Pas de plan(ète) B

Anne Barrat

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Pour Olivier de Berranger, CIO de La Financière de l’Echiquier, la biodiversité n’est pas un luxe, en parler ne suffira pas à freiner l’extinction des espèces.

Agir, agir vite. Car nous sommes à l’aube de la 6e extinction des espèces. La différence avec les cinq précédentes intervenues au cours des 500 dernières millions d'années, qui ont vu entre 60% et 95% de la vie sur Terre disparaître, déjà à cause de changements climatiques, est que ce 6e épisode pourrait bien menacer la survie de l’espèce humaine, de chacun d’entre nous donc. Il a commencé il y a plusieurs siècles, mais s’est fortement accéléré ces dernières décennies. Septante-cinq pour cent des espèces pourraient avoir disparu avant la fin du 1er siècle du 3e millénaire. Nous avons le pouvoir de dire non. Avec Olivier de Berranger, CIO de La Financière de l’Echiquier.

Le principal défi lorsque l’on parle de biodiversité, c’est-à-dire aussi bien le nombre total d’espèces vivantes que l’abondance par espèce, tient au flou qui entoure sa connaissance par l’ensemble des parties prenantes, des individus et acteurs économiques aux pouvoirs publics et autorités de tutelle et réglementation. Un flou aux facettes multiples. 

Qui se souvient des espèces d’oiseaux qui, il y a encore 15 ans, peuplaient les parcs de Paris, Genève ou Londres, et se rend compte que la moitié a disparu?
La biodiversité, victime de l’amnésie

La première, qui n’est pas la moins inquiétante, concerne l’amnésie qui entoure la disparition des espèces. Une amnésie internationale sélective d’abord: tout le monde se souvient des événements marquants liés au climat, les tempêtes, les tsunamis, les ouragans, etc. Qui se souvient des espèces d’oiseaux qui, il y a encore 15 ans, peuplaient les parcs de Paris, Genève ou Londres, et se rend compte que la moitié a disparu? Cette amnésie est liée à un déficit de connaissance: contrairement à nos ancêtres du XIXe siècle, savants en matière de connaissance des espèces, nous savons peu des espèces. Qui sait que l’huître est un mollusque et non un crustacé, nonobstant les appellations des plateaux de fruits de mer? Qui sait que l’on trouve des crustacés terrestres, les cloportes, dans le cœur de nos villes? 

Ce déclin dans la connaissance des espèces nourrit une amnésie culturelle. Il est de ce point de vue intéressant de souligner que la version originale de Blanche-Neige et les Sept Nains signée Walt Disney en 1937, comptait 22 espèces animales dans le casting. Il y en avait six dans le Mulan de 1998, une dans le Ratatouille de 2007. Cette évolution reflète mieux que tout autre le caractère dramatique du destin de la biodiversité. Loin d’être anecdotique, elle montre que, pour sauver la biodiversité, tout commence par le souvenir, donc remonter bien au-delà de sa reconnaissance au sommet de Rio en 1992, par la connaissance et par la volonté de braver la complexité dont elle s’accompagne, qui la rend bien moins compréhensible et mesurable que le climat.

Accepter la complexité pour avancer

«Il y va de la biodiversité aujourd’hui comme de l’analyse extra-financière il y a 15 ans, explique Olivier de Berranger: nous sommes condamnés à tout faire pour la prendre en compte et promouvoir sa préservation, sauf à perdre notre crédibilité d’acteur engagé et responsable.» La prendre en compte soulève la question de la difficulté à la mesurer: contrairement à la problématique climatique qui se mesure en réduction de tonnes de carbone et autres gaz à effet de serre, la mesure de la biodiversité est tout sauf simple. Une façon de l’aborder consiste à quantifier la biomasse des espèces, c’est-à-dire toutes les matières organiques qui peuvent dégager de l'énergie par combustion directe ou à la suite d'une étape de transformation. 

«Notre approche consiste à accompagner aussi bien les entreprises les mieux notées que des valeurs moins bien notées selon notre grille de notation interne.»

Il s’agit donc de rapporter la biodiversité à la quantité d’énergie qu’elle peut générer, ce qui pose la question de la mise en équation du vivant. Un véritable casse-tête, reconnaît Olivier de Berranger, qui rend la collecte de données extrêmement compliquée, le développement d’outils de mesure de la performance des entreprises en matière de biodiversité un véritable casse-tête: «Notre approche consiste à accompagner aussi bien les entreprises les mieux notées que des valeurs moins bien notées selon notre grille de notation interne, qui accorde 60% de la note que nous attribuons à la gouvernance, 20% à l’environnement et 20% au social. Cette prégnance de la note G est la marque de fabrique de la Financière de l'Echiquier. Exclure d’emblée toutes les entreprises dont les notes ESG sont encore moyennes ou faibles revendrait à obérer toute possibilité de transition, de transformation, de bonne volonté. Donc la (bio)diversité.»

Sensibiliser les investisseurs, une question de conviction

La solution? Donner l’exemple pour sensibiliser les investisseurs et toutes les autres parties prenantes. Pour cela La Financière de l’Echiquier publiera en 2022 son premier rapport Climat et biodiversité, qui rendra compte des performances des entreprises sélectionnées par le gestionnaire d’actifs qui a fait de la gouvernance sa marque de fabrique depuis 30 ans. «La performance? Elle ne pourra qu’être supérieure à celle des indices de référence à long terme pour une raison simple: les performances des entreprises qui intègrent dans leurs gouvernances et leurs opérations les meilleures pratiques ESG présentent un meilleur couple rendement risque et une garantie contre la volatilité. Nous en sommes convaincus», conclut Olivier de Berranger.

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