L’envol des faucons

Olivier de Berranger, La Financière de l'Echiquier

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Le risque d’une nouvelle accélération surprise du calendrier pour faire face à l’inflation n’est pas encore levé.

Doublement du rythme de réduction des achats nets d’actifs, trois hausses de taux anticipées par le conseil des gouverneurs en 2022 et autant en 2023, priorité donnée à la lutte contre l’inflation plutôt qu’à l’atteinte du plein emploi à tout prix: le tournant restrictif opéré par la Réserve fédérale américaine (Fed) lors de sa dernière réunion de politique monétaire est incontestable. Sans constituer une surprise – le chemin ayant été bien balisé en amont – cet épisode n’en constitue pas moins un tournant majeur. Il préfigure une période où le soutien des banques centrales à l’économie et aux marchés s’amenuisera. D’autant que la Fed n’est pas seule dans ce cas.

Alors qu’une nouvelle temporisation était attendue, la Banque d’Angleterre a en effet annoncé une première hausse de son taux directeur. Elle y avait renoncé en novembre dernier lorsque tous les observateurs s’attendaient à une annonce. Pour lutter contre une inflation désormais très forte, de nombreuses banques centrales des grands pays émergents – Brésil, Mexique, Russie par exemple – ont déjà nettement remonté leurs taux ces derniers mois. Et même les banques centrales les plus accommodantes commencent à resserrer les vannes. La Banque centrale européenne (BCE) et la Banque du Japon ont ainsi annoncé la fin à venir des programmes d’achats d’actifs qu’elles avaient mis en place au printemps 2020. Il n’y a guère que la Banque populaire de Chine, qui adopte une posture résolue de soutien aux fragilités de l’économie domestique, pour détonner dans ce paysage.

Ce contexte indubitablement restrictif n’est toutefois pas synonyme de fin brutale du soutien monétaire. En témoigne par exemple la somme des bilans de la Fed et de la BCE qui s’élève aujourd’hui à plus de 18 000 milliards de dollars, soit près du double du niveau de début 2020. Et même si ces bilans cesseront progressivement d’augmenter avec l’extinction des programmes d’achats d’actifs, tant que la phase de réduction de leur taille n’est pas initiée, le réinvestissement des titres arrivés à maturité restera une source massive d’apport de liquidités. Par ailleurs, fortes de l’expérience des dernières années, les banques centrales sauront se montrer flexibles si la solide tendance de croissance actuelle se mettait à dérailler.

Pour autant, ce tournant restrictif ne sera pas sans effet sur les marchés d’actifs risqués. Une phase de remontées des taux n’est statistiquement pas négative pour les marchés actions, à condition que celles-ci soient progressives et que le calendrier soit lisible. La réunion de la Fed a contribué à améliorer la visibilité des marchés sur la trajectoire de resserrement monétaire.  Cependant, le risque d’une nouvelle accélération surprise du calendrier pour faire face à l’inflation n’est pas encore levé. Ce qui est certain en revanche, c’est qu’un mouvement marqué de resserrement monétaire ne sera pas neutre sur les exigences des investisseurs en termes de valorisations. Après près de deux ans pendant lesquels les marchés ont été alimentés par des flux massifs, souvent au mépris de toute rationalité sur les prix, cette nouvelle donne monétaire devrait rendre leurs lettres de noblesse aux concepts de qualité, de valorisation raisonnable, de santé des bilans et de pricing power.

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