Put in, put him out!

Martin Neff, Raiffeisen

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L’Ukraine doit être immédiatement intégrée dans l’Union européenne. Il faut diriger et non s’émouvoir, Madame von der Leyen!

Samedi, mon meilleur ami m’a envoyé un SMS pour me demander si j’avais remarqué qu’il se passait quelque chose dans le monde à chaque fois que je partais en vacances au ski à Val Gardena. Il y a trois ans, ce fut la Syrie, il y a deux ans la pandémie et nous avions quitté la vallée au dernier moment avant qu’elle ne soit bouclée, et à présent, c’est l’invasion de l’Ukraine. Cela peut sembler arrogant, mais je m’attendais à ce qu’il y ait une épreuve de force. Mon équipe, notre comité d’investissement et bon nombre de mes collègues avaient clairement parié contre. Je n’en savais ni plus ni moins qu’eux et je n’ai jamais échangé un mot avec Vladimir Poutine de toute ma vie, mais je n’étais simplement pas aussi naïf que beaucoup d’autres de croire que ce que nous ne voulons pas imaginer ne pourrait pas se produire précisément pour cette raison. En fait, je m’attends bien souvent au contraire de ce que les médias et la pensée dominante nous racontent. Jusqu’au dernier moment, tout le monde était convaincu, à tort, que les bruits de bottes étaient une pure tactique. Et maintenant, les médias claironnent combien l’occident s’est montré naïf. Ils étaient pourtant en première ligne.

Les naïfs

Et bien sûr la plupart des politiciens se sont trompés en pensant que la diplomatie permettait de résoudre tous les conflits, alors que Vladimir Poutine jouait simplement au chat et à la souris avec l’occident, tandis qu’il mettait en place son dispositif militaire. Tout le monde l’a à présent compris, même les Allemands si sensibles qui pensaient que l’indécision d’Angela Merkel pourrait tenir lieu de doctrine durant une période législative supplémentaire. Ma profession était elle aussi complètement dans l’erreur, une fois de plus. Immédiatement après l’attaque contre l’Ukraine, quelques analystes ont même estimé que l’heure était venue de se positionner. La correction des cours serait exagérée et le moment serait favorable pour prendre position. Je dirais juste à ce propos: n’interroge jamais un économiste si tu veux savoir ce qu’il se passera à l’avenir, car il en sait aussi peu que toi! S’il y a bien une chose que j’ai comprise au cours des quatre dernières décennies, c’est que nous n’avons aucune idée de l’avenir. Le cours des actions va-t-il augmenter, les taux d’intérêt vont-ils baisser ou la croissance va-t-elle se poursuivre? Nous n’en savons rien! Nous sommes juste des observateurs méticuleux de la situation et c’est la raison pour laquelle nous sommes les mieux placés pour décrire les événements, généralement a posteriori, et pour expliquer pourquoi les choses ne se sont pas passés ainsi que nous l’avions supposé, mais toujours avec style. Mais ce qu’il va se passer? Nous n’en savons rien! Nous sommes des naïfs titulaires d’un diplôme d’études supérieures et nos avis que nous aimons diffuser dans les médias et si possible avec une forte audience ne sont rien d’autre que des paris. On parie? Au moins aux Etats-Unis, les analystes donnent l’impression d’être honnêtes en qualifiant leurs estimations de «bet», autrement dit de pari. Mais ici en Suisse, il y a effectivement encore des gens qui font valoir la qualité de leurs pronostics. Mais venons-en au fait. Il ne s’agit plus seulement de la naïveté des affaires courantes, l’«up and down» des marchés, mais de la seule question déterminante: Vladimir Poutine va-t-il appuyer sur le bouton rouge? Rouge ou noir donc, cinquante-cinquante. Nous évoluons à présent en terrain inconnu.

Action et non réaction

Ma profession pourrait pourtant fournir certains indices, si elle se référait à la théorie des jeux, une matière annexe des études d’économie politique très proche des mathématiques. Vladimir Poutine pousse en direction d’un équilibre leader-suiveur, car il a joué le premier coup. Depuis, l’occident se contente (juste) de réagir. Or, il ne devrait pas se contenter de suivre le mouvement, car Swift et Cie. pourraient certes faire très mal d’ici quelque temps, mais ils n’ont pas d’effet immédiat. Vladimir Poutine doit être mis au pied du mur, pour ne plus être celui qui ne provoquera une fois de plus que des réactions lors de sa prochaine action. On ne doit pas aller jusqu’à lui consentir une nouvelle parcelle de l’Ukraine avant de négocier, car en son temps cette stratégie a abouti à l’annexion complète de la Crimée. Parce que l’occident était le suiveur. Vladimir Poutine crée de nouveau des faits alors que l’occident ne crée que des éventualités et c’est assurément la mauvaise stratégie. On ne veut certes pas provoquer une escalade, mais n’est-ce pas déjà le cas? Que faut-il d’autre pour que l’occident réagisse? Une attaque contre la Pologne, les pays baltes, voire la Finlande? Aujourd’hui impossible, mais peut-être bientôt plus probable qu’on ne le pense. Il s’agit de plus que l’Ukraine, il s’agit de l’occident formidable contre l’est sauvage. Le premier devrait enfin prendre les devants au lieu de toujours se contenter de suivre. Quelle pourrait être la forme d’une telle ma-noeuvre? L’Ukraine doit être immédiatement intégrée dans l’Union européenne. Il faut diriger et non s’émouvoir, Madame von der Leyen! Ils tenaient tous de jolis petits drapeaux jaunes et bleus au Parlement européen. Super, c’est vraiment un geste fort! Mais cela sera juste insuffisant. Les mauviettes à Bruxelles transforment l’Ukraine en victime.

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