Plus jamais comme avant

Christopher Smart, Barings

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Les investisseurs entrent dans une nouvelle ère et doivent faire face à la volatilité quotidienne des marchés.

Les pertes enregistrées sur le marché cette année reflètent la hausse des prix et la baisse de la demande. Les investisseurs également, sont secoués par un ensemble de forces économiques, financières et politiques entièrement nouvelles et déroutantes.

Un changement de paradigme

Une grande partie des problèmes actuels du marché reposent sur l'espoir d'un retour à la «normal». Mais, peu de signes permettent d’entrevoir son retour. Ainsi, l'inflation pourrait rester élevée pendant longtemps et la croissance pourrait rester faible. Quant aux gros titres en provenance de Russie, de Chine et du Moyen-Orient, ils laissent tout le monde dans l'attente face aux tensions géopolitiques.

Sur le plan économique, les changements les plus importants concernent la structure des échanges. Le choc de la pandémie a obligé les entreprises à constituer des stocks plus importants et à rechercher d'autres fournisseurs. Le «Friend-shoring», pour reprendre les termes de l'administration Biden, ne nécessite peut-être pas de s'approvisionner entièrement auprès des alliés de l'OTAN et ne marque pas la fin de la mondialisation. Néanmoins, les gestionnaires avisés voudront avoir des réserves et identifier d'autres fournisseurs en cas de crise. Le durcissement des sanctions à l'encontre du deuxième plus grand producteur de pétrole au monde a également déclenché une réorganisation massive des marchés énergétiques mondiaux. Les modèles commerciaux européens, en particulier, en subiront les conséquences.

Dans ces conditions, l’inflation, beaucoup plus robustes que ce que l’on aurait pu croire, revêt une importance cruciale. En effet, les banques centrales sont résolues à protéger leur crédibilité, ce qui suscite des inquiétudes quant au fait que le médicament qu'elles administrent aujourd'hui aura des effets secondaires négatifs importants bien au-delà de l'année prochaine.

Dans chaque cycle de resserrement, quelque chose se brise, généralement dans une partie du marché que même les investisseurs professionnels ne surveillent pas.

Pour autant, il y aura un retour des taux bas qui soutiennent la demande, mais les prévisions de croissance paraissent bien sombres pour le moment. Le durcissement de la lutte contre l'inflation a également entraîné de grands changements dans les flux financiers mondiaux, car l'argent facile se fait rare et les bilans sont confrontés à une période de tension prolongée.

A la recherche du futur coupable

Dans chaque cycle de resserrement, quelque chose se brise, généralement dans une partie du marché que même les investisseurs professionnels ne surveillent pas. Parfois c'est le Mexique, parfois c'est le comté d'Orange, parfois c'est Lehman Brothers. Il y a quelques mois encore, personne ne soupçonnait les difficultés du système de retraite britannique, mais les perturbations financières apparaissent généralement là où les marchés s'y attendent le moins.

Les banquiers et les responsables financiers réunis lors des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI qui se sont récemment tenues à Washington n'ont guère cherché de suspects au-delà des marchés émergents. Mais les pays en développement qui ont suffisamment de poids pour perturber les marchés mondiaux sont étonnamment résilients ces jours-ci, beaucoup d'entre eux ayant relevé leurs taux de manière anticipée en prévision des tensions.

La seule chose dont il faut être sûre, c'est qu'une période prolongée de renforcement du dollar, de hausse des taux d'intérêt et d'affaiblissement de la croissance fera apparaître des faiblesses difficiles à anticiper.

Sur le plan politique, les tensions croissantes avec la Chine signifient que ce qui était autrefois la plus grande opportunité économique du monde figure désormais parmi ses plus grandes sources de danger. Aussi, la Russie semble condamnée à une longue période d'isolement, même si de nouvelles vagues de populisme pourraient mettre à l'épreuve l'unité des États-Unis et de l'Europe. Parallèlement, les manifestations iraniennes et un gouvernement saoudien qui teste les limites de la patience des États-Unis laissent entrevoir une configuration très différente de la politique au Moyen-Orient.

Il y a peut-être une lueur d'espoir. Malgré toute l'horreur des champs de bataille ukrainiens et la montée des tensions dans les échanges entre Washington et Pékin, les économies les plus riches du monde ont fait preuve d'une cohésion remarquable. Malgré tous les discours sur le déclin des États-Unis, la force du dollar reflète une grande confiance dans les institutions américaines.

Toutefois, le rapprochement entre les pays les plus prospères du G7 met en évidence les tensions croissantes avec les pays émergents du G20, dont la Russie et la Chine, mais aussi avec l'Arabie saoudite, la Turquie et l'Inde. Les entreprises et les investisseurs voudront éviter d'être pris au dépourvu dans cette dynamique mondiale inhabituelle.

Avec le temps, les investisseurs se souviendront peut-être de cette période comme d'un moment où les craintes ont atteint leur paroxysme avant le retour de modèles économiques, financiers et politiques plus familiers.

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