Le private equity accessible à (presque) tout le monde

Nils Rode, Schroders Capital Management (Switzerland) AG

2 minutes de lecture

Historiquement, le private equity n’était accessible qu’aux grands investisseurs. Ce n’est plus le cas. Qui peut tirer profit de la prime de complexité génère des rendements croissants.

Au cours des dernières décennies, les investisseurs professionnels, tels que les caisses de pension et les compagnies d’assurance, ont investi des sommes considérables dans des participations privées au capital d’entreprises non cotées. Plusieurs raisons ont motivé cette pratique, notamment la diversification par rapport aux classes d’actifs traditionnelles, des trajectoires de bénéfices moins volatiles que dans le «coté», ainsi que des rendements historiques élevés. Aujourd’hui, près de 5’900 gestionnaires de private equity dans le monde ont réalisé plus de 30’000 transactions l’année dernière.

Au regard de son succès, le capital-investissement séduit également les investisseurs privés. Or cette classe d’actifs était jusqu’à présent quasiment inaccessible à ce type d’investisseurs. Ils pouvaient certes acheter des parts de fonds de private equity et les actions de fournisseurs, mais, de par la cotation, ces instruments s’apparentent plutôt à des placements classiques sur les marchés financiers. Les actions de sociétés de private equity sont plus fortement corrélées à l’évolution des marchés financiers que les placements en private equity et les fonds spécialisés typiques, qui s’échangent généralement avec une décote par rapport à la valeur liquidative. Les structures de private equity traditionnelles (notamment via des sociétés en commandite) restaient généralement hors de portée des investisseurs privés compte tenu de barrières à l’entrée très élevées, l’horizon de placement étant fixé à au moins dix ans, mais plutôt 15 ans et le montant d’investissement minimal à plusieurs millions de francs.

Nombre d’investisseurs privés risquent de se demander si la période actuelle est propice au private equity.
La voie royale: les fonds «semi-liquides»

Les fonds semi-liquides offrent une solution intermédiaire, avec un ticket d’entrée nettement moins onéreux – parfois dès 50’000 francs – et un horizon de placement de trois à cinq ans, accessible aux investisseurs qualifiés. En Suisse, les particuliers fortunés sont considérés comme des clients professionnels, et donc comme des investisseurs qualifiés, lorsqu’ils certifient par écrit soit qu’ils disposent des connaissances nécessaires pour comprendre les risques des placements du fait de leur formation personnelle et de leur expérience professionnelle et d’une fortune librement disponible d’au moins 500’000 francs, soit, en l’absence de connaissances financières, d’une fortune de 2 millions de francs dont ils peuvent se dire les propriétaires.

En règle générale, les investisseurs ont la possibilité de sortir des fonds semi-liquides tous les trois mois, dans les limites d’un certain pourcentage de la valeur liquidative. Par ailleurs, les fournisseurs se réservent la plupart du temps un certain délai au cours duquel ils peuvent différer le paiement, et ce afin de protéger les investisseurs. En effet, il s’agit d’éviter ainsi toute vente forcée dans des circonstances inopportunes.

Compte tenu de l’évolution positive des marchés financiers au cours de la dernière décennie, notamment en 2021, nombre d’investisseurs privés risquent de se demander si la période actuelle est propice au private equity. Ils doivent également être nombreux à se poser les questions suivantes: les niveaux de valorisation sont-ils encore raisonnables? Les perspectives de rendement ne devraient pas être revues à la baisse?

D’illiquide à complexe

La prime dite d’illiquidité a longtemps dominé le débat sur les perspectives de rendement du private equity. Pour le dire simplement, les investisseurs sont dédommagés parce qu’ils acceptent de ne pouvoir sortir des fonds qu’à certains moments. Mais le marché continue de croître et de se développer, et la manière d’obtenir des rendements évolue elle aussi. Etant donné que la levée de fonds pour certaines stratégies de private equity est bien supérieure à la tendance à long terme et qu’il y a donc beaucoup de «dry powder» sur le marché, la prime d’illiquidité est soumise à une pression croissante. C’est l’une des raisons pour lesquelles la prime de complexité revêt actuellement une plus grande importance que la prime d’illiquidité.

Les investisseurs qualifiés peuvent désormais accéder aux placements en private equity.

La prime de complexité désigne le rendement excédentaire qui peut être atteint avec le private equity lorsque deux facteurs se conjuguent: premièrement, et ce n’est guère surprenant, il s’agit d’opportunités particulièrement complexes en termes d’accès, de risques et d’opportunités, que l’on trouve généralement dans les segments des petites et moyennes capitalisations du marché. 

Et deuxièmement, les gestionnaires de private equity doivent posséder des compétences hautement spécialisées et savoir les utiliser pour trouver, sélectionner et finalement réaliser des investissements. Ces deux facteurs sont indispensables pour que la prime de complexité joue à plein. Même si la concurrence en matière de transactions dans les secteurs de la santé, de la technologie et des biens de consommation s’est intensifiée à la suite de la pandémie, les opportunités d’investissement intéressantes sont encore nombreuses dans ces secteurs.

Les structures semi-liquides changent la donne: les investisseurs qualifiés peuvent désormais accéder aux placements en private equity, jusqu’à présent l’apanage des investisseurs institutionnels, des family offices et des particuliers très fortunés. Les placements semi-liquides présentent également des avantages pour ces derniers, à commencer par une plus grande flexibilité au sein du portefeuille. Cet élargissement de l’offre devrait permettre à cette classe d’actifs de gagner en maturité ainsi qu’en transparence, et bénéficier d’une plus grande acceptation.

A lire aussi...