Préparer 2021

Emmanuel Ferry, Evooq

3 minutes de lecture

La multiplication des risques n’est pas incompatible avec un niveau élevé d’investissement.

Les actions mondiales ont enregistré un repli de plus de 7% en septembre, offrant le premier  point d’entrée depuis mars. Les raisons de cette consolidation sont triples: le dernier meeting de la Fed, la confusion politique aux Etats-Unis et un excès de positionnement dans le secteur de la Tech. C’est une opportunité pour renforcer les thèmes et les choix d’allocation d’actifs pour 2021.

La réalité économique diminuée

L'épisode conjoncturel de récupération de la récession technique liée au COVID-19 marque une pause. Un tassement est à craindre en fin d'année, avec une dichotomie forte entre le manufacturier et les services. Les points de vulnérabilité sont multiples dans les marchés développés (impasse budgétaire et élections aux Etats-Unis, seconde vague de contamination en Europe, Brexit) et les marchés émergents (tensions US-Chine, situations spécifiques comme en Turquie, Brésil, Mexique, Afrique du Sud). La pandémie a eu pour effet de ré-enclencher un cycle de croissance (reset) mais la reprise demeure incomplète (dégradation des bilans de entreprises et des Etats, faiblesse des gains de productivité, pertes de croissance potentielle). Cela aura des conséquences structurelles sur le mix croissance-inflation, la profitabilité et l'emploi.

Les grands risques macro liés aux déséquilibres accumulés
reviendront au premier plan une fois réglée la crise pandémique.
Des risques extra-financiers

Les deux principaux risques d’ici la fin de l’année sont de nature extra-économiques, avec d’une part les élections américaines du 3 novembre, et d’autre part la situation de la pandémie. Concernant les élections, le premier risque est celui d'une prolongation de l'élection en raison de l'absence de résultats clairs et d'éventuelles contestations. Le second risque est lié à une large victoire de Biden (vague bleue), qui serait associée à des mesures anti-business, comme le durcissement de la fiscalité et de la réglementation (Banques, Pharma, Energie, Tech). Le risque lié au COVID-19 s'intensifie, dans un contexte d’épuisement du redressement conjoncturel et l'amorce d'une seconde vague dans l'hémisphère nord. A l'inverse, les espoirs liés à la découverte d'un vaccin maintiennent une forte asymétrie dans le marché. Malgré la remontée de la volatilité attendue pour la fin de l'année, nous maintenons un biais pro-risque, mais avec une plus grande différentiation des thématiques d'investissement. Les grands risques macro liés aux déséquilibres accumulés reviendront au premier plan une fois réglée la crise pandémique. Ce sera le moment de davantage de discrimination avec des pressions probables sur les maillons faibles (High Yield, Marchés émergents, pays qui ont émis de la «mauvaise dette»). Une fois la crise de liquidité passée, les problèmes de solvabilité remonteront à la surface.

Le marché des changes comme possible vecteur d’instabilité

L’écrasement des taux d’intérêt dans le monde en absolu et en relatif et l’ancrage monétaire des banques centrales risquent d’avoir pour conséquence une plus grande instabilité des taux de change, qui retrouveraient une fonction de sanction des déséquilibres macro-financiers. Cette plus grande volatilité à attendre plaide pour une position neutre en risque de change dans les portefeuilles et un renforcement du biais domestique, a fortiori lorsque la monnaie de référence est intrinsèquement forte. Le dollar pourrait confirmer la fin de son cycle séculaire d’appréciation mais le directionnel restera très dépendant d'un changement de leadership économique et sectoriel, une rotation en dehors de la Big Tech. L'euro a déjà été pénalisé par le Brexit et la crise italienne. La correction de sa sous-évaluation dépendra du rythme de normalisation de la croissance mondiale. Les devises EM ne profitent plus vraiment du portage positif. L’incapacité à utiliser les armes monétaires et budgétaires durant la crise du COVID-19 rend les pays émergents extrêmement dépendants d’une dépréciation du dollar.

La déconnexion avec l'économie réelle est désormais maximale.
Se préparer à une réduction de la liquidité

La surpondération en actions semble justifiée à ce stade post-crise, phase habituellement associée à des rendements à deux chiffres. La sortie de récession est soutenue par un soutien monétaire et budgétaire massif, une liquidité très abondante et un sous-positionnement des investisseurs. La consolidation en septembre offre le premier point d’entrée depuis mars. Les incertitudes autour des élections américaines et l’excès de positionnement sur les FANG+ plaident pour davantage de diversification en dehors des US, dont l’Europe. La Chine pèse pour près de la moitié des marchés émergents. Une grande partie de son re-rating a eu lieu, mais il convient d’accompagner le rééquilibrage domestique de l’économie et le processus d’internationalisation de sa monnaie. Quant à la dette des entreprises, la classe d’actifs a été soutenue par l'action des banques centrales sur la dernière décennie (QE, réduction drastique des taux d'intérêt). La déconnexion avec l'économie réelle est désormais maximale. Un retournement du cycle du crédit semble inévitable, mais les banques centrales empêchent toute matérialisation des risques de crédit en raison de son aspect systémique. La diminution de la liquidité excessive des banques centrales pourrait fragiliser le segment le plus risqué de la dette. Les matières premières sont de retour et offrent une bonne diversification face au risque de surprise à la hausse et de revalorisation du risque inflationniste.

Les actifs risqués dans l’attente d’une séquence multiple

La revalorisation de l'ensemble des actifs risqués augmente les risques de correction en réaction à des déceptions. Le marché actions devrait être moins directionnel après la forte récupération de la perte enregistrée en mars. La sortie par le haut va dépendre de la réalisation d'une séquence multiple: clarification politique aux Etats-Unis, résolution de la crise pandémique, normalisation économique. Dès lors, les choix stratégiques prioritaires sont les suivants: 1. maintenir une surexposition en actifs risqués; 2. profiter des points d'entrée pour renforcer les convictions et étendre la diversification; 3. considérer l'or comme actif diversifiant face aux problématiques de moyen terme; 4. rééquilibrer la poche actions en dehors des US; 5. tester la résistance des portefeuilles face au creusement des déséquilibres macro-financiers.

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