Dans l’investissement comme aux échecs

Christopher Smart, Barings

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Comme aux échecs où il faut prévoir ses coups à l’avance, le défi consiste à voir au-delà des données économiques pour envisager la suite.

En ce moment, les conversations des investisseurs sont bien sombres et reflètent un pessimisme ambiant induit par les données économiques inquiétantes et par les discours politiques enflammés. Toutefois, ni le renchérissement ni le ralentissement économique mondial ne sauraient enlever à l’investisseur avisé l’idée que l’amélioration de l’inflation ou de la conjoncture devrait redonner une seconde vie aux marchés. Mais quand?

Soyons clairs, le creux de la vague ne sera pas annoncé ici. La Fed est plus déterminée que jamais à faire monter les taux jusqu’à ce qu’ils fassent redescendre la consommation américaine. L’Europe quant à elle, devra faire face à l’hiver et à une flambée vertigineuse des prix de l’énergie tandis que la Banque centrale européenne se prépare à mener la plus sévère politique restrictive de son histoire. Pendant ce temps, la Chine est toujours en prise avec la COVID, les quarantaines, les pénuries d’énergie et le marché immobilier qui s’effondre. Cela faisait longtemps qu’un ralentissement économique mondial n'avait pas été aussi synchronisé.

Méfiez-vous des tendances

Malgré ce marasme, le S&P500 a réussi un rallye estival de 17% alors que l’indice des prix à la consommation américain tutoyait les sommets. Il était tentant d’espérer que la Fed arrête ses hausses de taux alors que les prix de l’essence, du cuivre et de l’acier baissaient. Mais, l’euphorie n’a pas duré. Les États-Unis sont toujours en pleine effervescence. L’épargne des ménages reste élevée et le crédit à la consommation ne cesse de croître. Le marché de l’emploi reste tendu alors que les salaires augmentent. La tendance baissière devra se confirmer avant que la Fed ne considère une pause ou simplement un ralentissement du rythme du resserrement.

De fait, il a fallu apprendre à se méfier des données. Les tendances n’ont été ni claires ni constantes ces dernières années. Il est désormais temps de maintenir des niveaux de liquidité élevés, de privilégier la qualité à la valeur et de faire rentrer dans son portefeuille des sociétés qui verseront un dividende fiable.

S'il y a bien un moment où les données cesseront de se dégrader, pour le moment, les fonds d’investissements conservent des quantités de liquide supérieurs à la normale et les sondages donnent à penser que la tendance baissière est à son maximum. Pourtant, quelques bonnes nouvelles pourraient inverser la tendance. Par exemple, si la Fed a du mal à atteindre la cible d’inflation à 2%, changer pour une fourchette de 3 à 5% permettrait aux investisseurs de faire de meilleures prévisions. En outre, le taux de chômage qui augmente à 3,6% indique que les pressions salariales commencent à s’atténuer.

Ailleurs, les marchés n’ont même pas besoin de bonnes nouvelles pour se redresser. L’absence de mauvaises devrait suffire. En effet, il est peu probable que l’année 2023 réserve des surprises telle que l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Si les prix de l’énergie seront assez haut, il est difficile d’imaginer qu’ils rivaliseront avec ceux de cette année.

La situation de la Chine s'annonce difficile mais ne devrait pas se détériorer davantage. Le marché immobilier devrait se stabiliser, même s'il ne redeviendra pas le principal moteur de la croissance. Si les villes chinoises risquent d'être confrontées à de nouvelles restrictions liées au COVID, les chaînes d'approvisionnement mondiales devraient se détendre ailleurs.

L’économie américaine encore solide

S'il y a bien une économie qui peut résister à un cycle de resserrement de la Fed, c'est celle des Etats-Unis. L'épargne très élevée des ménages et les bilans solides des entreprises signifient que la demande américaine pourrait souffrir moins, même si les taux augmentent. Contrairement à ce qui s'est passé au lendemain de la crise financière mondiale, les banques américaines sont en bonne santé et sont disposées à prêter lorsque les emprunteurs réapparaîtront.

Récemment, les projections en matière de prix restent stables tant dans les sondages que sur les marchés financiers. La confiance en la capacité de la Fed à faire baisser l’inflation est encore forte. Grâce à cela, la Fed n’aura peut-être pas besoin de serrer la vis comme lors des cycles précédents. Si une récession survient, elle ne devrait pas durer longtemps.

Evidemment, tout ceci n’est peut-être qu’un mirage. Si certains investisseurs gardent espoir malgré la morosité actuelle, d’autres pensent que même après avoir touché le fond on peut encore creuser. Mais comme aux échecs où il faut prévoir plus de deux coups à l’avance, le défi de l’investissement consiste à voir au-delà des simples données économiques du jour pour envisager la suite.

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