Opportunités aurifères dans l’Outback

Imaru Casanova & Joe Foster, VanEck

5 minutes de lecture

L’Australie reste une juridiction minière de premier plan, à la fois en termes de potentiel et d’investissement. Compte rendu d’un récent voyage et de visites chez les principaux acteurs du secteur de l’or.

La montée en valeur du dollar et l’augmentation des rendements d’obligation ont pesé sur le prix de l’or en août. La mise en exergue de la technologie, des techniques minières et de l’efficacité, ainsi que les sujets liés à l’ESG, débloquent des opportunités en Australie.

L’or réagit à la Fed et à la vigueur du dollar

Au mois d’août, l’or a perdu une partie des gains accumulés en juillet. Les marchés restent focalisés sur la trajectoire de la Réserve fédérale américaine (Fed). Les indications selon lesquelles les politiques de la Fed pourraient rester plus strictes plus longtemps, ainsi que la possibilité d’une nouvelle hausse cette année, ont contribué à la hausse du dollar et des rendements obligataires, ce qui a exercé une pression sur les prix de l’or. L’indice du dollar américain (DXY) a augmenté de 1,7% en août, et le rendement du Trésor américain à 10 ans a culminé à 4,34%, son niveau le plus élevé depuis 2007. L’or, quant à lui, est tombé sous la barre des 1’900 dollars l’once, atteignant son niveau le plus bas le 18 août à 1’889 dollars, en raison de sorties persistantes des fonds négociés en bourse de lingots d’or au cours du mois. Cependant, une fois encore, l’or a fait preuve de résilience en repassant au- dessus des 1’900 dollars une semaine plus tard seulement. Vers la fin du mois, la baisse de la confiance des consommateurs et des offres d’emploi aux Etats-Unis a réduit la probabilité implicite d’une hausse de la Fed cette année. La baisse du rendement des bons du Trésor et du dollar a soutenu l’or, qui a clôturé à 1’940 dollars l’once le 31 août, affichant une perte de 25 dollars l’once (-1,3%) sur le mois.

L’écart continue de se creuser pour les mineurs d’or

Le NYSE Arca Gold Miners Index (GDMNTR) et le MVIS Global Juniors Gold Miners Index (MVGDXJTR), ont enregistré une baisse de 6,1% et 3,7%, respectivement, au cours du mois. Les petites sociétés aurifères ont surperformé par rapport à leurs homologues plus importantes, mais l’écart de valorisation entre les actions aurifères et les lingots d’or s’est encore creusé. Le prix de l’or a augmenté de 6,4% depuis le début de l’année, mais le GDMNTR n’a progressé que de 3,1%. Nous avons insisté sur le fait que les actions se négocient à un prix inférieur à l’or et à des taux historiquement bas. Une analyse de Paradigm Capital portant sur un ensemble de grands producteurs d’or et de producteurs intermédiaires a révélé que, sur la base des consensus prévisionnels, les mineurs d’or négocient à un taux EV/EBITDA 2024 représentant une réduction d’environ 35% par rapport à leur moyenne historique sur 10 ans. A titre de référence, l’indice S&P 500 se négocie à un taux EV/EBITDA 2023 supérieur de plus de 10% à sa moyenne sur 10 ans, et même avec des estimations à la baisse pour l’année prochaine, le ratio consensuel EV/EBITDA 2024 est identique à la moyenne sur 10 ans. Etant donné que les prix de l’or s’approchent de leurs plus hauts niveaux historiques, nous pensons que les investisseurs doivent s’intéresser de près aux actions des sociétés d’extraction de l’or et envisager le potentiel d’appréciation du prix des actions du secteur, par rapport aux autres industries.

Sur la route en Australie

Nous avons récemment eu l’occasion de traverser l’Australie. Au vu de la distance à parcourir, nous souhaitions en faire le plus possible au cours du voyage en visitant le plus d’exploitations et en partant à la rencontre du plus grand nombre d’entreprises possible. Nous avons rencontré les équipes de direction de huit entreprises et visité six grandes mines d’or, y compris des mines à ciel ouvert et des mines souterraines. La taille et l’échelle de certaines exploitations (par exemple, Boddington), et la richesse en grades d’autres exploitations (par exemple, Bellevue et Fosterville), n’ont pas manqué de nous impressionner. Dans l’ensemble, nous avons remarqué que l’accent était mis sur les dernières technologies, techniques minières et optimisation, ainsi qu’aux aspects écologiques, sociaux et de gouvernance (ESG), qui font l’objet d’une attention particulière. Selon nous, l’Australie reste une juridiction minière de premier plan, à la fois en termes de potentiel et d’investissement. Actuellement, sur la base des réserves des sociétés, l’Australie représente environ 15 % de l’exposition totale du portefeuille. Nous avons abordé les points clés suivants avec les équipes de direction: l’accent mis sur la décarbonisation de l’utilisation de l’énergie, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et le rôle de la technologie dans l’exploitation minière pour réduire les coûts, améliorer l’efficacité et rendre l’exploitation minière plus sûre pour les employés.

Pour information, l’Australie était le deuxième producteur d’or en 2022 (à égalité avec la Russie et à peine derrière la Chine). Selon l’enquête United States Geological Survey, le pays minait plus de 10% de l’offre annuelle mondiale. Sur la base des réserves, le pays détiendrait plus de 16% de l’or enfoui dans le sol dans le monde. Au cours de notre voyage, nous avons visité des mines représentant environ 22% de la production annuelle d’or de l’Australie. L’intensification de l’exploration, la consolidation régionale permettant des économies d’échelle, l’accent mis sur l’optimisation et le contrôle des coûts, ainsi que les prix de l’or historiquement élevés devraient contribuer à la vigueur de l’industrie minière aurifère dans les années à venir.

Principaux enseignements tirés du voyage en Australie

Bien que les prix des matières premières semblent à présent reculer, les pénuries de main-d’œuvre qualifiée en Australie continuent d’avoir des répercussions sur les coûts et les volumes, malgré l’inversion des tendances liées à la COVID l’année dernière.

Les prix élevés des matériaux en gros (minerai de fer, charbon, lithium) et les mesures de relance des projets financés par les autorités publiques ont fortement accru la concurrence pour la main-d’œuvre qualifiée. Cette situation a entraîné une hausse des salaires dans l’industrie minière, les entreprises cherchant à retenir ou attirer les talents, y compris pour les candidats qui viennent d’empocher leur diplôme. Par ailleurs, nous avons entendu dire qu’un salaire de 150’000 dollars australiens pour un ingénieur débutant n’est pas rare.

Les opérations «Fly-In-Fly-Out», principalement en Australie occidentale (par exemple, Bellevue et Gruyere), favorisent le comportement des travailleurs de type «mercenaire». Par exemple, les mineurs, les mécaniciens et les ingénieurs basés près de Perth peuvent obtenir les indemnités les plus élevées sans avoir à déménager ou à relocaliser leur famille.

Les exploitations situées à proximité des grands centres de population (Boddington, Fosterville, par exemple) bénéficient à la fois de taux de main-d’œuvre plus bas et d’un taux de rotation plus faible.

Les mineurs d’or tentent de résoudre le problème de main- d’œuvre en recrutant et en embauchant de manière agressive, en formant de jeunes diplômés dans des domaines adjacents (tels que le génie civil) et en faisant appel à l’automatisation et aux technologies.

L’Australie est à la pointe de la technologie, l’adoption des véhicules télécommandés et automatisés devant permettre une amélioration continue des coûts, du rendement et de la sécurité.

A Fosterville et Cowal, nous avons eu l’occasion de visiter la salle de contrôle et d’observer les opérateurs en surface qui contrôlent les véhicules fonctionnant sous terre. Cette technologie est mise en œuvre lorsque les conditions du sol posent un problème de sécurité pour les travailleurs et est utilisée lors des changements d’équipe pour faciliter les opérations et maximiser les volumes.

L’adoption de la technologie la plus étonnante que nous ayons observée concerne les activités de Newmont (3,60% de l’actif net stratégique) à Boddington. Nous y avons vu le plus grand parc de véhicules automatisés de l’industrie aurifère. Boddington exploite actuellement 35 camions de transport Cat793 (400 tonnes) entièrement automatisés et prévoit d’en acquérir cinq supplémentaires. Les avantages de la flotte automatisée de Boddington par rapport à une flotte conventionnelle n’ont pas encore été quantifiés, mais nous nous attendons à ce que les gains soient significatifs.

A Gruyere, la direction d’une coentreprise détenue à parts égales par Gold Fields (0,41% des actifs nets de la stratégie) et Gold Road (non détenue dans la stratégie), envisage d’automatiser le parc de foreuses afin de gagner en efficacité et de réduire les coûts de main-d’œuvre. Les opérations ont été récemment entravées par un manque de capacité de forage.

A Fosterville et Boddington, les véhicules sont surveillés et suivis en permanence, y compris les véhicules souterrains, ce que nous n’avions jamais vu auparavant. Si cela devrait clairement améliorer les performances en matière de sécurité, nous nous attendons également à une amélioration des performances opérationnelles et à une plus longue durée de vie des équipements.

Dans toute l’Australie, nous avons remarqué que l’accent était mis sur l’ESG, et plus particulièrement sur le mandat de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les producteurs d’or s’efforcent d’améliorer l’efficacité énergétique et la production d’énergies alternatives (principalement solaire et éolienne) afin d’atteindre les objectifs à court terme pour 2030 en utilisant les technologies actuellement disponibles.

L’industrie minière australienne est généralement bien placée pour investir dans ces sources d’énergie non fossiles, étant donné que les exploitations isolées dépendent actuellement d’une production d’énergie diesel autonome et onéreuse. L’énergie diesel existante (un coût irrécupérable) a l’avantage de compléter la production solaire et éolienne, mais de manière intermittente.

Les décisions d’investissement dans l’énergie bénéficient de la durée de vie généralement longue des exploitations minières, de la disponibilité de terrains à faible coût, de la baisse du coût de l’énergie solaire, ainsi que de la disponibilité et de l’augmentation de la capacité de stockage des batteries.

Lors de nos récents voyages en Australie et en Afrique de l’Ouest, nous avons pu constater que des solutions de production d’énergie solaire étaient déjà installées ou allaient l’être prochainement. Cela est rendu possible par la combinaison de la volatilité du prix du diesel et de la baisse du coût des projets d’énergie alternative, ainsi que par la faible fiabilité et/ou le coût élevé de l’électricité fournie par le réseau.

Nous avons visité une ferme solaire entièrement opérationnelle dans la coentreprise de Gold Fields à Gruyere. L’entreprise semble s’imposer comme un acteur de premier plan dans ce domaine, avec une production d’énergie solaire et/ou éolienne existante ou prévue dans l’ensemble de ses activités en Australie et en Afrique du Sud.

Il subsiste des défis concernant la décarbonisation complète à long terme, car il n’existe pas encore de solutions d’électrification pour les grands camions et les longs trajets. En outre, la capacité de stockage des batteries, qu’elles soient mobiles ou fixes, est insuffisante pour atteindre les taux d’utilisation requis.

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