Pourquoi les marchés saluent les élections américaines?

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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Pour les marchés non-américains, le départ de Trump est une nouvelle positive produisant une baisse de l’incertitude sur le commerce mondial.

Les élections américaines ont porté Joe Biden au pouvoir, mais sans majorité sénatoriale. La grande «vague bleue» démocrate espérée par certains et redoutée par d’autres n’a pas eu lieu. La cohabitation annoncée limitera les changements structurels prévus par les démocrates, dont une hausse des dépenses publiques financée en partie par une hausse des impôts sur les entreprises. Elle rend aussi plus difficile la mise en place de nouvelles règlementations dans le secteur de la santé et réduit, sans l’éliminer toutefois, les probabilités d’une modification des lois antitrusts dans les secteurs du numérique. Il ne faut donc pas s’étonner que le résultat des élections ait été salué par Wall-Street et par le marché des bons du Trésor. Les valeurs portées par les anticipations d’un grand plan d’infrastructure ont cependant fortement rebaissé.

Pour les marchés non-américains enfin, le départ de Donald Trump est une nouvelle positive produisant une baisse de l’incertitude sur le commerce mondial. Si Joe Biden restera très ferme à l’égard de la Chine, il est très peu probable qu’il utilise l’arme des droits de douane pour gérer ses différends. Dans un moment où l’Asie et l’hémisphère Sud bénéficient d’une situation sanitaire bien meilleure qu’en Occident, les élections américaines améliorent encore les perspectives économiques. Les relations avec l’Europe seront elles aussi nettement moins tendues. Joe Biden devrait par ailleurs remettre les Etats-Unis sur le chemin des accords internationaux sur le climat.

La situation de cohabitation entre un Président démocrate et un Sénat républicain ne devrait pas empêcher la mise en place de plans de soutiens à l’économie – d’autant moins que l’épidémie de coronavirus reprend de la vigueur dans de nombreux Etats républicains. Le timing et l’ampleur de ces plans de soutien restent cependant incertains. Joe Biden prendra ses fonctions le 20 janvier 2021, mais des mesures pourraient être prises avant. Les républicains du Sénat envisageaient avant les élections un plan de 500 milliards de dollars, contre plus de 2000 milliards demandés par les démocrates. Après avoir hésité, Donald Trump avait finalement promis des chiffres supérieurs à ceux des démocrates.  

Les scénarios de risque incluent une contestation
des résultats qui dégénèreraient aux Etats-Unis.

Les débats sur le prochain plan de soutien vont être d’autant plus importants pour les marchés que les très forts chiffres du PIB du troisième trimestre et les enquêtes récentes auprès des entreprises ont prouvé l’efficacité des aides publiques. Contrairement à ce que craignaient la plupart des instituts de prévisions, la reprise de la consommation a été extrêmement forte à la sortie du choc des confinements du printemps dans les pays développés. Aux Etats-Unis, les revenus des ménages ont ainsi monté pendant la crise, et les consommateurs, privés d’accès à certains services (loisirs, restauration, tourisme, etc.) se sont déplacés vers les biens manufacturés, avec des conséquences positives pour l’industrie.

Cette réalité d’une économie beaucoup plus dynamique que prévue a aussi été observée en Europe, où les chiffres du PIB du troisième trimestre ont surpris nettement à la hausse. Au troisième trimestre, le PIB de la zone euro se situait à un niveau que l’OCDE, dans ses prévisions du mois de juin, n’envisageait pas avant… 2022. Ces expériences sont encourageantes à un moment où beaucoup d’économies occidentales s’apprêtent à vivre un nouveau ralentissement brutal du fait des nouvelles restrictions mises en place pour juguler la crise sanitaire et hospitalière. Si les politiques économiques sont bien calibrées, la prochaine phase de déconfinement s’accompagnera à nouveau d’une forte reprise, en attendant des traitements et vaccins en phase finale de test en ce moment. Avec des politiques macroéconomiques suffisamment expansionnistes et des progrès sur le front sanitaire, le rattrapage du terrain économique perdu en 2020 a de bonnes chances d’être nettement plus rapide que prévu en 2021.

Pour les investisseurs, ces chiffres permettent de mettre en perspective la déception créée par les conséquences de la nouvelle vague de cas de Covid-19 en Europe et aux Etats-Unis. Pour les prochaines semaines, les scénarios de risque incluent une contestation des résultats qui dégénèreraient aux Etats-Unis, et une refermeture trop brutale de l’économie américaine face à l’épidémie. Inversement, des vaccins pourraient être validés plus vite que prévu, ce qui créerait une très forte hausse des secteurs les plus cycliques.

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