Première lueur d’espoir

Philipp Bärtschi, J. Safra Sarasin Asset Management

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Un optimisme prudent est de mise quant au fait que le pire est derrière nous sur les marchés financiers.

©Keystone

L’aplatissement de la courbe des cas de coronavirus en Europe montre l’efficacité des mesures de confinement de ces dernières semaines. C’est encourageant pour les systèmes de santé de nombreux pays, qui surmonteront probablement la crise sanitaire, mais aussi pour l’économie, qui espère un assouplissement rapide des mesures d’urgence. Les dommages déjà causés sont énormes et doivent être mis en regard des mesures de politique monétaire et budgétaire déjà adoptées. Après un coup d’arrêt, l’économie devrait connaître une forte reprise cet été. Le récent rebond des marchés financiers a déjà partiellement anticipé cette reprise. Néanmoins, le potentiel de performance pour les investisseurs à long terme est encore considérable.

Rétrospective: un marché baissier ou haussier?

Face à la hausse exponentielle des cas de coronavirus en dehors de la Chine et à l’échec des négociations de l’OPEP, les marchés des actions mondiaux ont perdu environ un tiers de leur capitalisation boursière en un temps record. Les marchés boursiers ont enregistré des fluctuations journalières d’une très forte ampleur et l’incertitude des investisseurs quant à la future direction des marchés a été extrêmement élevée.

Fluctuations journalières du marché des actions

Source: Refinitiv, J. Safra Sarasin, 07.04.2020

 

Avec une reprise de plus de 20% ces dernières semaines, le marché baissier le plus court de l’histoire a connu une fin aussi rapide qu’inattendue. Les prochaines semaines montreront si le marché repartira à la baisse ou si la hausse reprendra durablement le dessus.

Ces dernières semaines, les gouvernements d’Europe et des États-Unis ont approuvé
des dispositifs de prêts et de garanties représentant entre 10 et 15% de leur PIB.
Perspective macroéconomique: vers une récession ou une reprise?

Les mesures d’urgence drastiques prises par de nombreux États dans le monde depuis le mois de mars signifient qu’en très peu de temps, les économies ont déjà commencé à s’enfoncer dans la récession. L’ampleur et la durée de cette récession sont toutefois la grande inconnue. Les prévisions des économistes et des analystes sont tout aussi incertaines. Cependant, les banques centrales de la planète ont pris des mesures de politique monétaire d’envergure et les différents pays et régions ont mis en place des programmes budgétaires pour atténuer les répercussions économiques de la pandémie.

Chute de l’indice des directeurs d’achats

 
Source: Refinitiv, J. Safra Sarasin, 07.04.2020

 

Ces dernières semaines, les gouvernements d’Europe et des États-Unis ont approuvé des dispositifs de prêts et de garanties représentant entre 10 et 15% de leur PIB. Ces dispositifs seront nécessaires. La forte baisse de la composante «services» des indices des directeurs d’achats en mars et le nombre record de nouvelles demandes d’allocation chômage aux États-Unis donnent déjà un premier aperçu des conséquences économiques. Cependant, l’exemple de la Chine montre aussi que l’économie se redresse rapidement dès que les mesures d’urgence sont assouplies. Il est donc probable que le creux sera bientôt derrière nous et que les investisseurs centreront leur attention sur la vigueur de la prochaine reprise économique. La crise économique sera vraisemblablement la plus grave, mais aussi la plus courte de l'histoire.

Obligations: faible liquidité sur le marché

Les banques centrales de la planète ont réagi en prenant des mesures de politique monétaire d’une ampleur sans précédent. Quelques jours seulement après avoir mis en œuvre dans l’urgence deux baisses des taux d’intérêt, pour un total de 150 points de base, et ainsi ramené les taux directeurs à 0%, la Réserve fédérale américaine a adopté un ensemble complet de mesures prévoyant des achats illimités de titres et incluant désormais également des obligations d’entreprise. Depuis fin février, les primes de risque de crédit des obligations investment grade ont considérablement augmenté et sont actuellement à leur plus haut niveau depuis dix ans.

Des primes de risque de crédit intéressantes

Source: Refinitiv, J. Safra Sarasin, 07.04.2020

 

Les niveaux actuels des primes de risque de crédit, que ce soit pour les obligations investment grade mais surtout des titres à haut rendement, impliquent des taux de défaut élevés, nettement supérieurs aux taux de défaut effectivement réalisés dans le passé. La hausse des primes de risque des obligations des pays émergents a été tout aussi extrême. Le principal problème du segment du crédit est l’absence de liquidité du marché. Si l’intervention des banques centrales a permis une certaine stabilisation, les volumes restent extrêmement faibles et les écarts entre les cours d’achat et de vente extrêmement élevés. L’excédent de l’offre des investisseurs souhaitant vendre leurs positions ou contraints de le faire en raison des sorties de capitaux est considérable. Parallèlement, la demande restera faible tant que le risque de défaut continuera d’augmenter. Si les mesures gouvernementales devraient empêcher de nombreux défauts, il existe un risque important d’exécution, et donc une incertitude quant au fait que les fonds arriveront bien à destination. À court terme, l’orientation des cours devrait rester incertaine en raison de la faiblesse de la liquidité. Cependant, nous entrevoyons un important potentiel de reprise à long terme sur le segment du crédit et nous conservons donc une position surpondérée.

Les valorisations des marchés des actions sont devenues
nettement plus intéressantes à la fin du premier trimestre.
Actions: le pire est-il derrière nous?

Les premiers signes de stabilisation incitent à l’optimisme. Les indices boursiers européens ont déjà enregistré des baisses des cours d’environ 38% au plus fort de la crise. Dans les pays marchés émergents, les chutes ont été encore plus brutales.

Actions: le moral des investisseurs au plus bas

 
Source: Refinitiv, J. Safra Sarasin, 07.04.2020

 

Par rapport au début de l’année, les valorisations des marchés des actions sont devenues nettement plus intéressantes à la fin du premier trimestre. Tant sur la base des prévisions de résultats à venir que par rapport aux obligations, sur fond de baisse des taux d’intérêt. Certains secteurs étant touchés de façon disproportionnée par les récentes évolutions, la sélection des secteurs et des titres est primordiale. Étant donné le degré élevé d’incertitude quant à la durée et à l’ampleur de l’impact économique, nous avons principalement constitué des positions sur des entreprises de qualité et de croissance dans les secteurs de la santé et des technologies en mars.

Allocation d’actifs: optimisme prudent

Les marchés financiers sont en avance sur le cycle économique réel et commenceront donc à se redresser avant le point bas de la récession. Même si de nouveaux revers sont probables, il est tout à fait possible que ce redressement soit déjà amorcé. Si la volatilité restera probablement élevée au cours des prochaines semaines, l’environnement actuel offre selon nous de bonnes opportunités d'achat de placements à risque. Nous avons abordé cette forte correction avec une sous-pondération des actions et un positionnement fondamentalement défensif sur la classe d’actifs. Vers la fin du mois de mars, nous avons clôturé cette sous-pondération et nous avons désormais un positionnement neutre sur les actions. En outre, nous réduisons progressivement la surpondération des liquidités afin de profiter de certaines opportunités sur le marché des obligations des marchés émergents. Nous continuons de surpondérer les obligations à haut rendement, car le niveau élevé des primes de risque de crédit compense bien la hausse attendue des taux de défaut. Dans l’ensemble, nous avons légèrement augmenté le risque dans nos portefeuilles et sommes prudemment optimistes quant au fait que le pire est derrière nous sur les marchés financiers.

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