Quand les banques font faillite: des leçons de l’effondrement de Credit Suisse

Giuliano Bianchi & Andrew Brenner, EHL Ecole hôtelière de Lausanne

2 minutes de lecture

Pourquoi, comment et avec quel effet Credit Suisse et UBS ont été renflouées au cours des 15 dernières années?

© Keystone
Deux sauvetages en l'espace de 15 ans

Après le sauvetage en 2008 de l'Union des Banques Suisses (UBS) par la Banque nationale suisse (BNS) et le contribuable helvétique, les autorités à Berne avaient élaboré une nouvelle législation financière.

L'objectif était d'aligner les lois suisses sur d'autres législations et de suivre les recommandations financières internationales. Le régulateur suisse a tenté de stabiliser le système et de l'aligner sur les normes internationales régulant les marchés financiers, afin de renforcer l'attractivité de la place financière suisse.

Malheureusement, 15 ans après la grande récession de 2008, la Suisse se retrouve dans la même situation: une banque d'importance systémique tend la main à la BNS, qui n’est même pas en charge des opérations de sauvetage financier. Le mandat de la BNS est très conservateur, faisant écho à la règle de Taylor: lutter contre l'inflation.

Or, à un moment où la Suisse est confrontée à l'inflation et où la BNS devrait envisager une hausse des taux d'intérêt, rien n’en est. Au contraire, la banque s’apprête à offrir une ligne de crédit de 100 milliards de francs dans le cadre de cette intervention. Bien que le sauvetage du Credit Suisse ait été moins important que celui de 2008, le législateur suisse a quand même renforcé le pouvoir de la Finma, l'organisme suisse de surveillance des marchés financiers.

La reprise d’une banque gigantesque et ses conséquences

La Finma a orchestré l'absorption du Credit Suisse par UBS en annulant les fonds propres de catégorie 1. Cet instrument financier, créé par la communauté internationale des régulateurs après la crise financière de 2008, garantit aux banques un accès au capital en cas de difficultés.

Les contrats, même les plus complexes, restent l'épine dorsale de toute transaction et contiennent habituellement une «clause de non-exécution».

L'idée est simple: le Tier 1 fonctionne comme une obligation, mais lorsque la banque a besoin de capital, il est converti en actions. Le risque de cette conversion est compensé par une prime de risque. Le marché s'attendait à ce que les obligations Tier 1 (appelées «CoCos» pour «contingent convertible bonds») soient converties en actions ou compensées d'une autre manière. Cependant, la Finma a décidé que c’était aux investisseurs d’essuyer ces pertes – pas le contribuable – avec deux conséquences durables.

Premièrement, cette décision pourrait sonner le glas des CoCos en tant que classe d'actifs. Il est connu que l'investissement en actions soit plus risqué que la détention d'obligations. Mais la Finma a unilatéralement décidé d'effacer 100 milliards de dollars de richesse des détenteurs d'obligations.

Deuxièmement, les autorités suisses ont fait passer les intérêts nationaux avant la crédibilité internationale. La finance a un autre truisme: « Les banques sont internationales dans la vie, mais nationales dans la mort ». La Finma a effrayé les investisseurs, ce qui risque de nuire à un marché qui s'est avéré efficace pour prévenir les faillites bancaires.

Le diable se cache dans les détails

Dans un communiqué de presse, la Finma explique les bases légales de sa décision. Les arguments du régulateur se résument ainsi: le contrat stipule qu'en cas d'événement de viabilité, les CoCos seraient dépréciés. La condition suspensive s'est matérialisée et les droits de l'AT1 ont donc été annulés. Pacta sunt servanda: «les accords doivent être respectés».

Impact financier vs impact économique

La Suisse n'a pas fini de réglementer son secteur financier. Les modifications de la législation entreprises en 2008 ont peut-être retardé la chute de la banque et ont atténué le choc de sa dissolution, mais n'ont pas pu sauver le soldat Credit Suisse. Pourtant, une telle situation était prévisible, notamment en raison d'une série de scandales et de performances médiocres.

La Finma dispose d'une armée d'avocats pour l’aider à se tirer d'affaire. Mais les économistes pourraient apporter une meilleure compréhension de l'ingénierie financière et du fonctionnement des marchés, permettant une prévision et anticipation des événements à venir.

Une analyse quantitative beaucoup plus détaillée est essentielle dans le monde numérique d'aujourd'hui. Mais il est surprenant qu'à l'ère de l'IA, du Big Data et de l'apprentissage automatique, le site web de la Finma propose si peu de chiffres ou de données au grand public.

Les contrats, même les plus complexes, restent l'épine dorsale de toute transaction et contiennent habituellement une «clause de non-exécution». A son crédit, la Finma a raison sur un point: le marché doit comprendre que les contrats, même les plus complexes, sont cruciaux. Dura lex, sed lex: La loi est dure, mais c'est la loi.

A lire aussi...