Que faire maintenant?

Emmanuel Ferry, Evooq

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Rotation, inflation, et diversification vont dominer ce début d’année. La phase de normalisation est devant nous.

On peut légitimement s’interroger sur la stratégie d’investissement à suivre cette année après une année 2020 si extrême. C’est la première fois dans l’histoire que le S&P500 termine l’année avec une performance à deux chiffres (+18,4%), en ayant connu une perte maximale aussi marquée (-33,8% entre le 19 février et le 23 mars). Cette exception a reposé toutefois sur une forte concentration: d’une part, 60% de la progression provient de trois sociétés (Apple, Amazon et Microsoft), d’autre part, si on retranche les 10 meilleures séances sur 252, le S&P500 est alors en recul de 23,7%.

La crise pandémique a opéré un point de bascule structurant sur trois points: une tendance baissière du dollar, une repentification de la courbe des taux d’intérêt et un retournement des cours des matières premières. L’élargissement aux matières premières du processus de reflation déjà à l’œuvre (monétaire, budgétaire, dollar) garantit un début d’année très favorable au actifs risqués. 2021 devrait connaître une continuité en matière de conditions monétaires ultra-accommodantes avec des politiques monétaires solidement ancrées en territoire accommodant. Les marchés démarrent l’année en régime très risk-on et la liquidité demeure surabondante. 

La rotation actuelle pourrait être plus convaincante que dans le passé.

Le premier trimestre devrait donc être un épisode favorable, dominé par la montée en puissance de la campagne de vaccination. Cela garantit une forte convexité, avec une propension des investisseurs à profiter de possibles phases de repli, déclenchées par les répercussions de la troisième vague de contamination du COVID-19. Les axes d’investissement identifiables sont: l’inflation, la rotation vers les actifs cycliques et value, et un changement de leadership en dehors des actifs US. La rotation actuelle pourrait être plus convaincante que dans le passé, principalement en raison de la remontée des anticipations d’inflation, largement alimentée par l’amorçage d’un cycle haussier sur les matières premières. Les grands gagnants de la réouverture des économies et le retour de la mobilité sont les matières premières, dont l’énergie, et les secteurs cycliques à fort levier opérationnel. Or, ce sont les actifs les moins chers et les moins détenus dans les portefeuilles.

L’alternative démocrate aux Etats-Unis est associée à une reflation plus soutenue, compatible avec une déconnexion entre les Actions et les Obligations d’Etat. La politique économique des Etats-Unis favorisera l’emploi et la relance budgétaire, un mix moins pro-business, qui pourrait continuer à peser sur le dollar à moyen terme. A cet égard, l’or constitue plus que jamais le meilleur diversifiant du risque actions dans un portefeuille diversifié. Les FAANG pourraient souffrir du risque réglementaire. Ce risque politique amplifierait alors la rotation croissance/value déjà enclenchée par le catalyseur de la hausse de l’inflation. Les huit premières sociétés technologiques représentent 10 trillions de dollars de capitalisation, soit 25% du marché américain. Une telle concentration, associée à des valorisations extrêmes dans le segment «croissance» (absolue et relative), constitue une limite physique, qui sera testée cette année. Par ailleurs, la capitalisation boursière des sociétés du secteur de la technologie qui sont en perte représente désormais 1 trillion de dollars. Le précédent point haut était en 2000 à 700 milliards de dollars.

Le retournement du marché du crédit devrait précéder celui des actions.

Qu’est-ce qui pourrait conduire à une révision de ce scénario de marché? Une réduction prématurée des liquidités, un durcissement rapide des conditions de crédit, ou encore une remontée incontrôlée de l’inflation. C’est la raison pour laquelle les signaux avant-coureurs à surveiller sont la performance relative de la dette High Yield par rapport au Russell 2000, la volatilité et les anticipations d’inflation. Les swap d’inflation à 5 ans dans 5 ans affichent déjà un taux de 2,4%. Un taux de 3% pourrait conduire à réexaminer l’ancrage des taux directeurs, dans une hypothèse de sortie complète de la pandémie. Le retournement du marché du crédit devrait précéder celui des actions. Enfin, les valorisations records des marchés actions deviennent toxiques en cas de forte remontée de la volatilité et/ou d’un durcissement brutal des conditions monétaires. Pour l’instant, la volatilité implicite sur le S&P500 demeure nettement au-dessus des niveaux pré-COVID-19, ce qui constitue un amortisseur en cas de chocs.

Plus fondamentalement, le cycle économique demeure en sous-régime, ce qui réduit la vulnérabilité du marché. Cela plaide pour un maximum de risque directionnel sur les actions et les matières premières en ce début d’année, en pivotant les portefeuilles vers un positionnement pro-inflation. La réduction drastique de la duration sur l’ensemble des classes d’actifs est sans doute la première décision défensive à prendre.

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