Les aléas de la guerre commerciale

Philipp Bärtschi, J. Safra Sarasin Asset Management

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On verra bientôt si les paroles seront suivies d’actes ou si la hache de guerre sera à nouveau déterrée.

Depuis que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine s’est apaisée ces derniers mois et que le ton des échanges s’est adouci, les choses redeviennent sérieuses. On verra en décembre si les paroles seront suivies d’actes ou si la hache de guerre sera à nouveau déterrée. Cette année, la guerre commerciale a été une préoccupation majeure des marchés financiers et a provoqué des hauts et des bas chez les investisseurs. Le dernier chapitre ne semble pas encore écrit et les investisseurs doivent s’attendre à tout moment à de bonnes et mauvaises surprises. Les incertitudes étant élevées, nous maintenons un positionnement équilibré malgré des signes croissants de stabilisation économique.

Rétrospective: nouveaux records

Grâce à la diminution des craintes de récession et au soutien des banques centrales, les marchés boursiers ont poursuivi leur bonne marche en novembre et ont atteint de nouveaux records. L’or, en revanche, a récemment perdu de son attrait en tant que valeur refuge et a vu sa valeur diminuer. Au cours de l’année, le rapport entre l’or et les actions américaines a constitué un bon baromètre de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Lorsque les tensions se sont intensifiées entre mai et août, le baromètre a fortement augmenté, alors qu’il a tout aussi sensiblement baissé de septembre à novembre.

Or vs S&P 500: baromètre de la guerre commerciale

Source: Datastream, J. Safra Sarasin, 6 déc 2019

On verra en décembre si le premier accord commercial sera effectivement conclu ou si la guerre commerciale s’intensifiera à nouveau.

Perspectives macroéconomiques: signes de stabilisation

Après près de 18 mois de tassement de l’activité économique mondiale, les indicateurs avancés et les données macroéconomiques se sont stabilisés ces dernières semaines. En particulier, les données relatives au secteur manufacturier se sont améliorées, dans certains cas de manière significative, par rapport au mois précédent. Cette tendance a été particulièrement marquée en Allemagne. Toutefois, ce pan de l’économie a été soumis à une pression particulièrement forte ces derniers mois. Nous supposons que la reprise économique se poursuivra au cours des prochains mois et que la croissance s’accélérera modérément au début de l’année prochaine. Reste à savoir si cette reprise se poursuivra au second semestre.

L’environnement macroéconomique s’améliore

Source: Datastream, J. Safra Sarasin, 6 déc 2019

Les perspectives économiques et les anticipations concernant l’évolution des marchés financiers mondiaux sont toujours autant tributaires de la dynamique politique entre les États-Unis et la Chine. L’annonce par les deux pays d’une probable entente dans le cadre de «l’accord de phase un» indique clairement que D. Trump pourrait être finalement lassé de cette guerre commerciale. Accablé par les problèmes de politique intérieure liés au processus de destitution et à l’élection présidentielle de 2020, D. Trump a tout intérêt à se déclarer vainqueur de la guerre commerciale et à en tirer parti sur le plan politique. La Chine elle-même devrait également aspirer à une trêve. Le pays est soumis à des pressions économiques importantes, pas seulement à cause de la guerre commerciale. En conséquence, les calculs politiques des deux pays convergent de plus en plus, chacun cherchant une solution pour ne pas perdre la face. Or, rien ne dit qu’une telle solution puisse être trouvée.

Obligations: quête de rendement

Les banques centrales ont clairement indiqué ces dernières semaines qu’elles prendront d’autres mesures de politique monétaire si elles le jugent nécessaire. Malgré les signes de stabilisation économique, nous ne prévoyons pas que les banques centrales abandonneront aussi rapidement leur position accommodante. Il faudra probablement une période plus longue de croissance supérieure à la tendance pour que l’inflation redevienne un problème. C’est pourquoi, la probabilité de nette pentification de la courbe des rendements semble limitée.

Obligations: les courbes de taux se sont légèrement pentifiées récemment

Source: Datastream, J. Safra Sarasin, 6 déc 2019

Dans un contexte de taux d’intérêt bas les obligations des marchés émergents bénéficient de la reprise conjoncturelle et du maintien par les grandes banques centrales des pays industrialisés de politiques monétaires expansionnistes. En outre, contrairement à d’autres segments, la classe d’actifs offre une compensation adéquate des risques et est bien diversifiée en raison du large éventail d’investissements.

Les obligations à haut rendement bénéficient également de la conjoncture économique actuelle. En outre, les taux de défaut sont à des niveaux historiquement bas. Mais il existe également des primes de risque de crédit qui, sur certains segments, n’offrent plus une compensation adéquate pour les risques encourus. Le portage reste intéressant, mais une gestion active est cruciale pour maintenir un profil risque/rendement équilibré. L’Europe nous semble offrir davantage d’opportunités que les États-Unis et nous misons toujours sur les titres de qualité supérieure. Les obligations bancaires hybrides constituent un autre segment intéressant, fondamentalement bien soutenu.

Actions: potentiel de redressement en dehors des États-Unis

Source: Datastream, J. Safra Sarasin, 6 déc 2019
Actions: hausse des liquidités au quatrième trimestre

L’incertitude latente parmi les investisseurs quant à la possibilité que les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine s’intensifient à nouveau ou que l’économie mondiale ne se redresse pas autant qu’on l’espère est notable. Cependant, les cours des marchés boursiers sont demeurés robustes au cours des dernières semaines. Notamment grâce aux banques centrales. Depuis que la Réserve fédérale américaine a mis en œuvre d’importantes mesures de liquidités sur le marché des prises en pensions et que d’autres grandes banques centrales ont assuré de leur soutien inconditionnel, les valorisations ont encore augmenté.

À leur niveau actuel, les marchés des actions américains sont plus chers que d’autres régions et ont donc peu de potentiel. Les primes de risque des actions des marchés émergents et des actions européennes, en revanche, sont à leur moyenne à long terme et pourraient réserver de bonnes surprises dans les mois à venir. Cela nécessiterait toutefois que la reprise cyclique se confirme.
Allocation d’actifs: exposition neutre au risque

Dans nos portefeuilles mixtes, nous misons sur une allocation neutre au risque. Compte tenu de l’incertitude quant à l’évolution future de la guerre commerciale, nous maintenons une légère sous-pondération des actions. Concernant les obligations, nous continuons de sous-pondérer nettement les emprunts d’État et les titres investment grade, dont les cours risquent fortement de baisser si la croissance s’accélère. Nous privilégions toujours les obligations à haut rendement et les obligations des marchés émergents en raison de la prime de risque de crédit et du coupon, qui offre au moins une certaine protection contre le risque. Les placements alternatifs, dont l’or, continuent de contribuer à la diversification du portefeuille et offrent une certaine protection en cas de nouveaux aléas dans la guerre commerciale.

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