Prudence et anticipation face au risque de stagflation

Peter van der Welle, Robeco

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Les actions continueront de surperformer les obligations High Yield. Les investisseurs devront réagir rapidement.

Les craintes d’une stagflation ont influé sur le sentiment du marché pour la première fois depuis les années 1970. Celle-ci est particulièrement défavorable aux obligations d’entreprise, car l’inflation ronge leurs performances, et la détérioration de l’économie augmente la probabilité d’une défaillance de leurs émetteurs.

Le temps est donc venu de procéder à une diminution tactique du risque en surpondérant les liquidités par rapport aux marchés crédit, jusqu’à ce que les craintes de stagflation disparaissent.

Le dilemme des banques centrales

La stagflation place les banques centrales face à un dilemme. Celles-ci ne peuvent pas agir contre la hausse de l’inflation, par exemple en retirant des liquidités de l’économie, sans nuire à une reprise économique naissante et causer une hausse du chômage. Pendant de nombreuses années, les valeurs du crédit ont été partiellement dépendantes de l’injection de monnaie dans l’économie par les banques centrales, qui achetaient des obligations dans le cadre des programmes d’assouplissement quantitatif. 

Le rythme et l’ampleur de la compression des marchés crédit due à l’apport massif et excessif de liquidité par les banques centrales ont été extraordinaires.

En marge de la crise pandémique, le rythme et l’ampleur de la compression des marchés crédit due à l’apport massif et excessif de liquidité par les banques centrales ont été extraordinaires. Les spreads du High Yield (soit la différence entre les rendements des crédits et des obligations d’Etat AAA) ont ainsi baissé de 900 à 298 points de base au cours des 18 derniers mois.

En résultent alors des marchés crédit aux valorisations élevées qui sont dans une phase d’expansion précoce du cycle économique, apparemment décorrélés du cycle financier. Les obligations High Yield et Investment Grade affichent le type de comportement que nous constatons normalement à la fin du cycle économique, alors que nous sommes plutôt entre le début et le milieu du cycle.

Retirer l’excédent de liquidité

Dans un contexte de baisse de l’excédent de liquidité, où la Fed pourrait avoir du mal à découpler le «tapering» du durcissement de sa communication à l'égard des marchés, le risque baissier dû au risque de duration du crédit augmente, alors que le risque haussier dû à la nouvelle compression des spreads diminue.

Les actions sont mieux positionnées pour exploiter, le cas échéant, la croissance du PIB américain supérieure à la tendance. Si la croissance du PIB américain reste supérieure à la tendance en 2022 et 2023, les actions devraient surperformer les obligations High Yield. La Fed table sur une croissance du PIB de 3,8% en 2022, ce qui est plus prudent que les prévisions générales de 4,2%.

Les craintes sont peut-être excessives

Le scénario de stagflation pourrait s’effacer sous l’effet de plusieurs facteurs: si la croissance mondiale repart à la hausse, s’il y a des signes montrant que les pressions sur les chaînes d’approvisionnement diminuent ou que les entreprises acceptent sans broncher la hausse des coûts des intrants et parviendront malgré tout à afficher des marges plus élevées dans les prochains trimestres. 

L’excédent d’épargne des ménages américains s’élève actuellement à 3’300 milliards de dollars.

Or en envisageant la situation macroéconomique sur les six à douze prochains mois, le sentiment des marchés pourrait devenir plus positif. En effet, l’excédent d’épargne des ménages américains s’élève actuellement à 3’300 milliards de dollars. Ce sont ces consommateurs, aux côtés de ceux qui profiteront de la croissance des salaires, des prix élevés de l’immobilier et d’un important patrimoine financier qui soutiendront l’économie mondiale en 2022. En parallèle, la hausse des dépenses d’investissement des entreprises et la reconstitution des stocks contribueront à la croissance de l’activité économique au-delà du quatrième trimestre 2021.

Anticiper un retournement du sentiment

Comme en général les marchés devancent le cycle de neuf mois, un retournement du sentiment concernant la situation macroéconomique pourrait être imminent. Les investisseurs devront donc réagir rapidement. Une fois que les pressions sur l’offre diminueront, que la situation macroéconomique commencera à s’améliorer et que la rentabilité des entreprises résistera, les actions continueront de surperformer les obligations High Yield. 

Du point de vue des valorisations relatives, les actions américaines sont moins onéreuses que les obligations High Yield américaines, en tenant compte du contexte de taux d’intérêt bas. Un écart important s’est creusé entre la prime de risque implicite des actions américaines et les spreads du High Yield américain, ce qui rend les actions relativement plus attractives. 

D’autre part, historiquement, lorsque le spread est inférieur à 500 pb – le spread actuel du High Yield mondial s’établit à 360 pb – les actions surperforment les obligations High Yield au cours des six mois qui suivent. 

Attendre que la situation se clarifie

Dans ce scénario, l’indice ISM manufacturier américain s’établirait à 55, sachant que tout résultat supérieur à 50 implique une expansion économique. Par contre, si la valeur du très scruté indice ISM passait en dessous de 55, la progression des actions par rapport aux obligations High Yield commencerait à ralentir. 

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