La naissance d’un nouvel ordre mondial

Christopher Smart, Barings

2 minutes de lecture

Tout projet de rapprochement commercial entre les alliés et les partenaires des États-Unis doit être aussi inclusif que possible.

© Keystone

Le nouvel ordre mondial est apparu comme une évidence durant les sommets européens. Les dirigeants du G7 et de l'OTAN ont fait preuve de plus d'unité qu'ils ne l'avaient fait depuis des années, tandis que la volonté de Vladimir Poutine de participer au sommet du G20 de novembre a fait échouer le dernier espoir de coordination économique mondiale.

Le G7 répond à Moscou et Pékin

Désormais, les pays les plus riches du monde sont prêts à investir dans les défis que représentent l'agression russe et l'évolution de la concurrence chinoise. S'ils persistent, leurs efforts soutiendront une ère d'intégration économique profonde. Toutefois, en l'absence d'un véritable processus d'élaboration de la politique économique mondiale, la tâche la plus ardue sera d’obtenir le soutien des économies émergentes qui luttent pour ne pas être prises entre deux feux.

Le communiqué du G7 publié depuis les Alpes bavaroises a couronné quatre mois de démarches diplomatiques pour déployer des sanctions susceptibles de condamner la Russie à des décennies d'isolement. Les dirigeants ont ajouté une interdiction des exportations d'or de Moscou, mais ont également annoncé un mécanisme visant à plafonner les prix du pétrole russe. Ce dispositif peut certes échouer, mais démontre que les efforts visant à isoler le régime de Poutine sont loin de faiblir. Le groupe fait également avancer une initiative d'infrastructure naissante en réponse au réseau chinois de la «nouvelle route de la soie» et a dénoncé l’«expansionnisme» de Pékin en mer de Chine.

Au milieu d'une guerre acharnée, d'une récession imminente et d'une montée du populisme, la semaine a été bonne pour ce que l'OTAN a appelé «l'ordre international fondé sur des règles». Des décennies après le versement des derniers dividendes de la paix de la guerre froide, les partenaires européens et asiatiques veulent s'appuyer davantage sur les garanties de sécurité, les ventes d'armes et la coopération en matière de défense des États-Unis.  

Cela ne signifie pas que les différends sur les taxes numériques et les exportations de riz vont disparaître comme par magie, mais ils pourraient être plus contenus. Ce que cela laisse présager pour l'économie mondiale, au-delà des craintes actuelles de récession, c'est une expansion soutenue et coordonnée des dépenses militaires et une réorientation significative des relations commerciales.

Le G20 est mort, vive le «friendshoring»

C'est du moins la vision qui semble se cacher derrière ce que l'administration Biden appelle le «friendshoring». Poussé à l'extrême, cela peut être une voie dangereuse qui justifie un protectionnisme étroit et injecte une politique encore plus volatile dans le commerce entre soi-disant amis. Comment cette vision se présentera-t-elle, par exemple, sous la direction d'un futur président américain isolationniste ou face à un gouvernement illibéral d'Europe de l'Est?

Pour l'instant, les efforts se concentrent sur le renforcement des chaînes d'approvisionnement stratégiques en armes, semi-conducteurs et fournitures médicales dans les pays où l'alignement diplomatique, économique et militaire semble fiable. Apparemment, cette vision n'inclut pas une abrogation immédiate des droits de douane sur l'acier européen, mais semble promettre un soutien politique pour la construction d'une usine ou la signature d'un contrat de fourniture dans un pays où il y a alignement des intérêts géopolitique.

Rien de tout cela ne sera facile alors que les dirigeants du G7 retournent chez eux avec une popularité en baisse et des systèmes politiques fragiles, mais il sera plus simple de renforcer la coordination entre les alliés que de s’appuyer sur des économies émergentes qui ne sont ni totalement amies ni totalement rivales. La clé sera de faire preuve de flexibilité et de patience envers les pays qui ne font pas entièrement confiance au leadership des États-Unis, mais qui ne font pas non plus confiance aux alternatives.

Malgré tous ses défauts, le G20 a été le meilleur mécanisme disponible pour faire avancer les négociations sur la stabilité financière, le changement climatique et l'allègement de la dette, mais le processus semble aujourd'hui gravement compromis. Même si le président indonésien et hôte du sommet, Joko Widodo, parvient à ce que Vladimir Poutine participe, la moitié des participants quitteront probablement le sommet lorsqu'il apparaîtra.

Toutefois, les efforts déployés pour convaincre ceux qui ne se déroberont pas à une intervention de Poutine seront déterminants pour le succès de la future coopération économique mondiale. Le 23 juin, par exemple, les dirigeants de l'Inde, du Brésil et de l'Afrique du Sud l'ont rejoint lors du 14ème «sommet des BRICS», organisé par Xi Jinping. Mais leurs conclusions ont montré à quel point ils étaient réticents à faire quoi que ce soit qui ressemble à une approbation de l'invasion russe.

Les États-Unis, l'Europe et leurs partenaires devront dialoguer avec ces économies émergentes. Cela signifie, les inclure dans la vision la plus large possible du «friendshoring», afin qu'elles aient un intérêt dans le respect des règles internationales.

Cela implique des démarches diplomatiques. Il s'agira de comprendre pourquoi l'Inde peut avoir besoin de temps pour réduire ses relations commerciales avec la Russie. Il sera très difficile d'obtenir l'engagement de ces pays, mais le G20 étant sur son lit de mort, cela sera plus important que jamais.

A lire aussi...