Une exposition aux marchés actions indiens? Incontournable selon Arun Sai de Pictet AM, conjoncture et facteurs structurels obligent.
A la question «quels marchés connaîtront le meilleur rendement sur les douze prochains mois en Asie?», la réponse de la conférence des stratégistes de Pictet Asset Management place l’Inde juste derrière la Chine. Et ce, alors même qu’un écart important demeure, ne serait-ce que la différence de PIB par habitant (respectivement 7'000 dollars et 16'300 dollars ppp en 2019) qui implique un retard d’une quinzaine d’années entre la 1re et la 3e économie asiatique. Une autre approche, qui privilégie le potentiel de croissance à cinq ans, fait de l’Inde un bloc économique incontournable pour les investisseurs parmi les trois autres que comptent l’Asie: la Chine, le plus dynamique et diversifié des marchés asiatiques; la Corée et Taiwan, tous deux très avancés, cycliques et dépendants des valeurs technologiques; l’Asie du Sud-Est (Asean), un mixte défensif, avec des écarts importants entre ses membres.
«La question aujourd’hui est moins de savoir si l’Inde sera la prochaine Chine, explique Arun Sai, Senior Multi Asset Strategist chez Pictet Asset Management, mais de regarder le potentiel de croissance de l’une et de l’autre. Force est de constater que l’Inde présente des caractéristiques structurelles qui pourraient être autant d’avantages sur le moyen terme par rapport la Chine.» Au premier chef desquels sa démographie: alors qu’aujourd’hui, la Chine et l’Inde ont un ratio de dépendance démographique plus favorable à la première (42 contre 48), la tendance s’inverse dans les années à venir, avec un écart important (48 sans changement pour l’Inde, 67 pour la Chine) à horizon 2050.
alors que la Chine verra la pression sur la population active augmenter.
Autrement dit, l’Inde continuera encore 30 ans à bénéficier d’une démographie favorable alors que la Chine verra la pression sur la population active augmenter pour soutenir les inactifs. Les autres avantages tiennent à la puissance de l’inclusion financière en Inde, à la plus grande participation des femmes à l’économie, à une meilleure position pour engranger des gains de productivité et profiter de la migration de forces productives des régions rurales vers les zones urbaines. Des gains que la Chine a déjà réalisés, mais elle a d’autres avantages comme ses infrastructures meilleures, la technologie et les gains d’une éducation supérieure.
Des éléments conjoncturels viennent renforcer ces avantages structurels, tout en atténuant la portée des faiblesses traditionnelles du sub-continent indien, en particulier le déficit massif d’infrastructures et les difficultés d’accès au crédit. Deux freins majeurs à la croissance que le budget présenté par le gouvernement Modi le 1er février dernier devrait lever, qui a fait de sa priorité un vaste plan d’infrastructures. Ces mesures représentent le changement politique en faveur de la croissance le plus important en Inde depuis la fin de années 1990, qui permettra d’accroître l’investissement dans les capacités de production, une condition sine qua non du rattrapage indien. «Ces avancées profiteront à l’ensemble des classes d’actifs en Inde, commente Arun Sai, en particulier aux actions d’institutions bancaires et aux sociétés domestiques dans les secteurs industriels et de construction. Même s’ils restent chers, les marchés indiens sont très porteurs, que ce soit dans une approche tactique ou de long terme.»
Meilleure preuve de ce momentum, l’accroissement de l’écart entre le prix des actions et les attentes des résultats des sociétés, revues à la hausse ces deux derniers mois par les analystes. En marge de ce momentum, le marché obligataire en devise locale reste difficile d’accès aux investisseurs en raison des nombreuses restrictions et contraintes procédurales – moins de 3% des obligations d’Etat sont détenues par des investisseurs étrangers contre 10% en Chine. «Plus d’Inde, plus de Chine, plus d’Asie dans les portefeuilles, sont une très bonne combinaison de croissance solide et stabilité dans la plus dynamique zone économique de la planète, qui représentera en 2045 50% du PIB mondial» conclut Arun Sai.