendredi 17 novembre à minuit, les Etats-Unis seront confrontés à un shutdown d’une durée indéterminée. C'est l'arrêt de la production de la partie inessentielle des services publics dont les dépenses sont discrétionnaires, avec mise en congé des fonctionnaires concernés sans salaires. La production des services publics dont les dépenses sont discrétionnaires mais qui sont considérés comme essentiels continue, les fonctionnaires affectés doivent travailler, mais sans recevoir leurs salaires. C'est après le shutdown que tous ces fonctionnaires, qu'ils aient été en congé ou aient travaillé, récupèrent les salaires dus. Le shutdown est susceptible d’avoir plusieurs effets sur l'économie des Etats-Unis.

D’abord le shutdown aurait des effets mécaniques directs. La diminution de la production de services publics, et de l'activité des secteurs où la demande baisse à cause de l'érosion de la consommation des fonctionnaires sans salaires, impliqueraient une réduction du produit intérieur brut des Etats-Unis. Pour chaque semaine de shutdown, la baisse estimée du PIB trimestriel réel, par rapport à son niveau normal, est ainsi comprise entre 0,1% et 0,3%. Un gros mois de shutdown réduirait donc le PIB trimestriel réel de 0,5% à 1,5%. Cette estimation augmenterait avec la durée du shutdown. Il y aurait bien sûr ensuite, lors de la reprise normale du fonctionnement des administrations publiques, une certaine compensation partielle puisque les salaires dus seraient alors versés avec retard aux fonctionnaires, et leurs permettraient de réaliser une partie des achats qu’ils auraient dû postposer.

Le shutdown impliquerait aussi une suspension des paiements des administrations publiques à leurs fournisseurs. Beaucoup d’entreprises seraient en difficulté et pour certaines, l’emploi pourrait être compromis. Certaines faillites seraient même possibles si le shutdown durait longtemps. Tout cela aggraverait la diminution du produit intérieur brut.

Le shutdown compromettrait la disponibilité d’indicateurs statistiques absolument nécessaires pour guider les investisseurs sur les marchés financiers et la politique monétaire de la Fed.

Ensuite cette situation aurait aussi des effets indirects. Les taux d’intérêt sur les obligations publiques des Etats-Unis augmenteraient, car les investisseurs les considéreraient comme ayant un risque accru. Le shutdown montrerait en effet que la classe politique est trop divisée sur les questions budgétaires. Un shutdown renforcerait donc les craintes d’un défaut des Etats-Unis sur leurs obligations souveraines en 2025, parce qu’un accord sur le relèvement du plafond de la dette serait très difficile à obtenir d’ici décembre 2024. La hausse des taux d’intérêt sur la dette publique pourrait entraîner une hausse généralisée des taux des crédits et en particulier les taux des prêts hypothécaires, aggravant la crise de l’immobilier et donc la contraction du produit intérieur brut.

Des acheteurs immobiliers seraient empêchés d'obtenir leurs prêts à cause de l'indisponibilité de contrats d'assurance contre les inondations fournis par une administration publique. Cela déprimerait encore davantage le marché immobilier, et aggraverait l’impact négatif sur le produit intérieur brut.

Le shutdown compromettrait la disponibilité d’indicateurs statistiques absolument nécessaires pour guider les investisseurs sur les marchés financiers et la politique monétaire de la Fed. Une grande partie des statistiques est en effet produite par des organismes publics dont l’activité serait en pause, comme le Bureau of Labor Statistics ou le Census Bureau.

Les cours boursiers pourraient diminuer à cause de la hausse des taux d’intérêt, de la baisse d’activité et de l’opacité statistique induites par le shutdown.

La dégradation des perspectives de l’économie des Etats-Unis, due au shutdown, pourrait entraîner une dépréciation du dollar.

Le shutdown déprimerait la confiance des consommateurs, des gestionnaires d’entreprises et des investisseurs. La demande globale serait donc réduite.

Un shutdown aux Etats-Unis aurait aussi des conséquences internationales. La diminution d’activité aux Etats-Unis, même légère, entraînerait de moindres importations américaines qui affecteraient le produit intérieur brut d'autres pays. La hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis impliquerait une augmentation des taux ailleurs dans le monde. En Europe par exemple, cela pourrait déprimer les marchés boursiers, augmenter les charges de financement des déficits publics, et réduire la demande globale à cause de la hausse du coût du crédit. La hausse des taux augmenterait les risques de défaut d’agents surendettés, et donc de crise financière. Comme l’absence d’accord budgétaire compromettrait le financement du soutien des Etats-Unis à certains pays, les risques d’instabilité géopolitique augmenteraient, ce qui déprimerait l’investissement des entreprises, et intensifierait la décrue de la demande déjà affectée par l’inflation.

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