Nouvelles énergies, nouveaux horizons

Alan Mudie, Société Générale Private Banking

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Lentement mais sûrement, nous évoluons vers un monde neutre en carbone.

Le programme du prochain président américain Joe Biden vise la neutralité des émissions nettes de carbone à l’horizon 2050 au plus tard, et Xi Jinping s’est engagé à ce que la Chine atteigne cet objectif d’ici à 2060. Mais pour y parvenir, le monde doit abandonner sa dépendance aux combustibles fossiles (81% de la demande mondiale d’énergie en 2018, d’après l’Agence internationale de l’énergie) et apprendre à s’appuyer sur les énergies renouvelables. Nous pourrions ainsi réduire les émissions de gaz à effet de serre progressivement à zéro d’ici à 2050 dans chacun des trois principaux domaines de la consommation d’énergie, à savoir le chauffage, la production d’électricité et les transports. Il s’agit d’un objectif très ambitieux et nécessitant des investissements très lourds, mais les technologies permettant d’y parvenir sont en cours de développement.

Aujourd’hui, la production de chaleur est dominée par les combustibles fossiles (à hauteur de 81% environ). Pour que cette part tombe à zéro d’ici à 2050, il est nécessaire qu’un virage massif s’opère vers les pompes à chaleur et le chauffage électrique direct, qui ne représentent actuellement que 5% de la production de chaleur. Cette part pourrait atteindre 70% à l’horizon 2050, le solde de la production de chaleur pouvant être assuré par l’énergie de biomasse, le solaire thermal etc.

La nouvelle production d’énergie s’oriente de plus en plus
vers les énergies renouvelables, qui ont déjà atteint la «parité réseau».

La nouvelle production d’énergie s’oriente de plus en plus vers les énergies renouvelables, qui ont déjà atteint la «parité réseau» (en mesure de produire de l’électricité à un prix équivalent à celui des combustibles fossiles). Selon Bloomberg NEF, les énergies solaires et éoliennes ont représenté plus de 67% de la nouvelle capacité de production mondiale l’année dernière, contre moins d’un quart en 2010. Cependant, elles sont, par définition, intermittentes, c’est-à-dire que leur stockage est devenu le défi majeur à relever pour les compagnies d’électricité.

Aujourd’hui, 97% du stockage est hydro-électrique, mais il serait extrêmement difficile d’augmenter la capacité hydro-électrique à suffisamment grande échelle pour faire face aux futurs besoins. Les fournisseurs d’énergie devront chercher des alternatives comme les batteries (lithium-ion et vanadium), le stockage de chaleur dans la roche volcanique ou l’hydrogène «vert». Ce dernier est produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité provenant de sources renouvelables et se prête particulièrement bien au stockage d’électricité à long terme (dans de grands réservoirs, des mines désaffectées, des grottes ou des gisements de pétrole ou de gaz épuisés) compte tenu de sa haute densité énergétique. Mais l’électrolyse reste coûteuse et de nouveaux gains d’efficience (dans la production d’électricité renouvelable et la capacité des électrolyseurs) seront nécessaires pour encourager une adoption généralisée.

L’hydrogène offre également des avantages significatifs dans les transports par rapport à l’alimentation par batterie, comme une meilleure autonomie (1 kg d’hydrogène peut alimenter un véhicule électrique à pile à combustible sur 100 km) et un ravitaillement plus rapide (2 à 3 minutes). Mais il y a également des inconvénients. Les véhicules peuvent coûter deux fois plus cher que les versions alimentées par batterie; l’infrastructure pour une borne de recharge de véhicules à pile à combustible coûte cinq fois plus cher que des stations de recharge de batteries; et le coût du carburant par km est beaucoup plus élevé, autant d’éléments qui vont freiner l’adhésion des consommateurs.

L’hydrogène a de l’avenir dans les transports,
grâce à sa plus grande densité énergétique.

Cependant, l’hydrogène a de l’avenir dans les transports, grâce à sa plus grande densité énergétique (son énergie spécifique s’élève à 40 000 wattheures (Wh) par kg tandis que les batteries au lithium-ion les plus efficaces n’offrent qu’environ 250 Wh/kg). L’hydrogène peut ainsi permettre une autonomie plus longue et alimenter des véhicules plus lourds, devenant ainsi compétitif pour les poids lourds longue distance ou les avions, compte tenu du poids des batteries dont ils auraient besoin. D’autre part, les réservoirs d’hydrogène sont encombrants, ce qui les rend peu attrayants pour les petites voitures. On s’achemine donc vers un marché automobile dominé par les hybrides et les voitures électriques à batterie et un marché des utilitaires où les piles à combustible fonctionnant à l’hydrogène pourraient s’imposer.

Il restera néanmoins des domaines où l’électricité ne permettra pas la décarbonisation, comme la sidérurgie ou les cimenteries. Là aussi, l’hydrogène vert peut représenter une solution alternative. Environ 70% de l’acier produit dans le monde utilise des hauts fourneaux à charbon, matière fossile qui pourrait être remplacé par l’hydrogène moyennant des investissements très lourds. L’hydrogène est également à même de se substituer au charbon, gaz ou pétrole dans la production de ciment.

Pour atteindre la neutralité carbone, il convient de réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro, impliquant un virage massif des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables. Les progrès technologiques ont permis de réduire les coûts (l’électricité solaire est 85% moins chère aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2010) et des solutions existent pour résoudre des problèmes comme l’intermittence. Cependant, pour mener à bien cette transition et réduire encore les coûts, des investissements publics et privés massifs devront être réalisés dans les nouvelles technologies et infrastructures énergétiques. Et l’hydrogène (l’élément le plus abondant dans l’univers) pourrait jouer un rôle majeur. Les entreprises concernées devraient bénéficier d’une croissance soutenue de la demande dans les 40 prochaines années.

 

Sources: Agence internationale de l’énergie, Bloomberg New Energy Finance, Bank of America, Hydrogen Council, Energy Watch Group et LUT University

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